Animée par Nadia Sabin et Arnaud Sage, associés basés en France, la conversation explore ces sujets à travers l'expertise de Giselle Barboza et Vijay Iyer, associés d'EY Inde ayant une vaste expérience de travail avec l'autorité compétente indienne (CA). Ensemble, ils analysent les principaux aspects du programme et offrent des conseils pratiques pour naviguer dans le processus d'APA, en particulier dans le contexte de la relation prometteuse qui se développe entre les CA français et indiens.
1) Aperçu du programme d'APP pour l'Inde
Nadia Sabin : Pourriez-vous expliquer ce qu'est le programme indien d'accord préalable sur les prix de transfert (APP) et quand il a été mis en place ?
Giselle Barboza : Le programme d'APP pour l'Inde a été mis en place le 1er avril 2013, marquant ainsi une étape importante dans le domaine de la fiscalité internationale. Le programme a été conçu pour résoudre les différends en matière de prix de transfert et offrir aux entreprises multinationales (EMN) une certitude fiscale. Au fil des ans, le programme a gagné en popularité. Il propose trois types d'APP : unilatéral (UAPA), bilatéral (BAPA) et multilatéral (MAPA), généralement valable jusqu'à cinq ans avec une option de réduction couvrant quatre années supplémentaires.
Nadia Sabin : Dans quelle mesure le programme a-t-il connu du succès jusqu'à présent ?
Giselle Barboza : Le programme APA a connu un développement impressionnant. En mars 2024, 641 APA ont été signés par le Central Board of Direct Taxes (CBDT) depuis la création du programme APA, dont 506 UAPA et 135 BAPA. En effet, pour le seul exercice clos en mars 2024, 125 APA ont été signés en une seule année, soit une augmentation de 33 % par rapport à l'année précédente. La majorité des BAPA sont signés avec les États-Unis, suivis par le Royaume-Uni et le Japon.
Nadia Sabin : Comment les processus UAPA et BAPA sont-ils gérés en Inde ? Y a-t-il des équipes distinctes pour chacune d'entre elles ?
Giselle Barboza : Oui, en effet. Il existe des équipes distinctes pour le traitement des UAPA et des BAPA, et les deux équipes aident le Central Board of Direct Taxes (CBDT) à conclure des accords UAPA/BAPA avec les contribuables. L'équipe BAPA comprend l'autorité compétente (AC) de l'Inde, généralement le secrétaire adjoint du ministère des Finances, et des représentants qui collaborent étroitement avec les AC étrangers. Des réunions en personne ou virtuelles sont organisées une à deux fois par an.
Nadia Sabin : Et qu'en est-il de l'équipe des UAPA ?
Giselle Barboza : L'équipe de l'UAPA est dirigée par le commissaire à l'impôt sur le revenu de chaque grande ville de l'Inde. Il comprend des commissaires supplémentaires et conjoints, ainsi que des sous-commissaires et des sous-commissaires, qui aident au traitement de ces ententes. Chaque équipe joue un rôle essentiel pour assurer le bon déroulement et la finalisation des ententes, qu'elles soient unilatérales ou bilatérales.
Nadia Sabin : D'un point de vue administratif, comment fonctionne le processus d'APP ?
Giselle Barboza : Le processus se compose de plusieurs étapes clés :
- Pré-dépôt : Il s'agit d'un processus facultatif et non contraignant qui permet aux contribuables de clarifier la portée et la pertinence d'un APP.
- Demande : Les demandeurs doivent fournir des renseignements détaillés sur l'entreprise, l'industrie et les transactions dans un format prescrit.
Durée et réduction : L'APP s'applique pour une période maximale de cinq années potentielles et une période minimale d'un an. Le démantèlement peut couvrir une période de quatre ans. Si le demandeur opte pour le démantèlement, la durée de l'APP couvrirait effectivement neuf ans (c.-à-d. cinq années potentielles et quatre années précédentes). La demande doit être déposée avant le premier jour du premier exercice pour lequel la demande est proposée.2
- Frais de dépôt et délais : les frais sont basés sur la valeur cumulée des transactions internationales, allant de 1 million INR (~11 000 euros) à 2 millions INR (~22 000 euros). Les frais de dépôt d'une demande de démantèlement sont de 0,5 million INR (~ 6 000 euros).
