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Quels sont les enjeux de l’anticipation des ajustements de prix de transfert de fin d’année ?

Présentant de nombreux avantages, la mise en place d’ajustements anticipés des prix de transfert est une solution dont les écueils sont désormais identifiés, et contournables.¹

Article co-rédigé avec Ekaterina Goydina, Senior Manager, EY Platform, Solutions & Intelligence

Les ajustements de prix rétroactifs sont un véritable casse-tête pour les multinationales. Des processus robustes et une automatisation accrue permette de réaliser des ajustements prospectifs, réduire les risques et préserver la trésorerie.

Des processus internes complexes mais nécessaires

Au moment de la clôture, les directions fiscales et financières des groupes multinationaux doivent absorber une charge de travail significative, qui peut être alourdie par le processus complexe et fastidieux de l’évaluation des impacts des transactions intragroupe sur les résultats financiers et par la révision potentielle des prix de transfert qui en découle.

Outre les problématiques fiscales et douanières des ajustements de fin d’année, les procédures à mettre en place requièrent des efforts et des ressources importants : les équipes concernées doivent généralement mettre en attente leurs tâches quotidiennes pour procéder à des calculs non systématisés, qui sont souvent effectués à la dernière minute, augmentant ainsi le risque d’erreurs et complexifiant la revue a posteriori.

Parallèlement, les administrations fiscales se concentrent davantage sur l’analyse des données financières transmises et exigent une plus grande transparence sur les calculs effectués.

Cette évolution générale impose aux groupes d’améliorer sans cesse leur gestion interne des données relatives aux flux intragroupe afin de justifier leurs positions en matière de prix de transfert.

Aperçu des conséquences fiscales et non-fiscales de la mise en place d’ajustements de fin d’année

Les ajustements de prix de transfert de fin d’année peuvent avoir diverses répercussions, fiscales et non fiscales, pour les groupes multinationaux.

Les conséquences fiscales concernent la plupart des impôts. En impôt sur les sociétés, un risque de double imposition peut apparaître lorsque des ajustements sont nécessaires dans une juridiction, mais ne sont pas admis ou risquent d'être remis en cause par l’administration fiscale de l'autre juridiction. Quant aux droits de douane, une diminution rétroactive de la valeur douanière des marchandises n’est pas autorisée dans la plupart des juridictions, et une augmentation rétroactive des prix nécessite le dépôt de déclarations rectificatives. Cela peut également soulever un différend si la méthode de la valeur transactionnelle est appropriée ou si une autre méthode doit être appliquée. En TVA, si un ajustement concerne une transaction soumise à cet impôt, il est nécessaire de mettre à jour la position fiscale relative à cette transaction et de modifier les déclarations de TVA, ce qui génère un flux de travail supplémentaire et compromet l’éligibilité aux procédures simplifiées de remboursement de la TVA. Par ailleurs, les ajustements peuvent impacter les calculs de retenue à la source et entrainer l’impossibilité de réclamer les crédits d’impôt correspondants. Enfin, des ajustements importants en fin d'exercice peuvent attirer l'attention des administrations fiscales.

Les conséquences non-fiscales des ajustements de fin d’année sont aussi multiples. En matière de valorisation des stocks, les ajustements de fin d’année peuvent avoir un impact sur le coût des produits vendus, sur la valeur du stock et sur le calcul de l’élimination des marges en stock. Le cycle comptable et les process de clôture peuvent être affectés et retardés. Les flux de trésorerie et le besoin en fonds de roulement sont impactés par des paiements intragroupe non anticipés.  Un risque de change peut survenir en cas de paiements entre deux zones monétaires différentes, non couverts par les mécanismes de couverture du groupe. Et, lorsque les indicateurs de performance des entités locales ne sont pas alignés sur les politiques de prix de transfert du groupe, tout ajustement des bénéfices peut impacter négativement la performance et les décisions stratégiques du management local.

De l’application d’ajustements rétroactifs et non systématisés à la mise en place de modes opératoires prospectifs

Par comparaison, les ajustements de prix prospectifs, et non plus rétroactifs, présentent certains avantages, comme de réduire le risque fiscal, préserver la trésorerie, générer des économies, ou encore réaliser des gains d'efficacité pour les équipes directement ou indirectement impliquées dans les processus de détermination des prix de transfert.

