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Loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 a été publiée au JO le 30 décembre 2023¹ suite à la décision du Conseil constitutionnel rendue le 28 décembre 2023².

En matière de fiscalité des entreprises, la loi transpose la directive « Pilier 2 » visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises³, reporte la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et instaure un nouveau calendrier pour l’entrée en vigueur de la facturation électronique. Par ailleurs, la loi crée un crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte et inclut certaines mesures du plan de lutte contre la fraude aux finances publiques, comme le renforcement des règles de contrôle des prix de transfert.

En matière de fiscalité des particuliers, au-delà de la revalorisation de 4,8 % du barème de l’impôt sur le revenu et de différents seuils et limites liés pour tenir compte de l’inflation, les principales mesures sont notamment un recentrage du dispositif Dutreil, la neutralisation en matière de droits de succession de l’impact de certains quasi-usufruits et un nouveau mécanisme anti-optimisation pour l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Enfin, signalons la censure par le Conseil constitutionnel de l’article prévoyant une exonération d’impôts pour les fédérations sportives internationales et leurs salariés et, dans la loi de financement de sécurité sociale pour 2024, de la disposition exonérant de taxe sur les salaires, sous certaines conditions, les entreprises dont l’assujettissement résulte de leur participation à un groupe TVA⁴.

Webcast - Loi de finances 2024

Marques « géographiques » : quoi de nouveau ?

Retrouvez le replay de notre webcast dédié aux principales mesures fiscales de la loi de finances 2024 pour les entreprises et aux décisions de jurisprudence qui ont marqué l'année 2023.

    Fiscalité des entreprises

    Imposition minimale des grands groupes d’entreprises

    La loi transpose la directive adoptée afin d’assurer la mise en œuvre dans les Etats membres de l’Union européenne des règles globales anti-érosion de la base d’imposition approuvées le 14 décembre 2021 par le Cadre inclusif de l’OCDE (règles OCDE)⁵.
     

    De manière simplifiée, ces règles visent à faire en sorte que les groupes d’entreprises dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 750 millions d’euros⁶ supportent sur leurs bénéfices un taux d’imposition minimal de 15 % dans chaque juridiction.
     

    Le taux effectif d’imposition devra être calculé, pour chaque exercice et pour chaque juridiction, en faisant le rapport entre la somme des montants corrigés des impôts couverts des entités constitutives situées dans cette juridiction et le bénéfice qualifié net de celles-ci⁷. En cas d’insuffisance d’imposition constatée dans la juridiction, un impôt complémentaire, calculé sur une assiette correspondant au bénéfice qualifié net du groupe dans la juridiction minoré d’une déduction fondée sur la substance⁸, devra être acquitté.
     

    En principe⁹, cet impôt complémentaire devra être versé par l’entité mère ultime du groupe dans son Etat de résidence selon la règle d’inclusion du revenu (RIR ou Income Inclusion Rule – IIR en anglais). A défaut, cet impôt devra être collecté, au prorata, dans les juridictions appliquant ces règles dans lesquelles sont établies les autres entités constitutives du groupe selon la règle des bénéfices insuffisamment imposés (RBII ou Undertaxed Payments Rule – UTPR en anglais). En outre, les Etats peuvent décider de mettre en place un impôt complémentaire national afin de collecter eux-mêmes cet impôt complémentaire au titre des entités constitutives établies sur leur territoire.
     

    La loi de finances pour 2024, qui insère ces règles dans un nouveau chapitre ad hoc créé dans le code général des impôts (CGI)¹⁰, est fidèle au contenu de la Directive mais reprend certaines précisions apportées par les instructions administratives publiées par l’OCDE postérieurement à l’adoption de la Directive, dont notamment les mesures de sauvegarde « Safe Habours » transitoires¹¹.
     

    Par ailleurs, comme l’autorisent la Directive et les règles OCDE, la loi prévoit la création d’un impôt national complémentaire qualifié auquel pourront être assujetties les entités constitutives établies en France d’un groupe entrant dans le champ des règles Pilier 2. Cet impôt, déterminé au niveau de l’ensemble de ces entités françaises puis affecté à chacune d’entre elles selon les mêmes règles d’assiette et de taux que celles prévues pour la RIR¹², devra en principe être déclaré et payé individuellement par chacune d’entre elles¹³, sauf désignation d’une entité chargée de s’en acquitter et de déposer le relevé de liquidation pour l’ensemble de ces entités¹⁴.
     