- Disposition de réduction et période couverte : Pour demander une réduction des dépenses, vous devez soumettre un formulaire distinct. Ce montant couvre les quatre années précédant le début de la période d'APP. Vous pouvez postuler pour les quatre années ou aucune. Les transactions, les entités associées et les conditions de ces années de restauration doivent être les mêmes que celles de la période d'APP. De plus, une fois que l'accord de démantèlement a été signé, tous les appels en attente doivent être retirés.
- Redressement secondaire : En vertu de la signature de l'APP, le contribuable est tenu soit de percevoir les montants excédentaires potentiels (comme convenu en vertu de l'APP) auprès des entités de son groupe, soit de payer un impôt unique de 20,966 % sur ces montants à apporter au lieu des versements. L'ajustement secondaire peut être payé par l'un des AE/parents à la transaction
Arnaud Sage : Y a-t-il des obligations de conformité pour les contribuables dans le cadre du programme APP ?
Giselle Barboza : Oui, les contribuables doivent soumettre un rapport annuel de conformité (RAC) pour s'assurer qu'ils respectent les conditions de l'APP. Ce rapport fait l'objet d'audits par l'agent des prix de transfert (OPC) afin de confirmer que les méthodes d'établissement des prix de transfert demeurent conformes à l'APP et qu'il s'agit généralement d'un processus simple.
Arnaud Sage : Et plus précisément, en quoi consiste le processus BAPA ?
Giselle Barboza : Le processus BAPA se compose de plusieurs étapes, dont
- Examen de la demande.
- Émettre des avis d'insuffisance et des questionnaires si nécessaire.
- Effectuer des visites sur place. L'équipe APA en charge se rendra dans les locaux commerciaux du demandeur pour une évaluation sur place des fonctions exercées par le demandeur et une analyse des faits documentés dans la demande (l'autorité APA de la contrepartie peut également mener des entretiens/visites sur place dans le pays de la contrepartie).
- Préparation de documents de position qui nécessitent plusieurs approbations avant d'être envoyés au CA indien pour mener des négociations avec le CA contrepartie.
- Négociations et rencontres entre les AC indiens et homologues.
- Finalisation de l'APP si toutes les conditions sont convenues.
Tout au long de la procédure, l'AC indien peut mener une enquête plus approfondie sur les transactions couvertes et peut demander des détails/éclaircissements supplémentaires au demandeur.
2) Perspectives pratiques
Arnaud Sage : Qu'en est-il des aspects techniques du programme ? Existe-t-il des méthodes de prix de transfert privilégiées spécifiques ?
Vijay Iyer : Le programme privilégie l'utilisation de méthodes fiables de prix de transfert, la méthode de la marge nette transactionnelle (MTMN) étant la plus couramment acceptée. L'analyse de comparabilité est une partie cruciale du processus, où les comparables indiens sont utilisés avec des ajustements pour tenir compte des différences de comptabilité, des conditions du marché et d'autres facteurs. Cela n'empêche pas le programme d'APP indien d'avoir également conclu des ententes complexes de partage des bénéfices.
Arnaud Sage : Y a-t-il des hypothèses critiques à respecter pour qu'un APP reste valable ?
Vijay Iyer : Oui, il y a certaines conditions qui doivent être remplies pour que l'APA soit valide. Il s'agit notamment de l'uniformité de la méthodologie des prix de transfert, des changements importants dans les faits, des déclarations de rentabilité et des périodes de réalisation. Toutes ces hypothèses sont prédéfinies dans l'accord afin d'assurer le bon déroulement de la procédure d'ACR.
Arnaud Sage : Y a-t-il des questions ou des inquiétudes courantes à propos du programme ?
Giselle Barboza : Oui, les gens se posent souvent des questions sur l'impact des procédures amiables (MAP) ou des litiges domestiques, comment un UAPA peut être converti en BAPA ou MAPA, par exemple. Il y a une interaction entre une négociation d'APA en cours et un litige national, par exemple. Si un appel pour une année d'imposition est conclu devant le Tribunal d'appel de l'impôt sur le revenu en Inde, cette année d'imposition est exclue du programme d'APP. Par conséquent, il est important de connaître les subtilités des règles.
Arnaud Sage : Comment se déroule l’instruction des APA ? Est-ce basé sur un système de premier arrivé, premier servi ?
