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Accords sur l’assurance chômage, l’emploi des seniors & le dialogue social


Les partenaires sociaux ont signé trois accords le 14 novembre 2024 portant sur l’assurance chômage, l’emploi des seniors et le dialogue social.


En résumé :

  • L’accord sur l’assurance chômage complète l’accord du 10 novembre 2023 par des mesures sur l’indemnisation des seniors en lien avec la réforme des retraites
  • L’accord en faveur de l’emploi des salariés expérimentés propose différentes mesures permettant de favoriser l’emploi et le maintien dans l’emploi des seniors.
  • L’accord relatif à l’évolution du dialogue social développe et favorise le dialogue social des instances représentatives du personnel.

L’aboutissement le 14 novembre 2024 des négociations menées par les partenaires sociaux sur l’assurance chômage, l’emploi des seniors et le dialogue social a été salué par le gouvernement Barnier. Ce succès est à souligner, d’autant que le dialogue social étant une priorité du gouvernement, François Bayrou, nouveau Premier Ministre, a décidé d’agréer la convention d’assurance chômage.

Revenons sur les trois accords nationaux interprofessionnels conclus par les partenaires sociaux le 14 novembre 2024 pour en décrypter les principales mesures intéressant les employeurs.

Les négociations sur l’assurance chômage

Les négociations sur l’assurance chômage avaient pour objectif de compléter l’accord conclu le 10 novembre 2023 par le patronat et trois organisations syndicales (CFDT, CFTC et FO) par des dispositions relatives à l’indemnisation des seniors en lien avec la réforme des retraites.

Le gouvernement de l’époque a cependant décidé, le 27 novembre 2023, de ne pas l’agréer, tant que les partenaires sociaux n'auraient pas acté des mesures d'économies plus précises sur l'indemnisation des demandeurs d'emploi seniors, nécessitant une nouvelle négociation distincte, notamment pour tenir compte du report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite.

A cela s’est ajouté l'échec de la négociation sur le Pacte de la vie au travail en avril 2024, prévue dans l’accord du 10 novembre 2023, ayant entrainé le report de la négociation sur l’avenant à la convention d’assurance chômage. Le gouvernement avait officiellement annoncé le 22 avril 2024, qu’il reprenait la main et entendait déterminer les règles d’indemnisation chômage, applicables à compter du 1er juillet 2024.

La dissolution de l’Assemblée nationale avait conduit le Premier Ministre de l’époque, Gabriel Attal, à annoncer dès le 30 juin 2024, la suspension de la réforme de l’assurance chômage, qui devait entrer en vigueur le 1er décembre 2024.

Les règles d’indemnisation avaient été prolongées par plusieurs décrets de jointure et en dernier lieu par décret n° 2024-963 du 29 octobre 2024 prévoyant un ultime report au 31 décembre 2024.

Michel Barnier, alors Premier Ministre, avait annoncé le 1er octobre 2024, lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, faire confiance aux organisations patronales et syndicales pour « négocier sur l’emploi des seniors et sur notre système d’indemnisation du chômage », « plutôt sur la base de l'accord de novembre 2023 qui avait été signé par trois organisations syndicales et par le patronat ».

C’est ainsi que les négociations ont repris le 22 octobre 2024 pour aboutir à un avenant du 14 novembre 2024 au protocole d’accord du 10 novembre 2023 sur l’assurance chômage.

Selon les estimations de l’Unédic, les nouvelles règles devraient engendrer près de 2,6 milliards d’euros d’économie entre 2025 et 2028, , la majorité de ces mesures devant entrer en vigueur le 1er avril 2025.

Parmi les mesures à souligner, notons l’abaissement de la durée d’affiliation des personnes s’inscrivant pour la première fois à l’assurance chômage (appelés « primo-entrants ») de 6 à 5 mois afin de mieux sécuriser leur situation sur le marché du travail. La durée d’indemnisation minimale sera équivalente et donc fixée à 5 mois.

S’agissant des seniors, sujet crucial de cette réforme, les règles d’indemnisation des seniors évoluent de manière suivante :

  • décalage de 2 ans des bornes d’âge pour l’entrée dans la filière spécifique « senior » (âges à partir desquels la durée maximum de 18 mois pour le droit commun est allongée), soit :
    • 22,5 mois d’indemnisation maximum pour les personnes âgées de 55 et 56 ans à la date de fin du contrat de travail
    • 27 mois d’indemnisation maximum pour les personnes âgées de 57 ans et plus à la date de fin du contrat de travail.
  • décalage progressif jusqu’à 64 ans, de « l’âge à compter duquel le maintien de l’allocation est possible jusqu’à obtention des conditions de liquidation de la retraite à taux plein ».
  • allongement de la durée d’indemnisation en cas de formation pour tous les demandeurs d’emploi de 55 ans et plus et ce, dans la limite de 137 jours.
  • abaissement du seuil d’âge pour la non-application de la dégressivité de l’allocation chômage concernant les hauts revenus : la dégressivité sera appliquée à partir de 57 ans, au lieu de 55 ans,
    « afin de tenir compte de la difficulté des demandeurs d’emploi seniors à retrouver rapidement et durablement un emploi ». Rappelons que depuis le 1er décembre 2021, un coefficient de dégressivité est appliqué au montant de l’allocation chômage à partir du 7ème mois d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi dont l’allocation journalière est supérieure à 92,12 € au 1er juillet 2024 (soit environ 4 916 € de salaire brut mensuel).