    L’impôt complémentaire, qu’il soit déterminé selon la règle d’inclusion du revenu, selon la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés ou selon les règles de l’impôt national complémentaire qualifié, ne sera pas déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés¹⁵.
      

    En matière de procédure et de recouvrement, la loi précise qu’il convient de suivre les règles applicables à l’impôt sur les sociétés, sauf exceptions¹⁶. Ces exceptions comprennent notamment l’absence d’acomptes trimestriels¹⁷, un délai de reprise de l’administration courant jusqu’à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due¹⁸ et des pénalités particulières en cas de manquements déclaratifs¹⁹.

    Ces nouvelles règles s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, à l’exception de la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés qui s’appliquera, en principe²⁰, aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.

    Prenant en compte la poursuite des travaux au niveau de l’OCDE, la loi habilite le gouvernement à compléter ou à préciser les dispositions relatives à la déclaration, au recouvrement, au contrôle et aux sanctions par ordonnance. Par ailleurs, le texte renvoie à un décret le soin de préciser, notamment, le contenu des obligations déclaratives. Enfin, pour prendre en compte les instructions administratives du Cadre inclusif non encore reprises ou à venir, des commentaires administratifs, voire même de nouveaux textes législatifs, sont attendus.

    Report de la suppression de la CVAE

    La loi de finances pour 2023 avait prévu la suppression sur deux ans de la CVAE, dont le montant avait été divisé par deux au titre de l’année 2023 et qui devait intégralement disparaître à compter de l’année 2024²¹.

    Conformément aux annonces du gouvernement, la loi reporte la suppression de la CVAE : les taux de la CVAE seront ainsi diminués de 25 % par an entre 2024 et 2026 avant que la contribution ne soit définitivement abrogée en 2027²².

    Le mécanisme de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de la contribution économique territoriale (CET)²³ est aménagé pour tenir compte de cet étalement de la suppression de la CVAE. Toutefois, afin de faire un geste immédiat en faveur des PME, la loi supprime dès 2024 la cotisation minimale de 63 euros à laquelle étaient soumises les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 500 000 euros²⁴.

    Report de la réforme de la facturation électronique

    La loi de finances pour 2024 reporte l’entrée en vigueur des obligations de facturation électronique (e-invoicing) et de transmission à l’administration de certaines données de facturation (e-reporting).

    Selon le nouveau calendrier,

    • l’obligation de recevoir des factures électroniques s’appliquerait, pour toutes les entreprises, à compter du 1er septembre 2026 (au lieu du 1er juillet 2024) ;
    • les obligations de e-invoicing et de e-reporting s’appliqueraient à compter du 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) (au lieu respectivement du 1er juillet 2024 et du 1er janvier 2025) et à compter du 1er septembre 2027 pour les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises (PME) qui ne sont pas membres d’un groupe TVA (au lieu du 1er janvier 2026)²⁵.

    Le texte prévoit par ailleurs que ces trois dates pourront être décalées par décret de trois mois au maximum.

    Imposition des bénéfices

    Création d’un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte

    Conformément aux annonces faites en mai lors de la présentation du projet de loi relatif à l’industrie verte, la loi crée un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV)²⁶.

    Ce nouveau dispositif concernera les entreprises qui réaliseront sur le territoire national des dépenses d’investissement en lien avec des activités contribuant à la production de batteries, de panneaux photovoltaïques, d’éoliennes et de pompes à chaleur²⁷.

    Les dépenses d’investissement prises en compte couvrent aussi bien les acquisitions d’actifs corporels (terrains et constructions compris) que les acquisitions de droits incorporels nécessaires à l’activité (brevets, licences, savoir-faire, autres droits de propriété intellectuelle, autorisations temporaires d’occupation du domaine public constitutives d’un droit réel)²⁸. Le taux du crédit d’impôt est fixé à 20 %, porté à 25 % pour les investissements réalisés dans une zone à finalité régionale (ZAFR) ou à 40 % pour ceux effectués dans les régions ultrapériphériques (RUP). Ces différents taux seraient majorés de 10 % pour les moyennes entreprises et de 20 % pour les petites entreprises²⁹.