Vijay Iyer : Non, ce n'est pas une approche du premier arrivé, premier servi. La planification dépend de quelques facteurs :
- Clients proactifs : Les clients qui sont proactifs et qui fournissent rapidement les renseignements nécessaires ont tendance à voir leur dossier traité plus rapidement.
- Pertinence : La complexité du cas joue également un rôle important dans la rapidité avec laquelle il progresse dans le processus.
- Exposé de position : Le temps nécessaire à la rédaction et à la finalisation de l'exposé de position est un autre facteur. Plus le document de position est détaillé et bien préparé, plus l'affaire peut progresser rapidement. De plus, certains secteurs comme l'informatique et les ITES, où il y a plusieurs centaines d'APA conclus, ont tendance à évoluer plus rapidement.
Arnaud Sage : Il s'agit donc plus de l'engagement du client et des spécificités du dossier que de l'ordre de soumission.
Vijay Iyer : Exactement ! La participation active du contribuable et de son conseiller ainsi que la nature du dossier sont déterminantes pour déterminer la rapidité de traitement. Selon les statistiques publiées, il faut environ 44 mois pour traiter un APP unilatéral et 58 mois pour un APP bilatéral, bien que, d'après notre expérience, nous ayons également constaté des délais beaucoup plus courts. De plus, la pandémie a eu un impact sur ces statistiques, car les visites sur place n'ont pas pu être effectuées. Cela dit, la bonne comparaison serait entre les délais de l'APA et les délais des litiges nationaux en Inde, qui pourraient varier entre 8 et 15 ans, étant donné que la finalité est généralement atteinte par la Haute Cour / Cour suprême.
Arnaud Sage : Quels sont les principaux types d'opérations qui font l'objet d'un APP ?
Vijay Iyer : Les principaux types de transactions qui relèvent généralement d'un APP comprennent les opérations de back-office captives au coût majoré, la rémunération des distributeurs à risque limité, le traitement des dépenses de publicité, de marketing et de promotion (AMP), les opérations de financement, le partage des bénéfices.
3) Principaux enseignements de la collaboration entre l'Inde et la France
Nadia Sabin : Comment prévoyez-vous l'évolution des relations entre l'Inde et la France concernant le programme APA dans les années à venir ?
Vijay Iyer : Nous anticipons des développements significatifs avec la France, compte tenu de l'étroite collaboration entre les gouvernements dans le commerce bilatéral ainsi que sur le plan fiscal. En janvier 2025, les autorités compétentes des deux pays se sont rencontrées en Inde. Nous comprenons que la réunion s'est bien déroulée et qu'elle a abouti à plusieurs accords. Il s'agit d'un signe encourageant envoyé aux multinationales des deux pays.
Nadia Sabin : C'est une excellente nouvelle ! Comment expliquez-vous qu'il semble y avoir moins de demandes de BAPA de la part de la France par rapport aux autres pays de l'UE ?
Vijay Iyer : Quelques facteurs entrent en jeu ici. Historiquement, l'Inde n'acceptait pas d'APP avec des pays qui n'avaient pas l'article 9-2 de l'Accord sur l'évitement des doubles impositions (DTAA), comme la France. Cet article est crucial pour les ajustements correspondants, mais l'Inde a modifié ses règles nationales en novembre 2017 et a ouvert les candidatures même de pays comme la France. Un autre défi a été la difficulté de créer un canal de communication actif en raison de la pandémie, ce qui a contribué à réduire les demandes en provenance de France.
Arnaud Sage : C'est logique. Avez-vous des conseils spécifiques pour les groupes français qui souhaitent obtenir une sécurité fiscale pour de futures opérations intersociétés ?
Vijay Iyer : Oui, si les transactions impliquent des frais tels que des redevances, des transferts de technologie, des commissions de référence ou des services intragroupe, elles sont susceptibles d'être examinées à la loupe. De même, les entités captives à prix majoré de back-office sont plus susceptibles de faire l'objet d'audits en Inde. Dans ces situations, un APP peut offrir une certitude et aider à éviter les litiges.
Arnaud Sage : Au-delà des APP, préconiseriez-vous d'autres procédures de résolution fiscale ?
Giselle Barboza : Parallèlement aux APA, je recommanderais également d'envisager des procédures amiables (MAP) pour les groupes français. La PA peut aider à résoudre les différends fiscaux, en particulier ceux découlant des ajustements des prix de transfert.