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Un recours à la procédure amiable envisageable pour les doubles impositions issues de litiges sur les taux d’intérêt intragroupe, puisque ceux-ci doivent être de pleine concurrence.
Au niveau de l’emprunteur, la rémunération pouvant être versée à une société liée à un taux supérieur à celui prévu à l’article 39-1-3° du CGI n’est possible que s’il est démontré que ce taux est conforme aux conditions de marché⁵. A défaut, une fois la rectification opérée, peut-on remédier à la double imposition créée par la minoration de la charge d’intérêt supportée ?
La procédure amiable pourrait être menée sur le fondement d’une convention incluant une stipulation conforme à l’article 9.
Elle pourrait aussi être probablement menée sur le fondement de la Directive sur le règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne, son champ d’intervention, défini par l’existence d’un « différend »⁶, étant particulièrement large.
Il devrait en être de même pour une demande effectuée sur le fondement de la convention européenne d’arbitrage du 23 juillet 1990 (CEA)⁷. En effet, le code de conduite révisé publié en 2009 est venu confirmer l’inclusion, dans le champ de ce traité, des conditions assorties aux prêts consentis entre entités liées, sans que la France ne formule de réserves sur ce point. Or, à l’époque, le dispositif de plafonnement des taux d’intérêt entre entreprises liées applicable incluait une clause de sauvegarde faisant expressément référence au prix de marché, et donc au principe de pleine concurrence, comme l’actuel article 212, 1, a) du CGI. Dans ces conditions, l’accès à la procédure amiable va de soi pour permettre le respect des stipulations de l’article 4 de la convention européenne d’arbitrage.
Enfin, dans le cas d’une rectification effectuée par un pays lié à la France par une convention prévoyant une procédure amiable et fondée sur un dispositif faisant référence au principe de pleine concurrence, un tel recours devrait être possible par souci de cohérence.
Quels recours pour les doubles impositions issues de situations de sous-capitalisation ?
L’arbitrage entre un financement par l’emprunt ou par apport en capital est une décision de gestion de l’actionnaire investisseur, qui ne peut faire l’objet d’une rectification sur le fondement des articles 57 ou 209 du CGI⁸.
Côté emprunteur, l’action 4 de BEPS⁹ a incité les Etats à se doter d’outils de prévention et de sanction contre les endettements excessifs. Au sein de l’Union européenne, le dispositif idoine est issu de la transposition de la Directive ATAD 1. En France, l’article 212 bis du CGI plafonne ainsi la déductibilité des charges financières de l’entreprise dans la limite de l’EBITDA fiscal, de son appartenance ou non à un groupe consolidé, et de sa situation de sous-capitalisation. Il contient une clause de sauvegarde qui fait l’économie d’une référence aux capacités d’endettement observées sur le marché libre puisqu’elle ne s’applique que si l’entreprise apporte la preuve que le ratio d’endettement du groupe consolidé auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d’endettement.
Mis en œuvre, ce dispositif crée une double imposition économique puisque la fraction d’intérêts dont la déduction n’est pas autorisée a été en principe imposée chez l’entité prêteuse. Cette double imposition peut-elle être éliminée ?
Il faut ici distinguer dans les intérêts non déductibles la partie reportable, qui fait l’objet d’une possibilité latente de déduction¹⁰, et ne justifie donc pas l’engagement d’une procédure amiable, de celle dont la déduction est définitivement perdue par impossibilité de report.
Pour cette dernière, les Etats opérant des redressements opérés à partir d’une analyse de la capacité d’endettement¹¹ par rapport à des entreprises indépendantes devraient en principe accepter l’accès à la procédure amiable.
En revanche, sans référence à telle comparaison, le dispositif français est quant à lui d’application mécanique et peut conduire à la double imposition d’une entreprise endettée à un niveau comparable à celui d’entreprises indépendantes.
Le projet de l’OCDE soumis à consultation publique depuis mars 2021 pour clarifier la portée de l’article 9 du modèle de convention¹² rappelle que les Etats sont souverains en matière de calcul du revenu imposable, lequel relève du droit interne et n’intervient qu’après que les bénéfices des deux entreprises aient été attribués conformément au principe de pleine concurrence. Ce faisant, le projet ouvre la voie à un affaiblissement significatif de la portée du principe de pleine concurrence et de la capacité des conventions fiscales à remédier aux doubles impositions nées de la juxtaposition de dispositifs domestiques différents. C’est un résultat assez paradoxal pour l’OCDE, qui poursuit sur ces sujets une stratégie inverse pour garantir la fluidité des échanges économiques internationaux.
Une solution de compromis mériterait d’être recherchée, en permettant l’ouverture de la procédure amiable dès lors que le principe de pleine concurrence sous-tend une rectification ayant créé une double imposition. On suivra donc avec intérêt le résultat de ces travaux.