Si les seuils minimums prévus ne sont pas atteints, aucune contribution n’est due.
Par ailleurs, ne sont pas concernées par la contribution les demandes formées en cours d’instance, ainsi que les prétentions formulées dans le cadre des procédures de règlement des difficultés et dans le cadre des demandes d’homologation d’accords issus d’un mode alternatif de résolution des différends ou d’une transaction.
La sanction du non-paiement de cette contribution par le demandeur est celle de l’irrecevabilité de ses demandes qui pourra être soulevée d’office par le Juge (une rétractation de sa décision pouvant néanmoins être demandée dans un délai de 15 jours suivant la notification de l’irrecevabilité sous réserve du paiement de la contribution).
LES CONSEQUENCES PRATIQUES ET STRATEGIQUES DE CETTE NOUVELLE CONTRIBUTION FINANCIERE
- En demande
En premier lieu, la question se pose pour le demandeur du choix de la juridiction.
Ainsi, dans l’hypothèse où plusieurs juridictions seraient territorialement compétentes pour un litige donné (ce qui peut notamment être le cas en cas de pluralité de défendeurs ou, en matière contractuelle, lorsque le lieu du domicile du défendeur est différent de celui de livraison effective de la chose ou du lieu d’exécution de la prestation), il pourra être envisagé de saisir intentionnellement un Tribunal non concerné par l’expérimentation des Tribunaux des Activités Economiques. En effet, la contribution pour la justice économique n’est due que devant ces 12 Tribunaux.
Cette différence entre les Tribunaux entraîne ainsi un risque de forum shopping, si les demandeurs tendent à massivement saisir les Tribunaux de Commerce au détriment des Tribunaux des Activités Economiques. Un déséquilibre dans la répartition des litiges entre les différents tribunaux pourra être craint et une aggravation de l’engorgement de certains tribunaux. C’est notamment face à ce risque, et aussi compte tenu du coût jugé excessif de la contribution, que le Barreau de Paris a formé un recours contre le décret relatif à l’expérimentation de la contribution pour la justice économique (qui sera vraisemblablement suivi d’un recours de la Conférence des Bâtonniers).
- En défense
En second lieu, les parties en défense devront également intégrer à leur stratégie l’existence, ou non, de la contribution pour la justice économique puisqu’ils courent le risque de devoir supporter la charge finale de cette contribution.
En effet, la contribution pour la justice économique reçoit le même traitement que les dépens (lesquels s’entendent de l’ensemble des frais directement liés à la procédure judiciaire et comprennent notamment frais d’huissier, émoluments, frais d’expertise etc.). Ainsi, c’est en principe la partie perdante qui devra supporter la charge finale de la contribution pour la justice économique (sauf décision contraire motivée du tribunal) en application de l’article 696 du Code de procédure civile.
Face à ce risque, et en fonction de la solidité de son dossier, la partie en défense sera plus à même d’envisager un mode alternatif de règlement du différend.
Ainsi, toutes les parties à un litige devront adapter l’approche stratégique de leur contentieux.
- Dans les contrats
En dernier lieu, au-delà des litiges existants, il appartient aux entreprises d’anticiper les contraintes posées par cette nouvelle contribution financière en particulier dans le cadre de leur pratique contractuelle.
Notamment, les entreprises devront porter une attention particulière à la rédaction des clauses attributives de juridiction contenues dans leurs modèles de contrat et leurs conditions générales. Il leur reviendra d’apprécier l’intérêt de désigner un tribunal compétent autre qu’un Tribunal des Activités Economiques pour que soit évité le paiement de la contribution pour la justice économique en cas de litige.
Son montant potentiel peut en effet avoir un impact financier non négligeable pour le demandeur à une instance (qui doit - à tout le moins dans un premier temps - en supporter la charge) et pourrait ainsi dissuader les parties de saisir la juridiction en cas de différend.
Il convient ainsi d’analyser au cas par cas, l’intérêt qu’il peut y avoir à désigner ou non un Tribunal des Activités Economiques comme juridiction compétente en prenant en compte les différentes contraintes.
Ainsi, le choix offert en matière de pratiques restrictives de concurrence apparait d’autant plus limité puisque seules les juridictions commerciales spécialisées suivantes sont compétentes pour ces litiges : Paris, Marseille, Lyon, Nancy, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France et Rennes et que les quatre premières sont concernées par la réforme. Dans ce contexte, les entreprises pourront également être tentées de donner compétence au Tribunal Judiciaire pour le règlement de leurs différents (ce qui est déjà une pratique courante en matière de distribution et est généralement considéré comme une clause valable par les juridictions – sous réserve d’une évolution de leur position …).
Outre la rédaction des futurs contrats et conditions générales, la question du sort des clauses attributives de juridiction existantes et déjà intégrées au socle contractuel applicable se pose également. En particulier, la renégociation de ces clauses est un enjeu pour les entreprises qui pourraient être concernées par le paiement de la contribution pour la justice économique. Quant à l’applicabilité des clauses attributives de juridiction désignant des Tribunaux de Commerce remplacés depuis le 1er janvier 2025 par des Tribunaux des Activités Economiques, la jurisprudence considère que la clause attributive de juridiction ne devient pas caduque du fait que la juridiction désignée n’existe plus et qu’il convient de rechercher la volonté des parties afin de déterminer la juridiction compétente2. Il n’est toutefois pas à douter que des débats sur le sujet auront inévitablement lieu devant les juridictions afin d’échapper au paiement de la contribution pour la justice économique.
Au-delà des seules clauses attributives de juridiction, la mise en place de cette contribution invite à réfléchir à son approche générale des litiges et à être dans une logique de règlement amiable des différends en prévoyant notamment des clauses de médiation ou de conciliation préalable à la saisine des juridictions dans ses contrats et conditions générales. Les clauses d’arbitrage apparaissent pour leur part répondre à d’autres besoins notamment au regard des coûts d’une telle procédure.
Enfin, les parties devront également avoir à l’esprit, lorsqu’elles octroient une clause de garantie et qu’elles s’engagent ainsi à supporter les conséquences financières liées à la réalisation du risque associé à la garantie, qu’elles pourront avoir à supporter le coût de la contribution pour la justice économique qui serait due par leur co-contractant. La rédaction de ces clauses doit également faire l’objet d’une vigilance.