    Le montant maximal de l’aide sera en principe de 150 millions d’euros³⁰, rehaussé à, respectivement, 200 millions d’euros ou à 350 millions d’euros pour les investissements réalisés dans des ZAFR ou des RUP.

    Le crédit d’impôt, calculé sur la base des dépenses éligibles exposées au titre de chaque exercice, sera imputable sur l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu et le montant excédant l’impôt dû pourra être immédiatement restitué au contribuable.

    Le bénéfice de ce crédit d’impôt sera conditionné au respect de la réglementation européenne sur les aides d’Etat et à l’obtention préalable d’un agrément de l’administration, après avis conforme de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui devra attester que les activités exposées dans la demande d’agrément entrent dans le champ des activités éligibles.

    Afin d’éviter le transfert d’activités déjà exercées dans l’Union européenne, cette aide ne pourra s’appliquer que si l’entreprise n’a pas procédé, au cours des deux exercices précédant le dépôt de l’agrément, à un transfert vers la France d’activités similaires ou identiques depuis un autre Etat membre ou un Etat de l’Espace économique européen. De plus, l’entreprise devra, notamment, respecter l’ensemble de ses obligations, fiscales, sociales et environnementales, s’engager à exploiter en France les investissements éligibles pendant cinq ans à compter de leur mise en service³¹ et ne pas transférer hors de France des actifs ayant bénéficié du crédit d’impôt au cours des cinq exercices suivant leur mise en service.

    Ce dispositif sera applicable aux projets agréés jusqu’au 31 décembre 2025 et dont le dépôt de la demande a été effectué à compter du 27 septembre 2023. Toutefois, l’entrée en vigueur du dispositif est subordonnée à sa validation par la Commission européenne.

    Renforcement des règles relatives aux prix de transfert

    Comme annoncé dans le cadre du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques³², la loi contient différentes mesures visant à faciliter les contrôles des prix de transfert.

    En premier lieu, le seuil de chiffres d’affaires ou de l’actif brut figurant au bilan à partir duquel une société est tenue de présenter à l’administration une documentation complète de la politique de prix de transfert du groupe³³ est rabaissé de 400 millions à 150 millions d’euros pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

    En deuxième lieu, le texte rend opposable aux entreprises le contenu de leur documentation prix de transfert. A cette fin, les dispositions de l’article 57 du CGI sont modifiées afin de présumer l’existence d’un transfert de bénéfices à l’étranger en cas d’écart entre le résultat déclaré par la société et le montant qui aurait été atteint si les règles prévues dans sa documentation³⁴ avaient été respectées. Ce sera alors à la société de renverser cette présomption en démontrant l’absence de transfert de bénéfices à l’étranger. Cette nouvelle règle s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

    En troisième lieu, le montant minimal de l’amende sanctionnant le défaut de présentation par une entreprise de sa documentation prix de transfert ou le défaut de réponse aux demandes d’informations de l’administration fiscale³⁵ est relevé de 10 000 euros à 50 000 euros.

    Enfin, s’inspirant des préconisations figurant dans les principes OCDE applicables en matière de prix de transfert³⁶, la loi permet à l’administration de rectifier le prix de cession des actifs incorporels difficiles à évaluer³⁷ sur la base des résultats postérieurs à l’exercice au cours duquel a eu la transaction³⁸, sauf pour le contribuable à se prévaloir d’une des quatre situations envisagées par les principes OCDE³⁹ qui sont littéralement reprises dans le texte⁴⁰. Par ailleurs, concernant de telles cessions, le délai de reprise de l’administration est étendu jusqu’à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due⁴¹ et l’administration pourra les contrôler sans que cela ne constitue la réitération d’une vérification de comptabilité⁴². Ces nouvelles règles s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

    Dividendes intragroupe : aménagement des conditions d’application de la quote-part de frais et charges de 1 % et de l’exonération à 99 %