Malgré ces avantages, la mise en place d’ajustements prospectifs des prix de transfert se heurte traditionnellement à certains obstacles. L'expérience montre que le recours à des modes opératoires manuels ainsi qu’à une répartition des tâches entre les différents départements et équipes d’un groupe empêchent une mise en œuvre réussie de cette solution.

Pourtant, avec la complexité croissante des problématiques fiscales relatives aux données, comme illustrée par les contrôles fiscaux actuels sur les prix de transfert, ou les règles du Pilier 2 de l’OCDE, il n'a jamais été aussi important pour les groupes de prendre des mesures immédiates pour éviter l’écueil des ajustements de fin d’année. De plus, dans un contexte de complexité fiscale accrue, il est préférable de permettre aux équipes de se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée telles que la planification, le suivi et la prévention des litiges avec les administrations fiscales et de limiter leurs implications dans les processus routiniers.

Quelles sont les actions à mener pour franchir cette étape ? La transition ne se fait pas du jour au lendemain et, pour la rendre possible, les équipes fiscales doivent se concentrer sur trois piliers principaux : les données, la technologie et les processus.

Les données

Comme on pouvait s'y attendre, « le diable est dans les données » ou, plus précisément, dans l'accessibilité, la qualité, la granularité et la fiabilité des données. La majorité des équipes fiscales de groupes multinationaux considèrent qu’il s’agit là du principal problème car elles peinent à obtenir des données historiques et prévisionnelles fiables, suffisamment granulaires, afin de procéder aux calculs d’ajustements.

La technologie

Ce n'est un secret pour personne, Excel reste l’outil le plus utilisé par les professionnels de la fiscalité et de la finance. Bien qu’Excel soit une solution pertinente pour des calculs relativement simples, les modèles basés sur des fichiers Excel présentent de nombreux inconvénients lorsqu’ils sont utilisés pour le calcul des ajustements de prix de transfert, notamment du fait de l’absence de pistes d’audit et de contrôles, du risque d’erreurs humaines, de l’incapacité à traiter une quantité importante de données et de capacités techniques limitées.

Pour répondre à leur besoin d’outils plus avancés, les équipes fiscales de groupes multinationaux ont le choix entre l’acquisition d’une solution logicielle de prix de transfert propriétaire ou la mise en place d’une solution de prix de transfert opérationnelle en interne. Chaque groupe ayant ses propres particularités et compte tenu de l’absence sur le marché d’un outil technologique standard et universel en la matière, les solutions sur-mesure sont privilégiées à ce jour. En outre, les solutions opérationnelles développées sur la base de l’environnement informatique existant des groupes multinationaux sont le plus souvent particulièrement adaptées aux besoins spécifiques des équipes fiscales : elles sont notamment facilement modulables et extensibles et, à long terme, moins onéreuses.

Quelle que soit la technologie choisie, les solutions opérationnelles de gestion des ajustements de fin d’année comprennent généralement les composantes suivantes : collecte et validation des données ; configuration, cartographie des données et paramétrages relatifs aux prix de transfert ; allocations, calculs, segmentation et simulations ; rapports et résultats pour la facturation et la préparation des écritures comptables ; fonctions de gestion du flux de travail, y compris l’attribution des tâches, les notifications aux utilisateurs, l’approbation et le suivi des statuts.

Les processus

Toute solution informatique, aussi efficace et puissante soit-elle, est vouée à l’échec si aucun mode opératoire robuste n’est mis en en place en parallèle. Les équipes fiscales doivent ainsi s’assurer que les processus et les contrôles soumis à l’automatisation sont correctement mis à jour et documentés. Cela inclut également l’attribution et la communication des rôles et des responsabilités, la mise à jour des indicateurs clés de performance et des directives opérationnelles.

Au-delà de l’attention portée à ces trois piliers, la mise en place de nouveaux systèmes ERP ou leur renouvellement par la direction financière est un moment opportun pour que les équipes fiscales entament une refonte de leurs différents process de prix de transfert grâce à la technologie. Si de tels changements apportent, pour un groupe multinational, des bénéfices en termes de gestion interne des risques de prix de transfert, ils permettent de surcroît de se préparer au nouveau paradigme mondial en matière de transparence fiscale.


Ce qu'il faut retenir

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