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Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices (BEPS)
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Le Pilier 1 prévoit de nouvelles règles de répartition des droits d’imposition des bénéfices des groupes (le « Montant A ») et une application simplifiée du principe de pleine concurrence pour les activités de commercialisation et de distribution (le « Montant B »). Dans ce contexte, l'OCDE a publié le 19 février 2024 un rapport présentant les règles relatives au Montant B (le « Rapport »)¹.
Le contexte politique incertain, notamment aux Etats-Unis, entourant la signature et la ratification de la convention multilatérale relative au Montant A, l’application de règles qui prévoient des seuils du champ d’application du Montant A relativement élevés², mais également les avancées constantes du Pilier 2 avec une entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2024 au sein de l’Union européenne (UE), ont conduit à ce que peu d’attention ait été portée jusqu’à présent aux règles du Montant B.
Si le lecteur assidu de ces colonnes pensait qu’il pourrait se dispenser de la lecture des règles du Pilier 1, nous l’informons qu’il n’y échappera pas ! Le Montant B est un élément clé de la solution reposant sur deux piliers³, en ce qu’il s’applique sans être subordonné à un franchissement de seuil de chiffre d’affaires ni de profitabilité, et qu’il vise à simplifier l’application des règles de prix de transfert, pour les activités de commercialisation et de distribution.
- Le rapport part d’un constat : les activités de distribution constituent l'une des situations les plus fréquemment rencontrées par les entreprises multinationales dans les juridictions où elles exercent leurs activités. Selon les données recueillies par l’OCDE, les litiges en matière de prix de transfert liés aux activités de distribution représentent une part substantielle, entre 30 et 70%, de l'ensemble des litiges dans les juridictions « à faibles capacités »⁴. Le Montant B cherche ainsi et pour ces activités à garantir une plus grande prévisibilité fiscale, à réduire les coûts administratifs et de compliance, et à assister ces juridictions en proposant des solutions pratiques adaptées à leurs défis spécifiques.
- En l’absence de conditions de seuil, son impact sera généralisé pour l’ensemble des entreprises dont l’activité entre dans son champ d’application et viendra simplifier l’application du principe de pleine concurrence pour toutes les entreprises concernées.
Quels distributeurs sont concernés ?
Entrent dans le champ d’application du Montant B les activités de distribution en gros⁵ ⁶, y compris les agents commerciaux et les commissionnaires. Afin d’être couverts, les accords de distribution doivent répondre à des critères spécifiques et doivent porter sur des transactions éligibles leur permettant d’être qualifiés d’accords de distribution « de référence ». Le Rapport précise que ces activités de distribution de référence sont notamment caractérisées par l'absence d’une part d'actifs incorporels uniques dont la valeur est significative, et d’autre part de risques économiques particuliers.
A notre avis, l’appréciation de l’existence de contributions d'actifs incorporels uniques et de valeur ou non et de l’existence de risques économiques particuliers sera de nature à créer des difficultés pratiques pour les groupes multinationaux : quand et comment une entité de commercialisation contribue-t-elle à son échelle à certaines composantes DEMPE (notamment l’Exploitation) des actifs incorporels marketing du Groupe ?
Par ailleurs, le fait de savoir si une transaction est couverte par l’approche simplifiée et rationalisée n’est pas évident lorsque le distributeur achète en partie les produits auprès de fournisseurs tiers. En effet, le Rapport ne précise de seuil quantitatif de produits achetés auprès de tiers en deçà duquel le distributeur serait dispensé de segmenter ses états financiers.
Quel est le dispositif de mise en œuvre ?
Le Rapport présente deux options de mise en œuvre pour les juridictions qui opteraient pour l'approche simplifiée et rationalisée à partir de janvier 2025 : la première autorise les parties testées à choisir d'appliquer l'approche simplifiée et rationalisée. La seconde option est plus contraignante et exige son application lorsque les critères de champ d'application sont remplis⁷. A l’heure actuelle, nous n’avons pas connaissance de l’option qui serait préférée par les autorités françaises.
Il convient de noter que la première option est a priori source de flexibilité dans l’hypothèse où le contribuable souhaiterait tester le caractère de pleine concurrence de façon plus adaptée à son activité spécifique et à la juridiction au sein de laquelle il exerce cette activité (plutôt que de se référer à la « matrice de fixation des prix » définie par le mécanisme du Montant B).
Néanmoins, on peut se demander si cette option ne conduirait pas les administrations fiscales à considérer de facto les profitabilités indiquées dans la matrice de fixation des prix comme des « profitabilités cibles ». Ainsi, en opportunité, les administrations pourraient remettre en cause les études de comparables (i.e. benchmarks) qui s’écarteraient de la matrice. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois qu’une telle approche, en opportunité, serait fondée sur l’application d’un taux cible préconisé (bien que théoriquement non imposé) par des instances internationales. C’est le cas par exemple de la remise en cause fréquente par les administrations fiscales de rémunération des services à faible valeur ajoutée lorsqu’ils s’écartent de l’application de la politique du coût majoré de 5% alors que ce taux est prévu par les Principes OCDE en tant qu’approche simplifiée optionnelle et que le Forum Conjoint de l‘union Européenne en matière de Prix de Transfert s’y référait à titre indicatif⁸.
Cette option offerte aux juridictions pourrait également être de nature à fragiliser l’efficacité de l’objectif de garantie juridique en matière fiscale poursuivit par le Montant B si un redressement sur ce fondement est réalisé par une administration fiscale mais non accepté par l’administration fiscale de la contrepartie.
Certains distributeurs seraient exclus de l’application du montant B au regard de la nature des biens distribués. C’est le cas notamment des matières premières ou des biens numériques, sans que la raison de l’exclusion de ces catégories ne soient explicitée dans le Rapport.
Le cas des distributeurs exerçant des activités accessoires est également abordé. En effet, le Rapport décrit en détail les circonstances dans lesquelles un distributeur serait inclus dans le champ d'application du Montant B alors même qu’il exerce également d'autres activités telles que la fabrication. A cette fin, le Rapport autorise la segmentation des états financiers pour appliquer le Montant B spécifiquement aux fonctions de distribution, tout en garantissant des mesures de contrôle administratif.
Comment fonctionne la nouvelle « matrice de fixation des prix » ?
Pour un accord de distribution de référence, la « matrice de fixation des prix » va permettre de connaitre le niveau de marge d’exploitation⁹ cible venant rémunérer l’activité de distribution, en application de la méthode transactionnelle de la marge nette.
Le Rapport indique que cette approche pourra néanmoins ne pas être mise en œuvre lorsque l'application de la méthode du prix comparable sur le marché libre utilisant des comparables internes est possible.
La détermination de la marge cible de la partie testée sur la transaction éligible¹⁰ repose sur le point de jonction au sein de la matrice de fixation des prix de :
- la détermination du groupe industriel pertinent auquel appartient la partie testée parmi trois groupes d’industrie possibles¹¹, et
- le degré d’intensité factorielle (de A à E) de la partie testée calculé à partir de deux ratios financiers¹².
La marge cible ainsi déterminée devra s’appliquer à l’accord de distribution de référence avec une flexibilité de plus ou moins 0,5%.
Tableau 5.1. au sein du Rapport présentant la matrice de fixation des prix (en % de marge d’exploitation) établie à partir du jeu de données mondiales