    En application des articles 216 et 223 B du CGI, peuvent être exonérés sous réserve de la réintégration d’une quote-part pour frais et charges de 1 % s’il s’agit de dividendes bénéficiant du régime mère-fille ou être exonérés à 99 % s’il s’agit de dividendes ne bénéficiant pas du régime mère-fille :

    • les dividendes distribués entre sociétés membres d’un groupe fiscal intégré,
    • les dividendes reçus par une société intégrée et distribués par une société établie dans un pays de l’UE ou de l’Espace économique européen (EEE) qui aurait été intégrable si elle avait été établie en France, et
    • les dividendes perçus par une société non intégrée sans pouvoir l’être et distribués par une société établie dans un pays de l’UE ou de l’EEE qui aurait été intégrable si elle avait été établie en France.

    Prenant acte de la jurisprudence Manitou⁴³, la loi de finances pour 2024 étend l’application du taux réduit de 1 % ou de l’exonération à 99 % aux dividendes distribués par une société établie dans l’UE ou l’EEE intégrable sans qu’il y ait lieu de vérifier si la société récipiendaire est ou non intégrée ou si elle peut ou non l’être⁴⁴.

    A noter toutefois, la condition d’appartenance effective à un groupe intégré est maintenue pour les distributions entre sociétés établies en France.

    Par ailleurs, le bénéfice du taux réduit de 1 % ou de l’exonération à 99 % est désormais limité aux distributions effectuées par des sociétés intégrées, ou par des sociétés intégrables pour les sociétés établies dans l'UE ou l’EEE, depuis plus d'un exercice.

    Ces modifications s’appliquent aux exercices clos à compter du 31 décembre 2023.

    Intégration fiscale : aménagement des règles relatives à la prise en compte de l'actionnariat salarié

    Afin d’éviter que les dispositifs d’actionnariat salarié fassent obstacle à l’intégration fiscale de sociétés, il est actuellement prévu que, pour apprécier le seuil de détention de 95 %, il ne soit pas tenu compte, dans la limite de 10 % du capital, des titres émis ou attribués dans le cadre de dispositifs de souscription ou d’achat d’actions, d’attribution gratuite d’actions, ou à l’occasion d'augmentations de capital réservées aux adhérents d’un PEE, y compris lorsque ces dispositifs sont mis en place au niveau d'un groupe économique⁴⁵ et non au niveau de la seule société émettrice ou attributrice⁴⁶.

    La loi procède à des aménagements pour maintenir la non-prise en compte de tels titres dans le cas où un salarié cesse ses fonctions dans la société qui l’employait à la date de l’émission ou de l’attribution des titres pour rejoindre une autre société du même groupe économique incluse dans le plan d’émission ou d’attribution⁴⁷. Dans cette situation, la non prise en compte des titres cessera lorsque le salarié cèdera les titres, lorsqu’il cessera ses fonctions au sein des sociétés incluses dans le périmètre du plan, lorsqu’il vient à exercer ses fonctions dans une société initialement incluse dans le périmètre du plan mais qui ne remplit plus les conditions qui permettraient de l’inclure dans un nouveau plan avec la société émettrice ou attributrice, ou lorsque la société qui emploie le salarié était initialement incluse dans le périmètre du plan mais ne remplit plus les conditions qui permettraient de l’inclure dans un nouveau plan avec la société émettrice ou attributrice.

    Ces règles particulières ne concerneront que les plans d'actionnariat mis en place au niveau d’un groupe économique⁴⁸.

    Ces nouvelles règles s’appliquent aux exercices clos à compter du 31 décembre 2023.

    Mesures sectorielles

    Création d’une taxe sur les bénéfices excédentaires liés à l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance

    Une nouvelle contribution à la charge des personnes exploitant des infrastructures de transport de longue distance est instaurée, à compter du 1er janvier 2024, lorsque, cumulativement, les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile excèdent 120 millions d’euros et le niveau moyen de rentabilité⁴⁹ de l’exploitant excède 10 %. Cette nouvelle taxe devrait essentiellement concerner les grandes concessions autoroutières et les grands aéroports.

    Cette contribution, non déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, est assise sur la fraction des revenus encaissés au cours de l’année civile qui excède 120 millions d’euros et serait liquidée au taux de 4,6 %.