Par ailleurs, concernant le bonus-malus sectoriel, des adaptations sont souhaitées par les partenaires sociaux « afin de pallier certaines limites opérationnelles du dispositif » concernant l’exclusion de certaines ruptures indépendantes de la volonté de l’employeur et l’affinage au sein des sept secteurs du périmètre de comparaison des taux de séparation entre entreprises. Un groupe de travail devra préparer « (…) un avenant technique à la convention d’assurance chômage établie en application du présent protocole d’accord, au plus tard le 31 mars 2025 ».

S’agissant des régimes particuliers, un durcissement est prévu concernant les travailleurs transfrontaliers, en vue de mettre fin au déséquilibre financier résultant de l’indemnisation des travailleurs frontaliers dont les niveaux de rémunération sont plus élevés que ceux pratiqués en France. Les partenaires sociaux ont invité les pouvoirs publics à procéder à la révision du règlement européen CE n° 883/2004 de coordination des régimes de sécurité sociale et d’assurance chômage.

Les négociations sur l’emploi des seniors

Les négociations sur l’emploi des seniors avaient pour objet d’acter des mesures permettant de favoriser l’emploi et le maintien dans l’emploi des seniors. Plusieurs mesures, dont certaines exigeraient, pour entrer en vigueur, une transposition législative ou réglementaire ont donc été actées.

En premier lieu, il s’agit d’anticiper les fins de carrière grâce à un renforcement de certains entretiens professionnels existants et une mobilisation accrue du management :

  • Un entretien professionnel renforcé de mi-carrière : ce « rendez-vous clé en lien avec la visite médicale de mi-carrière dans le cadre des entretiens professionnels » a pour objectif de renforcer l’entretien professionnel réalisé dans l’année qui précède ou qui suit le 45ème anniversaire du salarié et ce, quelle que soit son ancienneté.
    L’ANI précise que cet entretien aurait lieu dans les deux mois au plus, suivant la visite médicale de mi-carrière prévue à l’article L. 4624-2-2 du Code du travail.
    Il s’agit d’un « bilan complet à mi-carrière, incluant les aspects relatifs à la santé, aux compétences, aux qualifications, à la formation, aux souhaits de mobilité, aux actions de prévention de la désinsertion et de l’usure professionnelles ».
  • Un entretien de fin de carrière est prévu dans les deux années précédant le 60ème anniversaire du salarié : ce « rendez-vous clé en dernière partie de carrière » serait « l’occasion d’aborder les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière » comme le temps partiel de fin de carrière, la retraite progressive ou encore le cumul emploi-retraite.
    Par ailleurs, est désormais prévue la possibilité pour le salarié de communiquer sa date prévisionnelle d’obtention des conditions de liquidation de sa retraite à taux plein à son employeur, « à l’occasion du premier entretien professionnel se tenant après le 60ème anniversaire du salarié ».

L’accord instaure ou aménage plusieurs dispositifs afin de favoriser la prolongation de la vie professionnelle des travailleurs expérimentés.

  • Mise en place d’un dispositif dit de temps partiel de fin de carrière : possibilité pour le salarié de demander à son employeur un passage à temps partiel sur son poste de travail ou sur un autre poste, dans des conditions dérogatoires au droit commun. Un accord collectif d’entreprise ou de branche déterminerait ses modalités et notamment l’âge auquel il serait accessible et la compensation totale ou partielle par l’employeur de la perte de revenu engendrée, l’indemnité de départ en retraite pouvant être mobilisée pour financer ce dispositif. Ce dispositif s’appliquerait soit jusqu’à la liquidation de la retraite à taux plein, soit jusqu’au recours au dispositif de retraite progressive, tout en ouvrant la voie à sa réversibilité avec l’accord des parties.
  • Facilitation de l’accès à la retraite progressive : rétablissement de l’accès au dispositif à partir de 60 ans, avec maintien la condition de durée d’assurance requise de 150 trimestres. Contrairement au souhait des organisations syndicales, l’employeur conserve la possibilité de refuser la demande du salarié, de manière écrite et motivée, en tenant compte notamment « de l’impact du passage à temps partiel sur la continuité d’activité de l’entreprise ou du service concerné et des tensions de recrutement objectives sur le poste concerné ».
  • Création d’un Contrat de valorisation de l’expérience (« CVE ») à titre expérimental pour une durée de 5 ans à destination des demandeurs d’emploi de 60 ans et plus inscrits à France Travail (un accord de branche pouvant l’élargir aux demandeurs d’emploi de 57 ans et plus). Ce nouveau contrat de travail nécessitera une transposition législative et réglementaire et relèverait du droit commun du CDI, à l’exception des dispositions relatives à la mise à la retraite :
    • Possibilité pour l’employeur de procéder à la mise à la retraite du salarié dès qu’il atteindrait l’âge légal de départ et remplirait les conditions de liquidation de la retraite à taux plein
    • Remise par le salarié lors de la conclusion du contrat d’un document de l’assurance retraite mentionnant la date prévisionnelle d’obtention des conditions de liquidation de la retraite à taux plein
    • Exonération de l’employeur de la contribution patronale spécifique de 30 % sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite.

