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Cette exigence avait ainsi été opposée aux sociétés Manitou et Bricolage investissements par l’administration fiscale qui leur avait refusé la possibilité de se prévaloir de la jurisprudence Stéria au motif qu’elles n’étaient pas intégrées en France alors même qu’elles auraient pu l’être. Si la cour administrative d’appel de Versailles avait fait droit à la requête des sociétés en considérant que cette condition était inopérante⁵, le Conseil d’Etat avait préféré interroger la CJUE⁶.
Dans l’arrêt commenté, la CJUE estime que l’interprétation défendue par l’administration crée une différence de traitement entre, d’une part, les sociétés mères françaises disposant de filiales françaises, qui selon la CJUE peuvent « choisir librement le périmètre d’intégration sans être obligée[s] d’intégrer toutes [leurs] filiales résidentes éligibles » et, d’autre part, les sociétés mères françaises ayant des filiales non résidentes qui, pour obtenir le bénéfice de l’avantage fiscal litigieux, sont contraintes de créer un groupe intégré avec au moins une filiale résidente.
Si le gouvernement français tentait de justifier cette différence de traitement par le fait que la situation d’un contribuable ayant opté pour le régime de l’intégration fiscale ne saurait être comparable à celle d’une société qui n’a pas cherché à en bénéficier, a fortiori lorsqu’elle remplissait les conditions objectives pour le faire, la Cour fait prévaloir le constat que, le périmètre d’intégration étant libre, la circonstance qu’une société n’ait pas constitué un groupe fiscal intégré avec au moins une filiale résidente « ne permet pas d’établir que cette société mère ne cherche pas à créer un tel groupe ou à bénéficier d’un régime d’intégration fiscale avec une ou plusieurs de ses filiales non-résidentes ». En l’absence de justification à cette différence de traitement avancée par le gouvernement français, la Cour conclut donc à l’incompatibilité du dispositif français.
Outre sa portée rétrospective pour les contentieux introduits sur le fondement de la jurisprudence Stéria, l’interprétation retenue par la CJUE remet en question le champ d’application actuel de la QPFC de 1 %⁷. Si la loi de finances pour 2019⁸ l’a étendu aux dividendes de filiales européennes reçus par une société non intégrée mais uniquement lorsqu’elle n’avait pas la faculté de l’être, cette dernière exigence semble désormais contraire au droit de l’Union européenne. Le taux de 1 % pourrait donc s’appliquer à toutes les distributions provenant d’une filiale « intégrable » établie dans un autre Etat membre.
Ces flux seraient ainsi mieux traités que les distributions domestiques qui ne peuvent bénéficier de ce taux réduit que lorsqu’elles interviennent entre sociétés membres d’un même groupe fiscal intégré. Reste à savoir si cette discrimination à rebours pourrait être regardée comme contraire à la Constitution, alors même que le Conseil constitutionnel avait considéré, s’agissant de la neutralisation de la QPFC, que cette différence de traitement, selon que les distributions interviennent entre sociétés intégrées ou non, était conforme à la Constitution⁹.