    Création d’une taxe sur le « streaming »

    Afin de contribuer au financement du Centre national de la musique, une nouvelle taxe portant sur la mise à disposition de services payants ou gratuits d’accès à des musiques enregistrées (services dits de « streaming ») est créée⁵⁰.

    La taxe, dont le taux est égal à 1,2 %, est assise sur la fraction excédant le seuil de 20 millions d’euros⁵¹ du montant cumulé des sommes perçues auprès des utilisateurs en contrepartie de l’accès aux enregistrements et de 34 % des sommes versées par les annonceurs et sponsors pour la diffusion de leurs messages publicitaires.

    La taxe devrait s’appliquer aux recettes perçues à compter du 1er janvier 2024.

    Encadrement de l’IFER « fixe » ou « télécom »

    Un mécanisme visant à limiter la hausse de l’IFER portant sur les réseaux de télécommunications fixes est adopté afin de contrebalancer la sortie progressive de l’exonération temporaire dont bénéficient les nouvelles lignes fibres. Selon ce nouveau dispositif, pour les impositions dues à compter de 2024, lorsque le montant total de l’IFER « fixe » perçu au titre d’une année excède 400 millions d’euros, le tarif applicable au titre de l’année suivante sera minoré par un coefficient correspondant au quotient entre 400 millions d’euros et le montant total perçu⁵².

    Autres mesures

    Taxe sur la valeur ajoutée

    La loi comprend plusieurs mesures visant à lutter contre la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée :

    • Tout d’abord, les « dropshippers », c’est-à-dire les opérateurs achetant des biens situés en dehors de l’Union européenne et les revendant en ligne en France sans jamais en disposer physiquement, seront redevables de la TVA à l’importation sur les ventes à distance de biens importés sauf à ce qu’ils s’assurent que la TVA est bien perçue sur l’intégralité du prix du bien lors de l’importation.
    • Par ailleurs, de nouvelles cessions de certificats de garanties d’origine et de certificats prévus par le code de l’énergie sont soumises au mécanisme d’autoliquidation de la TVA⁵³.
    • Enfin, une procédure de mise en conformité fiscale est introduite pour inciter les assujettis fournissant des services par voie électronique par l’intermédiaire d’une interface en ligne à respecter leurs obligations en matière de TVA, la sanction pouvant aller jusqu’au déréférencement ou à la restriction d’accès.

    Plusieurs autres modifications sont apportées :

    • Pour les assujettis non établis dans l’Union européenne devant satisfaire à des obligations déclaratives en France, l’accréditation d’un représentant est remplacée par un dispositif simplifié se limitant à la désignation d’un mandataire lorsque ces assujettis réalisent en France uniquement certaines opérations particulières ne se traduisant par aucun paiement effectif de TVA.
    • Le régime des opérateurs de détaxe de TVA⁵⁴ est modifié afin de clarifier que l’obligation d’agrément porte sur l’ensemble de ces acteurs et qu’ils doivent transmettre les bordereaux de vente à l’exportation au moyen d’une plateforme d’échange de données informatisées certifiée.
    • Sont désormais expressément soumises à la TVA en France les locations de biens meubles corporels, autres que des moyens de transport, fournies à un preneur qui n’est pas établi ou n’a pas son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre de l’Union européenne⁵⁵.
    • En réaction à l’avis du Conseil d’Etat ayant considéré que les modalités d’application de la TVA aux activités de location meublée⁵⁶ n’étaient pas conformes à la directive TVA⁵⁷, la loi aménage celles-ci en procédant à une distinction plus claire entre, d’une part, le secteur hôtelier et assimilé (incluant les meublés de tourisme) et, d’autre part, le secteur résidentiel, en conservant toutefois le critère tenant à la fourniture de certaines prestations de services⁵⁸.

