Les autres mesures fiscales au-delà de la réponse à la situation provoquée par la COVID-19
Fiscalité locale
Baisse du taux de la CVAE et plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée
Décidée pour soutenir la compétitivité des entreprises, la baisse des « impôts de production » représente une mesure phare de la loi de finances pour 2021. Cette mesure induit une baisse chiffrée à 10 milliards d’euros, répartie sur la CVAE, à hauteur de 7 milliards d’euros, la CFE et la taxe foncière des établissements industriels (3 milliards d’euros).
Le texte allège les impôts de production pesant sur les entreprises, à travers notamment :
- la diminution du taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), désormais fixé à 0,75 % au lieu de 1,5 %[9].
- la baisse du plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) à 2 % de la valeur ajoutée, au lieu de 3 %.
Ces mesures s'appliquent à la CVAE et à la CET dues au titre de 2021 et des années suivantes.
Règles de détermination de la valeur locative des établissements industriels
Le texte modifie les modalités de détermination de la valeur locative des établissements industriels prévues à l'article 1499 du CGI.
La valeur locative des établissements industriels est déterminée par le biais d'une méthode dite « comptable » qui consiste à appliquer au prix de revient des immobilisations industrielles, le cas échéant actualisé, des taux dits d'intérêt fixés par décret. Pour les impositions établies à compter de 2021, ces taux seront diminués de moitié et portés à 4 % pour les sols et terrains et 4% ou 4,5% pour les constructions et installations foncières.
Exonération temporaire de CFE en cas de création ou d’extension
Cette mesure est applicable aux locaux industriels et professionnels pour des créations ou extensions intervenant à compter de 2021. Il s’agit d’une exonération facultative de 3 ans sous réserve d’une délibération des collectivités locales bénéficiaires. Ce mécanisme de portée générale opère sans limitation en fonction de la nature de l’activité exercée ou de critères chiffrés (pas de seuil de chiffre d’affaires, pas de critère de création d’emplois…).
Une nouvelle définition légale de la notion d’extension d’établissement est désormais codifiée à l’article 1468 bis du CGI.
Fiscalité indirecte
Création d'un régime optionnel de groupe de TVA à compter du 1er janvier 2023
Le régime de groupe TVA est une avancée attendue de longue date pour laquelle il convient de faire particulièrement attention aux détails.
La France est un des derniers Etats membres de l’Union européenne à transposer l’article 11 de la directive TVA relative au concept d’assujetti unique. Dix-neuf autres Etats membres ont déjà mis en place un régime de groupe TVA.
Le dispositif permet aux personnes assujetties qui ont en France le siège de leur activité économique, un établissement stable, leur domicile ou leur résidence principale de se constituer en un assujetti unique à la TVA, chaque membre devenant un secteur d'activité de l'assujetti unique[10]. La conséquence principale est la neutralisation au regard de la TVA des transactions économiques entre les membres du groupe.
Les membres d'un assujetti unique doivent être « étroitement liées entre [eux] sur les plans financier, économique et de l'organisation », ce qui vise :
- pour les liens financiers, notamment la détention directe ou indirecte de plus de 50 % du capital ou des droits de vote[11] ;
- pour les liens économiques, l'exercice d'une activité identique, d'activités interdépendantes, complémentaires ou poursuivant un objectif commun, ou d'une activité réalisée au bénéfice des autres membres ;
- pour les liens sur le plan de l'organisation, l'existence d'une direction commune ou d'une organisation concertée de leurs activités.
L'option devra être formulée au plus tard le 31 octobre pour une prise d'effet au 1er janvier suivant pour une durée minimale de trois ans. La cessation du groupe pourra intervenir, à l'issue de cette période, sur dénonciation de l'option ou, à tout moment, si les conditions prévues pour constituer un assujetti unique ne sont plus remplies. De la même façon, la sortie d'un membre du groupe pourra intervenir, à l'issue de la période de trois ans, sur demande ou, à tout moment, si ce membre ne remplit plus les conditions. L'entrée ou la sortie d'un assujetti sera regardée comme un transfert d'une universalité dispensé de TVA en application de l'article 257 bis du CGI.
L'intérêt de ce dispositif, qui vise à permettre la neutralisation pour la TVA de l'ensemble des opérations intervenant entre ses membres, pourrait être grandement diminué s'il était confirmé, comme indiqué dans l'évaluation préalable et les travaux parlementaires, que l'option pour le régime de groupe serait susceptible de se traduire par une augmentation de la taxe sur les salaires des membres de l'assujetti unique.
Parallèlement à l’introduction du régime du groupe TVA, le dispositif d'exonération de TVA des groupements autonomes de personnes prévu par l'article 261 B du CGI sera réservé aux personnes exerçant une activité pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti ou celles exerçant une activité d’intérêt général, exonérée de la TVA sur le fondement du 4 et du 7 de l'article 261 du CGI (il s'agit notamment des opérations liées à la santé ou à l'enseignement, ou des services rendus par des organismes à but non lucratif).