Sur le dialogue social, l’accord instaure une obligation de négociation triennale sur l’emploi et le travail des seniors au niveau des branches professionnelles et des entreprises d’au moins 300 salariés.

Cette négociation obligatoire et « à part entière » sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés porterait sur trois thèmes de négociation obligatoire :

  • le recrutement des salariés expérimentés ;
  • le maintien dans l’emploi et l’aménagement des fins de carrière (notamment les modalités de recours à la retraite progressive ou au temps partiel)
  • la transmission des savoirs et des compétences des salariés expérimentés (missions de mentorat, de tutorat, mécénat de compétences, etc.).

En cas d’échec des négociations au sein des entreprises d’au moins 300 salariés, un plan d’action unilatéral sur l’emploi et le travail des salariés seniors, après consultation des représentants du personnel, est recommandé par l’ANI comme une bonne pratique.

Les négociations sur l’évolution du dialogue social

Les partenaires sociaux ont également finalisé un accord national interprofessionnel relatif à l’évolution du dialogue social. 

L’objectif de cet accord est énoncé dans son préambule et concerne la nécessité d’associer les instances représentatives du personnel à la mise en œuvre des politiques relatives à l’emploi et au travail des salariés : « les organisations représentatives de salariés et l’employeur ont également vocation à conclure des accords utiles à son développement et sa réussite sur différents thèmes : salaires, participation, intéressement, épargne salariale, temps de travail, représentation du personnel, prévoyance, (…) ».

Les organisations syndicales revendiquaient auprès des pouvoirs publics, depuis les ordonnances de 2017, la suppression de la limitation à trois du nombre de mandats successifs des représentants du personnel.

Cet accord entérine la suppression de cette limite, rappelle qu’elle suppose « une transposition législative simultanément à celle de l’ANI du 14 novembre 2024 relatif à l’emploi des salariés expérimentés » et que cela permettrait « le renouvellement des représentants du personnel dans les meilleures conditions possibles, en préservant l’expérience et les compétences acquises, dans un objectif d’amélioration de la qualité du dialogue social ».

Côté patronal, le texte a été signé par le MEDEF et l’U2P, la CPME s’y étant refusée estimant que la limitation à trois mandats syndicaux était une garantie de dynamisme du dialogue social dans les entreprises.

La Ministre du Travail en poste au moment de la signature des accords, Astrid Panosyan-Bouvet, a salué la réussite des négociations : « Ce premier succès démontre qu’une nouvelle méthode, fondée sur la confiance en les partenaires sociaux et sur un dialogue social renouvelé […], permet des avancées importantes ». Le Premier Ministre d’alors, Michel Barnier, a également rappelé le « pari du dialogue social » ayant permis ces accords « grâce au travail intelligent, respectueux des syndicats et du patronat ».

Ces accords sont définitivement validés, dans la mesure où ils ont désormais été signés par la majorité des organisations patronales et syndicales représentatives, avec certaines exceptions selon les accords et les organisations syndicales.

Le nouveau Premier Ministre, François Bayrou, a signé et publié l’arrêt du 19 décembre 2024, portant agrément de l’accord sur l’assurance chômage, au Journal Officiel du 20 décembre 2024. C’est un geste politique fort et symbolique envoyé aux partenaires sociaux sur le dialogue social.

Enfin, si l’action prioritaire du nouveau gouvernement vise à l’adoption rapide des lois de finances pour 2025 par le Parlement, la transposition législative des accords nationaux interprofessionnels relatifs à l’emploi des seniors et au dialogue social devrait intervenir dans les prochains mois.


Ce qu'il faut retenir

Les négociations des partenaires sociaux sur les thèmes de l’assurance chômage et de l’emploi des seniors ont été concrétisées dans deux accords signés le 14 novembre 2024. Un troisième accord consacré à l’évolution du dialogue social a, en outre, été validé le même jour.




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