    Enfin, la directive 2022/542 du 5 avril 2022 relative aux taux de TVA est transposée, emportant notamment les modifications suivantes :

    • Abrogation de l’article 278-0 A du CGI qui dérogeait à la règle de l’article 278-0 selon laquelle, lorsque des éléments autres qu’accessoires relèvent de taux différents, le taux le plus élevé s’applique à l’intégralité, en permettant de procéder à une ventilation du taux de TVA s’agissant des éléments autres qu’accessoires relevant du taux super réduit de 2,1 %.
    • Soumission au taux réduit de 5,5 % de l’ensemble des opérations de vente et de revente d’objets d’art, de collection et d’antiquité sauf lorsqu’elles relèvent de plein droit de la taxation sur la marge prévue à l’article 297 A du CGI⁵⁹ ; en revanche, l’option pour la taxation sur la marge prévue à l’article 297 B du CGI est supprimée⁶⁰ tout comme la possibilité d’opter pour une marge forfaitaire⁶¹.

    Aménagement des modalités de réalisation des contrôles fiscaux sur place

    En principe, une vérification de comptabilité doit se dérouler dans les locaux de l’entreprise⁶² mais la jurisprudence admet que celle-ci puisse être effectuée dans un lieu distinct uniquement lorsque cette délocalisation est demandée par le contribuable⁶³.

    Tenant compte de cette jurisprudence, la loi aménage les dispositions du Livre des procédures fiscales (LPF) afin de prévoir que les opérations de contrôle puissent se tenir ou se poursuivre dans un autre lieu déterminé d’un commun accord entre le contribuable et l’administration. A défaut d’accord, le texte prévoit de manière novatrice que l’administration pourra décider de tenir ou de poursuivre la vérification dans ses locaux. Cette modification ne remet en revanche pas en cause l’obligation de s’assurer de l’existence d’un débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur.

    Outre la procédure de vérification de comptabilité, cette nouvelle règle concernera aussi à la procédure spécifique permettant de vérifier la régularité de la délivrance de reçus ou d’attestations ouvrant droit aux réductions dons ou mécénat⁶⁴.

    Cette modification s’applique à compter du 1er janvier 2024, tant aux contrôles engagés à compter de cette date qu’à ceux déjà en cours.

    Mise en œuvre du plan de lutte contre les fraudes

    Au-delà des règles en matière de prix de transfert ou de TVA déjà mentionnées, la loi contient plusieurs mesures visant à renforcer la lutte contre les fraudes aux finances publiques.

    • L’expérimentation prévue par la loi de finances pour 2020 permettant aux administrations fiscales et douanières de collecter des données sur les plateformes en ligne⁶⁵ est prorogée d’au moins deux ans et étendue, d’une part, aux manquements liés à une minoration ou à une dissimulation de recettes et, d’autre part, au contenu des plateformes dont l’accès requiert une inscription à un compte.
    • Pour la recherche ou la constatation de certains manquements, les agents de l’administration fiscale pourront non seulement prendre connaissance de toute information publiquement accessible sur des plateformes en ligne, y compris lorsque l’accès à ces plateformes requiert une inscription, mais aussi participer, en utilisant un pseudonyme, à des échanges électroniques avec les auteurs présumés des manquements. Les données et informations obtenues pourront alors être extraites et conservées par l’administration.
    • Les règles applicables aux visites domiciliaires⁶⁶ sont aménagées afin de confirmer leur application aux investigations concernant des manquements aux règles relatives aux réductions et crédits d’impôt et de pouvoir contraindre à la communication des éléments permettant l’accès et la saisie des documents stockés sur des serveurs en dehors des locaux de l’entreprise.
    • L’extension du champ d’application du dispositif d’indemnisation des aviseurs fiscaux, qui faisait l’objet d’une expérimentation jusqu’à fin 2023, est pérennisée.
    • L’obligation de communiquer annuellement à l’administration fiscale la liste des comptes d’actifs numériques détenus à l’étranger est étendue à toutes les personnes morales⁶⁷.
    • Un nouveau délit, passible de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende⁶⁸, sanctionnera la mise à disposition d’instruments ayant pour but de permettre à des personnes de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts⁶⁹.
    • Une peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune immobilière est instaurée pour les personnes physiques reconnues coupables du délit de fraude fiscale aggravée, du recel de ce délit ou de son blanchiment. La privation, qui ne peut pas excéder une durée de trois ans, ne concerne pas les crédits d’impôt conventionnels visant à éliminer une double imposition.
    • Un régime supplétif de sanctions est instauré dans le code des relations entre le public et l’administration (CRPA) pour les personnes ayant bénéficié indûment d’aides publiques qui se verraient, à défaut d’autres sanctions spécifiques, passibles d’une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré ou de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses.