Les dispositions relatives au groupe TVA entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2022 pour une application effective au 1er janvier 2023.
La réduction du champ d'application de l'exonération des groupements autonomes de personnes sera corrélativement applicable à compter du 1er janvier 2023.
Opérations complexes uniques
La loi de finances pour 2021 modifie les règles applicables aux offres dites composites en codifiant les principes dégagés par la CJUE relatifs au régime des opérations complexes et notamment la règle selon laquelle une opération doit être appréciée de manière globale lorsque sa décomposition en plusieurs éléments revêtirait un caractère artificiel[12].
Par ailleurs, le texte prévoit que, lorsqu'une opération comprend des éléments autres qu'accessoires relevant de taux différents, le taux applicable à l'opération est le taux le plus élevé applicable à ces éléments[13].
Enfin, est généralisée à l'ensemble des services de télécommunication, de radiodiffusion et de télévision, et à ceux fournis par voie électronique, la règle spécifique de détermination de la base d'imposition des prestations multiples facturées à un prix forfaitaire global actuellement prévue pour les abonnements à des services de télévision[14] ou d'accès à la presse en ligne[15].
A défaut de disposition particulière, ces nouvelles règles sont applicables à compter du 1er janvier 2021.
Régime TVA du commerce électronique
Le texte reporte au 1er juillet 2021 l'entrée en vigueur de la réforme, opérée par la loi de finances 2020[16], du régime de TVA du commerce électronique.
Facturation électronique et transmission des données
Cette réforme présente un caractère très structurant qui dépasse le champ d’application de la TVA et va s’étendre à tout le dispositif de digitalisation du contrôle fiscal. En conséquence, elle impose aux entreprises de se préparer dès maintenant à ces changements.
Le principe de l’obligation de facturation électronique avait déjà été adopté par l’art. 153 de la loi de finances pour 2020. Suite à la publication du Rapport « La TVA à l’ère du digital » en octobre 2020, cette réforme est définitivement adoptée, dans des termes et conditions assez différents de ceux envisagés l’an dernier. Le maintien de cette réforme, malgré la crise, tend à prouver l’importance que lui donne le gouvernement.
Le texte autorise le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, courant 2021, les mesures nécessaires à l'instauration :
- de la facturation électronique obligatoire pour les transactions domestiques entre entreprises (e-invoicing) ;
- d'une obligation de transmission des données de facturation et de paiement pour les transactions réalisées avec des personnes physiques ou des opérateurs étrangers (e-reporting).
L'obligation de réception des factures électroniques serait applicable à toutes les entreprises à partir de 2023. Les obligations de e-invoicing et e-reporting pour les factures sortantes seraient applicables, selon nos informations, dès 2023 pour les grandes entreprises, en 2024 pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et en 2025 pour les PME et TPE.
D’un point de vue pratique pour les transactions entrant dans le champ d’application de l’obligation (B2B domestiques), l’envoi de la facture par le fournisseur à l’acheteur devra obligatoirement se faire par une plateforme certifiée, privée ou publique, choisie librement par les entreprises. S’agissant des transmissions des autres données, il en sera de même. Pour plus de précisions, nous vous invitons à consulter l’analyse de Gwenaëlle Bernier, Jean-Pierre Lieb et Kamila Ferhat dans les deux articles intitulés « Les modalités de mise en œuvre de la facturation électronique et de la transmission des données en France à horizon 2023 », portant sur les modalités opérationnelles et les impacts législatifs et la mise en perspective.
Impôts sur les sociétés
Mesures d’aménagement du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt innovation
Le texte prévoit plusieurs aménagements du crédit d'impôt recherche (CIR) et du crédit d'impôt innovation (CII).
En réponse à une plainte de la Commission européenne, le texte aligne le traitement des dépenses de recherche externalisées à un organisme public sur celles externalisées à un organisme privé, ce qui se traduit notamment par la suppression de la règle du doublement des dépenses prises en compte et par une modification significative des modalités de plafonnement des dépenses externalisées :
- concernant le plafond des dépenses sous-traitées à des organismes privées éligibles au CIR, les dépenses de sous-traitance à des organismes publics ne viendront plus augmenter ce plafond et, de plus, seront-elles aussi soumises à ce plafond ;
- concernant le plafond en valeur absolue, la majoration de 2m€ prévue en cas de dépenses externalisées à des organismes publics est supprimée.
Ces nouvelles règles seront applicables aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2022.
