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Espaces de coworking et taxes locales : quels enjeux ?

Depuis quelques années, le travail en espace partagé ou coworking connaît un essor fulgurant, répondant à un désir de souplesse des travailleurs et des entreprises.¹

Ce nouveau mode d’exercice de l’activité soulève toutefois des difficultés en matière de taxes locales, notamment pour la taxe sur les bureaux, la cotisation foncière des entreprises et la CVAE.

La mise à disposition et le mode d’utilisation d’espaces de coworking diffèrent d’un bail classique et les modalités d’occupation peuvent être diverses. Généralement, comme dans l’affaire jugée récemment par le Tribunal administratif de Paris², les occupants souscrivent des contrats de prestation de services pour la mise à disposition d’espaces de travail, pour des durées variables, les tarifs forfaitaires variant en fonction des prestations complémentaires choisies (accès à des salles de réunion, internet, etc.).

Pour la taxe annuelle sur les bureaux et locaux commerciaux en Ile-de-France (TABIF), faut-il considérer que ces locaux sont utilisés comme bureaux ou pour réaliser une activité de commerce ou de prestations de services à caractère commercial ?³

Au cas particulier, le tribunal relève, outre l’offre de services annexes à la mise à disposition d’espaces de travail, que « le public intéressé peut (…) directement se rendre dans les locaux, dont la façade est coiffée d’une enseigne commerciale, pour les visiter, obtenir un devis ou souscrire sur place aux offres proposées ». Il en conclut que les locaux doivent être regardés comme utilisés par la société prestataire pour la réalisation de prestations de services et être ainsi qualifiés de locaux commerciaux pour la détermination de la TABIF, ce qui permet de bénéficier d’un seuil d’imposition plus élevé (2 500 m² contre 100 m² pour les bureaux) et d’un tarif plus faible (8,46 € le m² de commerces en zone 1 contre 24,69 € le m² de bureaux en 2023).

Cette analyse, qui devrait s’appliquer aussi à la taxe sur les bureaux et locaux commerciaux en Provence-Côte d’Azur instaurée par la loi de finances pour 2023, méritera toutefois d’être confirmée, l’administration ayant fait appel.

Compte tenu des différentes modalités d’occupation des espaces de travail partagés, une autre question est celle du redevable de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

Celle-ci a pour base la valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle, c’est-à-dire, selon le Conseil d’Etat, les biens placés sous le contrôle de l’intéressé (critère du contrôle du bien) et utilisés par lui matériellement (critère de l’utilisation matérielle) pour la réalisation des opérations qu’il effectue (critère de la finalité de l’utilisation)⁴.

Au cas particulier des espaces de coworking, les contrats prévoient généralement la mise à disposition d’un certain nombre de postes de travail, sans que leur emplacement ne soit nécessairement identifié, et l’accès à des services communs (salles de réunions, de détente, de restauration, de reprographie).
 

Au regard des trois critères précités, le prestataire semble pouvoir être considéré comme disposant des biens pour les besoins de son activité commerciale, ce qui rejoint l’analyse selon laquelle ces locaux constituent des locaux commerciaux et non des bureaux pour les besoins de la TABIF.
 

Mais, dans certains cas, l’occupant bénéficie d’une mise à disposition de bureaux identifiés qui lui sont personnellement réservés, les espaces annexes étant partagés. L’utilisateur pourrait alors être considéré comme redevable de la CFE sur ces bureaux, le prestataire étant imposable sur les locaux annexes nécessaires à la réalisation de ses prestations.
 

Aussi, seule une analyse au cas par cas, en fonction des contrats, permettrait de déterminer le redevable et l’assiette de la CFE.
 

Cette analyse du contrat entre la société de coworking et l’occupant sera aussi susceptible d’impacter le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au regard du traitement à retenir des loyers.
 

En effet, si le preneur ne peut pas en principe déduire de sa valeur ajoutée la charge de loyers versée, il y est autorisé, sous certaines limites et conditions, lorsqu’il donne les biens en sous-location, l’interdiction de déduire la charge de loyer pesant alors sur le sous-locataire.
 

Ainsi, si le contrat de coworking est considéré dans son ensemble comme une prestation de services, la société de coworking ne pourra pas déduire le loyer versé au propriétaire⁵ tandis que l’occupant pourra retenir pour le calcul de sa CVAE le montant versé comme une charge externe. A l’inverse, si le contrat de coworking est considéré comme une location, la société de coworking pourra déduire le loyer principal pour le calcul de sa CVAE et l’occupant ne pourra pas retenir le loyer versé dans sa valeur ajoutée.
 

Et, dans l’hypothèse où le contrat de coworking serait analysé comme constitutif d’une location accompagnée de prestations de services, il devrait être possible de considérer qu’une partie de la rémunération de la société de coworking constitue un loyer, l’autre étant la contrepartie de la prestation de services. Il conviendra alors de pouvoir justifier de la ventilation réalisée afin d’anticiper toute question de l’administration.

Ce qu'il faut retenir

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