    Mesures en faveur de la transition énergétique

    En plus de la création du C3IV, la loi inclut certaines mesures afin de favoriser la transition énergétique, dont notamment la réduction de dépenses fiscales défavorables à l’environnement (« niches brunes ») :

    • Augmentation progressive du tarif réduit de l’accise sur le gazole utilisé à des fins agricoles ;
    • Augmentation progressive du tarif réduit d’accise sur le gazole non routier (GNR)⁷⁰ ;
    • Suppression des tarifs réduits d’accise sur les produits pétroliers consommés par les entreprises grandes consommatrices d’énergie et sur les charbons consommés par les entreprises grandes consommatrices d’énergie exposées à la concurrence internationale ;
    • Durcissement de plusieurs malus, taxes et contributions sur les véhicules de tourisme des particuliers et des entreprises ;
    • Aménagement des règles concernant la taxe incitative relative à l’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) afin de renforcer son caractère incitatif ;
    • Instauration d’une exonération temporaire de taxe foncière sur les propriétés bâties d’une durée de quinze ans en faveur des logements locatifs sociaux achevés depuis au moins 40 ans qui font l’objet de travaux lourd de rénovation permettant, notamment, une amélioration de leur performance énergétique et environnementale⁷¹.

    Suppression de niches fiscales

    La loi supprime plusieurs dépenses fiscales devenues obsolètes ou sans incidence budgétaire dont, notamment, un crédit d’impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique pour les éditeurs justifiant d’une baisse du chiffre d’affaires⁷² ou l’exonération de droits de mutation à titre gratuit des dons affectés à la souscription au capital d’une entreprise ou à la construction de la résidence principale⁷³.

    Fiscalité des particuliers

    Recentrage du dispositif Dutreil

    Deux décisions récentes de la Cour de cassation⁷⁴ et du Conseil d’Etat⁷⁵, ont admis que l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit « Dutreil »⁷⁶, dont les dispositions se réfèrent aux activités commerciales sans exclure expressément les activités de gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier, étaient applicables, sous certaines conditions, aux activités de location meublée ou de biens équipés visées par l’article 35 du CGI. Ces décisions avaient ainsi censuré l’interprétation du champ d’application du dispositif Dutreil retenue par l’administration dans sa doctrine⁷⁷.

    Pour contrer cette jurisprudence, la loi modifie la définition des activités éligibles au dispositif Dutreil afin d’en exclure « l’exercice par une société d’une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier »⁷⁸ et donc, notamment, les activités de location meublée.

    Par ailleurs, légalisant la doctrine et la jurisprudence, il est désormais précisé dans la loi que peuvent bénéficier du dispositif d’une part les titres d’une holding animatrice et, d’autre part, les titres d’une société, ou une entreprise individuelle, dont l’activité « principale » est éligible.

    Ces modifications ont une portée rétroactive puisque, pour éviter tout effet d’aubaine, elles s’appliquent aux transmissions effectuées à compter du 17 octobre 2023.

    Non déductibilité de l’actif successoral des dettes de restitution liées à un quasi-usufruit

    Afin de lutter contre la pratique consistant à donner une somme d’argent sous réserve d’usufruit afin d’éviter son imposition lors de la succession⁷⁹, la loi crée un nouvel article 774 bis du CGI qui prévoit tout d’abord que les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit ne sont pas déductibles en principe de l’actif successoral pour le calcul des droits de succession.

    Ce nouvel article prévoit par ailleurs que le nu-propriétaire est imposable au titre de sa créance à la date du décès de l’usufruitier, les droits de succession étant alors calculés « d’après le degré de parenté existant entre ce dernier et l’usufruitier, au moment de la succession ou de la constitution de l’usufruit, si les droits dus sont inférieurs »⁸⁰.

    Par exception, ce nouveau dispositif ne s’applique ni aux dettes de restitution portant sur le prix de cession d’un bien dont le défunt s’était réservé l’usufruit, sous réserve qu’il soit justifié que ces dettes n’aient pas été contractées dans un objectif principalement fiscal, ni à l’usufruit du conjoint survivant résultant de l’application des articles 757 ou 1094-1 du code civil.