Par ailleurs, d’autres aménagements sont apportés :
- La majoration à 50% du taux du CIR prévu par loi de finances pour 2019 pour les dépenses engagées en Corse, qui n’était jamais entrée en vigueur faute d’accord de la Commission européenne, est enterrée[17]
- Le taux du crédit d’impôt innovation pour les dépenses engagées en Corse à compter du 1er janvier 2020 est relevé à 35% pour les moyennes entreprises au sens communautaire et à 40% pour les petites entreprises (au lieu du taux normal de 20%)[18]
- Enfin, à compter du 1er janvier 2021, seul le Ministère de la recherche sera sollicité en cas de demande de rescrit
Imputation sur une base élargie des déficits d'une société absorbée avant la cessation du premier groupe
Lorsqu'un groupe intégré cesse et que ses membres rejoignent un nouveau groupe, les déficits de l'ancien groupe restant en report deviennent des déficits propres de l'ancienne société mère mais peuvent, sous certaines conditions, être imputés sur une base élargie correspondant aux bénéfices des sociétés de l'ancien groupe qui rejoignent le nouveau groupe.
Contrant une décision de 2018 dans laquelle le Conseil d'Etat avait refusé l'imputation sur une base élargie de la fraction du déficit générée par une filiale de l'ancien groupe qui avait été absorbée avant sa cessation par une autre société du groupe qui avait bien rejoint le nouveau groupe[19], la loi prévoit, sous certaines conditions, la possibilité de demander l'imputation dans le cadre de la base élargie de la fraction des déficits afférents à une société absorbée (ou scindée) sous le régime de faveur des fusions avant la cessation du premier groupe dès lors que la société absorbante (ou les sociétés bénéficiaires des apports) a bien rejoint le nouveau groupe.
Cette règle s'applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2020.
Incorporation au capital de créances décotées
Afin de faciliter la recapitalisation immédiate des entreprises en difficulté dont les titres et la dette ont été rachetés par un nouvel actionnaire, le texte assouplit le dispositif de faveur prévu au VII bis de l'article 209 du CGI.
Selon ce dispositif, en cas d'incorporation d'une créance acquise à un prix décoté au capital de la société débitrice, par voie d'augmentation de capital en numéraire, le profit imposable au niveau de l'apporteur est calculé non par rapport à la valeur nominale de la créance mais par rapport à la valeur réelle des titres reçus en contrepartie de l'augmentation de capital, sous réserve que l'entreprise cédant la créance ne soit liée ni à la société apporteuse, ni à la société débitrice[20], l’existence de ces liens étant appréciée sur la période de 12 mois avant et 12 mois après l’apport.
Le texte prévoit que la condition tenant à l'absence de lien entre la société cédante et la société débitrice n'est pas requise lorsque l'augmentation de capital est effectuée dans le cadre d'une procédure de conciliation, de sauvegarde ou de redressement.
Cette règle est applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2020.
Autres mesures
Application de certaines mesures de faveur en cas de conciliation
La présomption de déductibilité des abandons de créance à caractère commercial au profit d'une entreprise en difficulté et le remboursement immédiat des créances de carry-back sont étendus aux sociétés faisant l’objet d’une procédure de conciliation (abandons à caractère commercial consentis en application d'un accord constaté ou homologué dans le cadre de la procédure de conciliation à compter du 1er janvier 2021 et créances de carry-back constatées à compter du 1er janvier 2021).
Déclaration des positions symétriques
Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2020, la déclaration ne doit plus être jointe à la déclaration de résultat mais communiquée à l’administration sur demande.
Suppression de l’enregistrement obligatoire de certains actes des sociétés
L’enregistrement n’est plus obligatoire pour certains actes établis à compter du 1er janvier 2021 (augmentation de capital en numéraire ou par incorporation de bénéfices ou de réserves ; amortissement ou réduction du capital ; etc…)
Obligation de distribution des SIIC
Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2020, la plus-value d'annulation de titres en cas de fusion-absorption de SIIC doit être distribuée à hauteur de 70 % avant la fin du 2ème exercice suivant l’opération.
Taux réduit des PME à l’IS
Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021, le plafond du CA conditionnant le bénéfice du taux réduit d’IS est porté à 10 millions d’euros… mais le seuil d’assujettissement à la contribution sociale reste fixé à 7,63 millions d’euros.
Réforme des taxes sur les véhicules
La taxe sur les véhicules est aménagée en 2021 et sera remplacée en 2022 par deux taxes relatives aux émissions de CO2, pour l’une, et de polluants atmosphériques pour l’autre. La taxe spéciale sur les véhicules routiers est remplacée dès 2021 par une taxe à l’essieu.
Taux de l’intérêt de retard et de l’intérêt moratoire
Le taux de 0,20% par mois, qui s’appliquait pour les intérêts courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, est prorogé sans limitation de durée
Suppression de taxes
Quelques taxes sont supprimées : taxe sur les services de restauration, taxe sur les contrats euro-croissance, droit fixe sur les actes de cession de navire de pêche artisanale, etc…