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Prescription applicable aux différentes actions en droit du travail : nouveaux apports jurisprudentiels


Récemment, la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions sur les différentes prescriptions applicables en droit du travail.


La Cour de cassation a précisé la détermination du délai de prescription, qui dépend de la nature de la créance, objet de la demande, ainsi que le point de départ.


Les délais de prescription applicables aux actions prud’homales ont évolué en vue d’une réduction et leur application donne lieu à un contentieux nourri.
Plusieurs régimes de prescription coexistent dans le Code du travail selon la nature juridique de la demande :

- La prescription de douze mois pour les actions portant sur la rupture du contrat de travail, à compter de la notification de la rupture (article L.1471-1-2 du Code du travail) ;

- La prescription de deux ans pour les actions portant sur l’exécution du contrat de travail, à compter du jour où le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit (article L.1471-1-1 du Code du travail) ;

- La prescription de trois ans pour les actions en paiement ou en répétition du salaire, à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (article L.3245-1 du Code du travail).

- La prescription de cinq ans de droit commun s’applique à l’action civile relative à des faits de harcèlement (article 2224 du Code civil).

Ces évolutions législatives ont donné lieu à une position de principe de la Cour de cassation qui, dans plusieurs arrêts du 30 juin 2021, a jugé que la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance, qui fait l’objet de la demande (arrêts n°18-23.932 FS-B ; n°19-10.161 FS-B ; n°19-14.543 FS-B ; n°20-12.960 FS-B ; n° 19-16.655 FS-B). Récemment, la Cour de cassation a apporté des précisions sur différentes actions concernant les demandes en matière de droit du travail.

La prescription de deux ans est ainsi applicable aux actions suivantes :

- L’action en paiement d’une indemnité pour repos compensateur de remplacement non pris, en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation d’information du salarié sur le nombre d’heures de repos compensateur portées à son crédit (arrêt n° 22-20.976) ;

- L’action d’un salarié pour obtenir les jours de récupération prévus par un accord d’entreprise, en contrepartie du temps de pause durant lequel il est tenu de rester à la disposition de l’employeur (arrêt n°23-15.695) ;

- L’action en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (arrêt n° 22-22.860) : la Cour rappelle que « la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, qui naît lors de la rupture du contrat en raison de l’inexécution par l’employeur de ses obligations, est soumise à la prescription biennale de l’article L. 1471-1, alinéa 1, du Code du travail » ;

- L’action en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour préjudice moral, qui porte sur l’exécution du contrat de travail, (arrêt n° 23-13.931).

- Et largement commentée, la décision de la Cour de cassation en matière de clause de non- concurrence rendue le 2 octobre 2024 dont on tire deux enseignements majeurs :

  • L’action en nullité fondée sur l’illicéité de la clause de non-concurrence relève de la prescription de deux ans ; avec une précision sur le point de départ de la prescription : « le dommage causé par la stipulation d’une clause de non-concurrence illicite ou d’une clause de non-sollicitation de clientèle, qui s’analyse en une clause de non-concurrence, ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en œuvre » (arrêt n°23-12.844).
  • L’action en dommages-intérêts fondée sur le défaut d’application de la clause de non-concurrence relève de la prescription de deux ans : la Cour applique l’article L. 1471-1 du Code du travail, selon lequel « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Ce délai courait « à compter de la date à laquelle [le salarié] n’était plus tenu de respecter la clause de non-concurrence » (arrêt n°23-12.844).

La prescription de trois ans s’applique, quant à elle, aux actions suivantes :

 

- La demande relative au versement sur le Perco (plan d’épargne pour la retraite collectif) de sommes correspondant à des jours de RTT, qui a une nature salariale (arrêt n° 23-13.931) ;

 

- L’indemnité pour jours de RTT non pris, qui correspond au montant de la rémunération légalement due en raison de l’exécution d’un travail, laquelle a également une nature salariale (arrêt n° 23-13.931) ;

 

- La demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la qualité de cadre dirigeant : « la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la qualité de cadre dirigeant est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du Code du travail » (arrêt n° 23-12.436) ;

 

- L’action en paiement de la contrepartie financière d’une clause de non-concurrence ayant « quelle que soit la qualification contractuelle que lui donnent les parties, la nature d’une indemnité compensatrice de salaire ». La Cour précise que ce délai court « à compter de la date à laquelle cette créance est devenue exigible », soit « à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré ». Le point de départ de la prescription démarre donc chaque mois concerné par le non-paiement de l’indemnité, autorisant le salarié à formuler sa demande au titre des trois dernières années ;

 

- La demande d’indemnisation d’un représentant du personnel licencié à tort constitue un complément de salaire, assimilé à une créance salariale, qui est soumise à la prescription de trois ans, à compter de la date à laquelle le salarié a connaissance ou aurait dû avoir connaissance de son droit à indemnisation : « L'indemnisation prévue par l'article L. 2422-4 en cas d'annulation de l'autorisation de licenciement par jugement du tribunal administratif n'est due que lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive. Il en résulte que le délai de prescription de l'action au titre de cette indemnisation ne court qu'à compter de cette date ». (Arrêt 23-10.439).

La prescription de cinq ans s’applique enfin aux actions suivantes :

- L’action portant sur la rupture du contrat de travail lorsqu’elle est fondée sur le harcèlement moral comme il en « résulte de la combinaison des articles L. 1471-1, L. 1152-1 du Code du travail » (interdiction du harcèlement) et 2224 du code civil » ; de sorte que la Cour de cassation censure la cour d’appel qui avait retenu la prescription de douze mois, applicable aux actions portant sur la rupture du contrat.

- La Cour de cassation confirme à nouveau (arrêt n° 23-11.360) que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (article 2224 du Code civil), ce qui est le cas de « l'action portant sur la rupture du contrat de travail (qui) se prescrit par cinq ans lorsqu'elle est fondée sur le harcèlement moral ».

Avec ces illustrations concrètes, la Cour de cassation affine et précise sa jurisprudence au regard des différents délais de prescription applicables et des points de départ de ces délais.
La matière est cruciale car il en va du succès d’une instance en justice et des prétentions d’une partie au procès prud’homal.
C’est donc avec une particulière vigilance qu’il conviendra, en cas de réclamation d’un salarié dans le cadre d’un contentieux, d’analyser finement la nature juridique de la demande ou des demandes formées afin de déterminer s’il y a lieu de soulever la prescription ; étant précisé que si cette exception de procédure mérite d’être soulevée, elle devra l’être in « limine litis » avant toute défense au fond.


Ce qu'il faut retenir

Dans plusieurs décisions récentes, la Cour de cassation a précisé les cas dans lesquels s’appliquent respectivement les prescriptions biennale, triennale et quinquennale. En effet, dans cinq arrêts du 30 juin 2021, elle avait adopté une position de principe selon laquelle, la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance, qui fait l’objet de la demande en justice. 


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