    Cette mesure s’applique aux successions ouvertes à compter de la date de promulgation de la loi de finances pour 2024, soit le 29 décembre 2023, quelle que soit la date de constitution du quasi-usufruit.

    Extension du champ d’application du dispositif anti-abus de l’article 155 A du CGI

    Afin de lutter contre la pratique consistant à interposer une société étrangère pour éviter l’imposition en France de revenus liés à des prestations effectuées par une personne physique, le dispositif de l’article 155 A du CGI permet, sous certaines conditions, d’imposer directement au nom de la personne physique les sommes perçues par une société étrangère en rémunération de prestations effectuées par cette personne physique, soit, pour toutes les prestations, lorsque celle-ci est domiciliée ou établie en France, soit, dans le cas contraire, pour les seules prestations rendues en France.

    En réaction la position du Conseil d’Etat selon laquelle l’application de ce dispositif est subordonnée à ce que la personne physique redressée fournisse une véritable prestation de services, excluant ainsi de son champ d’application les redevances de concession de droits de propriété intellectuelle apportés par une personne physique à une société étrangère⁸¹, la loi de finances pour 2024 modifie la rédaction de l’article 155 A pour préciser qu’il s’applique aux sommes perçues en « contrepartie de services ou de l’exploitation commerciale de droits attachés à l’image, au nom ou à la voix d’une ou plusieurs personnes, de l’usage de droits d’auteurs ou droits voisins, ou de la propriété industrielle ou commerciale ou de droits assimilés, rendus ou concédés par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France ». En vertu de cette modification, les non-résidents seront quant à eux imposables au titre de tels revenus lorsqu'ils proviennent de droits exploités ou utilisés en France.

    Par ailleurs, légalisant la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel qui vise à éviter toute double imposition des mêmes revenus⁸², le texte précise désormais que, en cas de reversement de sommes par la société à la personne physique, le contribuable sera réputé avoir déjà acquitté l’impôt afférent à ce revenu.

    Ces modifications s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2024.

    Impôt sur la fortune immobilière : nouvelle mesure anti-optimisation

    L’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est composée des biens et droits immobiliers mais aussi de certains titres de sociétés à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou de droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société⁸³. La fraction imposable des titres de société est alors déterminée à partir de leur valeur réelle, en prenant en compte le passif de la société⁸⁴.

    Afin d’éviter l’optimisation consistant à loger des actifs immobiliers dans des sociétés endettées, la loi exclut du passif à prendre en compte pour calculer la valeur des titres les dettes contractées directement ou indirectement par la société qui ne sont pas afférentes à un actif imposable⁸⁵. Toutefois, la valeur imposable des titres ainsi calculée sera plafonnée à leur valeur vénale ou, si elle est inférieure, à la valeur vénale des actifs imposables de la société diminuée des dettes y afférentes qu’elle a contractées, à proportion de la fraction du capital de la société correspondant aux titres détenus par le redevable.

    Cette nouvelle règle s’appliquera à l’IFI 2024.

    Aménagements de l’exit tax

    Les règles relatives au dispositif d’exit tax de l’article 167 bis du CGI sont aménagées.

    D’une part, pour garantir l’effectivité du dépôt de la déclaration relative aux événements dont la survenance donne lieu à un dégrèvement ou une restitution de l’impôt, qui doit être transmise l’année suivant la survenance de l’événement⁸⁶, le texte prévoit désormais que l’absence de dépôt de cette déclaration entraînera l’exigibilité immédiate de l’impôt en sursis de paiement pour les départs à l’étranger effectués à partir du 1er janvier 2019. A noter, lorsqu’un tel événement est survenu avant le 1er janvier 2024, la déclaration devra être déposée, si elle ne l’a pas déjà été, avant la date limite de dépôt de la déclaration des revenus de 2023.

    D’autre part, le texte est corrigé pour permettre le dégrèvement des prélèvements sociaux pour les contribuables ayant quitté le territoire national entre le 3 mars 2011 et le 31 décembre 2013, au même titre que ceux l’ayant quitté à compter du 1er janvier 2014.



    Ce qu'il faut retenir

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