EY désigne l’organisation mondiale des sociétés membres d’Ernst & Young Global Limited, lesquelles sont toutes des entités juridiques distinctes, et peut désigner une ou plusieurs de ces sociétés membres. Ernst & Young Global Limited, société à responsabilité limitée par garanties du Royaume-Uni, ne fournit aucun service aux clients.
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Cet article a été publié dans Option Finance
La problématique des compensations financières versées lors de réorganisations impliquant le transfert intragroupe d’activités ou de fonctions est généralement abordée par le juge de l’impôt à travers le prisme de l’arrêt d’activités exercées par des sociétés françaises. Le débat fiscal consiste alors à savoir si ces dernières doivent percevoir une indemnité sous peine de caractériser un transfert indirect de bénéfices à l’étranger. Une affaire récente souligne qu’il convient également d’être vigilant dans l’hypothèse où c’est une société française qui verse une telle indemnité pour dédommager une autre société du groupe.
Dans le cadre d’une réorganisation effectuée en 2014 par le groupe Sidel, la société italienne Sidel SpA a arrêté, d’une part, ses activités déficitaires de vente de certains produits et services à destination de clients finaux, et, d’autre part, son activité excédentaire d’intermédiaire dans la fourniture de pièces de rechange à la société française Sidel Blowing et Services, qui était chargée de les revendre aux clients finaux. Selon le contrat formalisant cette réorganisation, la société française a versé à la société italienne dont elle reprenait les activités une somme de huit millions d’euros destinée à compenser son manque à gagner.
Si la société française avait initialement déduit l’indemnité pour le calcul de l’impôt sur les sociétés et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), l’administration a estimé que celle-ci ne constituait pas une charge mais la contrepartie de l’acquisition d’un actif incorporel².
Sur le plan comptable, depuis la réforme de 2004, un actif est défini comme un « élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l’entité, c’est-à-dire un élément générant une ressource que l’entité contrôle du fait d’événements passés et dont elle attend des avantages économiques futurs »³. Sur le plan fiscal, avant cette réforme, le Conseil d’Etat avait exposé dans sa décision SA Sife les critères permettant d’identifier une immobilisation incorporelle : constituer une source régulière de profits, être doté d'une pérennité suffisante et être susceptible d’être cédé⁴. Ces critères, surtout appliqués dans le cadre d’affaires intéressant des concessions d’incorporels mais pas seulement⁵ ont pu être adaptés selon la nature des droits en cause. Ainsi, la cessibilité n’a pas été requise par le Conseil d’Etat pour admettre l’immobilisation des sommes versées au titre d’un engagement de non-concurrence dès lors que celui-ci se traduisait par l’acquisition de parts de marché⁶. Si ces jurisprudences sont antérieures à la nouvelle définition comptable des actifs leur solution a été réaffirmée ultérieurement, du moins en ce qui concerne les contrats de concession d’incorporels exclus du champ de la réforme comptable⁷.
L’indemnité litigieuse remplissait-elle ces critères ? Les activités réalisées par la société italienne directement avec les clients finaux étant déficitaires, les sommes versées visaient essentiellement à indemniser l’arrêt de l’activité d’intermédiaire dans l’acquisition de pièces de rechange destinées à être revendues par la société française⁸. Le versement de l’indemnité n’avait pas comme contrepartie l’acquisition de débouchés commerciaux ou d’une clientèle mais l’internalisation de la fonction d’approvisionnement en lien avec l’activité d’achat-revente préalablement exercée par la société française. Malgré cette particularité, les magistrats parisiens retiennent que cette indemnité « doit être regardée comme porteuse d’avantages économiques futurs valorisant l’actif incorporel de la société Sidel Blowing et Services, alors même qu’elle n’apporterait dans ce secteur aucune clientèle nouvelle ».
La solution mériterait d’être confirmée. Même en admettant que ce versement est économiquement avantageux ou, pour reprendre la terminologie du Conseil d’Etat, qu’il se traduit par une « source régulière de profits » en permettant à la société française d’intégrer la marge que réalisait auparavant son fournisseur, y-a-t-il véritablement acquisition d’un « élément identifiable du patrimoine » ?