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Imposition des dividendes de filiales européennes « intégrables » : la société mère française doit-elle être intégrée ?

La Cour de justice de l’Union européenne retient qu’une société mère française qui n’est pas membre d’un groupe fiscalement intégré pouvait obtenir la neutralisation de la QPFC pour les dividendes perçus de filiales européennes « intégrables »¹. Cette décision met en lumière les lacunes du dispositif de taux réduit de QPFC en vigueur².

Pour rappel, dans un arrêt Stéria³ très remarqué, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait, en 2015, jugé que le fait de réserver la neutralisation de la quote-part de frais et charges (QPFC) aux distributions intervenant entre sociétés membres d’un groupe d’intégration fiscale, à l’exclusion de celles provenant de filiales établies dans un autre Etat membre qui rempliraient les conditions, autres que l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés français, pour être membres d’un tel groupe constituait une discrimination contraire à la liberté d’établissement.

Cette décision avait permis aux sociétés mères françaises de solliciter la restitution de l’impôt sur les sociétés correspondant à la QPFC relative aux dividendes reçus de filiales établies dans d’autres Etats membres détenues à 95 % (filiales dites « intégrables »). Le bénéfice de la neutralisation était toutefois subordonné à la condition que les sociétés mères françaises soient effectivement intégrées. Cette contrainte avait d’ailleurs été expressément codifiée lorsque, prenant acte de cette jurisprudence, le législateur avait mis le droit interne en conformité en supprimant la neutralisation de la QPFC et en créant, corrélativement, un taux réduit de 1 % bénéficiant à certaines distributions domestiques et européennes⁴.

Cette exigence avait ainsi été opposée aux sociétés Manitou et Bricolage investissements par l’administration fiscale qui leur avait refusé la possibilité de se prévaloir de la jurisprudence Stéria au motif qu’elles n’étaient pas intégrées en France alors même qu’elles auraient pu l’être. Si la cour administrative d’appel de Versailles avait fait droit à la requête des sociétés en considérant que cette condition était inopérante⁵, le Conseil d’Etat avait préféré interroger la CJUE⁶.

Dans l’arrêt commenté, la CJUE estime que l’interprétation défendue par l’administration crée une différence de traitement entre, d’une part, les sociétés mères françaises disposant de filiales françaises, qui selon la CJUE peuvent « choisir librement le périmètre d’intégration sans être obligée[s] d’intégrer toutes [leurs] filiales résidentes éligibles » et, d’autre part, les sociétés mères françaises ayant des filiales non résidentes qui, pour obtenir le bénéfice de l’avantage fiscal litigieux, sont contraintes de créer un groupe intégré avec au moins une filiale résidente.

Si le gouvernement français tentait de justifier cette différence de traitement par le fait que la situation d’un contribuable ayant opté pour le régime de l’intégration fiscale ne saurait être comparable à celle d’une société qui n’a pas cherché à en bénéficier, a fortiori lorsqu’elle remplissait les conditions objectives pour le faire, la Cour fait prévaloir le constat que, le périmètre d’intégration étant libre, la circonstance qu’une société n’ait pas constitué un groupe fiscal intégré avec au moins une filiale résidente « ne permet pas d’établir que cette société mère ne cherche pas à créer un tel groupe ou à bénéficier d’un régime d’intégration fiscale avec une ou plusieurs de ses filiales non-résidentes ». En l’absence de justification à cette différence de traitement avancée par le gouvernement français, la Cour conclut donc à l’incompatibilité du dispositif français.

Outre sa portée rétrospective pour les contentieux introduits sur le fondement de la jurisprudence Stéria, l’interprétation retenue par la CJUE remet en question le champ d’application actuel de la QPFC de 1 %⁷. Si la loi de finances pour 2019⁸ l’a étendu aux dividendes de filiales européennes reçus par une société non intégrée mais uniquement lorsqu’elle n’avait pas la faculté de l’être, cette dernière exigence semble désormais contraire au droit de l’Union européenne. Le taux de 1 % pourrait donc s’appliquer à toutes les distributions provenant d’une filiale « intégrable » établie dans un autre Etat membre.

Ces flux seraient ainsi mieux traités que les distributions domestiques qui ne peuvent bénéficier de ce taux réduit que lorsqu’elles interviennent entre sociétés membres d’un même groupe fiscal intégré. Reste à savoir si cette discrimination à rebours pourrait être regardée comme contraire à la Constitution, alors même que le Conseil constitutionnel avait considéré, s’agissant de la neutralisation de la QPFC, que cette différence de traitement, selon que les distributions interviennent entre sociétés intégrées ou non, était conforme à la Constitution⁹.

Ce qu'il faut retenir

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