Dès lors, les contribuables devront porter une attention accrue au contenu et à la qualité de leur documentation prix de transfert, notamment s’agissant des montants des transactions intragroupe, et des réconciliations financières ; et anticiper tout écart entre la documentation et l’application concrète de leur politique prix de transfert. L’opposabilité de la documentation prix de transfert impose un contrôle de cohérence entre le Master File, le Local File, les tableaux de flux et les contrats qui font partie de l’ensemble documentaire tel que défini par l’article L 13 AA du LPF, alors même que ce contrôle de cohérence n’est pas systématiquement réalisé par les contribuables.
Par ailleurs, il est légitime de s’interroger sur la notion de « méthode de détermination prévue par la documentation » : sera-t-elle interprétée par l’administration fiscale lors des futures vérifications de comptabilité de façon stricte, visant uniquement la description de la façon dont le prix d’une transaction est déterminé, méthode ex-ante, ou extensive comme visant également d’autres éléments de la documentation prix de transfert qui pourraient être interprétés comme contredisant les résultats de l’entité concernée ?
3. Un renforcement des sanctions applicables
Concernant l’obligation documentaire, l’ensemble des modifications touchant au champ d’application et à l’opposabilité de la documentation prix de transfert s’accompagne d’un renforcement des sanctions en cas de non-respect.
En principe et jusqu’à ce jour, les contribuables dans le champ de l’obligation documentaire (i.e., article L 13 AA du LPF) doivent présenter leur documentation à l’administration fiscale en début de contrôle, à défaut l’administration fiscale met en demeure le contribuable de la fournir dans un délai de 30 jours, prolongeable une fois.
Antérieurement à la LF 2024, en cas de défaut de production dans le délai ou en cas réponse partielle (i.e., documentation incomplète), une amende minimale était prévue à l’article 1735 ter du CGI, qui s’élevait à 10.000 euros⁸.
La LF 2024 est venue multiplier par cinq cette amende pour la porter à un montant de 50.000 euros, pour les infractions constatées à compter du 1er janvier 2024 (CGI art. 1735 ter).
4. Une extension du délai de reprise s’agissant des cessions d’actifs incorporels difficiles à évaluer
Ces dernières années, la législation fiscale française relative aux prix de transfert, la jurisprudence et la doctrine en la matière se sont fortement inspirées des principes et recommandations émises par l’OCDE afin d’évoluer.
À la suite des travaux menés par l’OCDE en matière d’actifs incorporels difficiles à évaluer⁹ (« AIDV ») et à la reprise de ces travaux dans les Principes OCDE de 2022¹⁰, il n’est pas surprenant que le législateur français transpose dans son droit interne les principaux apports de ces travaux.
Le paragraphe 15 des instructions de l’OCDE publiées en juin 2018 indiquent ainsi que pour faciliter la mise en œuvre de l’approche applicable aux AIDV, les pays pourraient envisager l’instauration d’une obligation de notifier le transfert d’un AIDV ou la modification du délai normal de prescription.
La LF 2024 modifie ainsi l’article 171 B du CGI afin d’étendre le délai de reprise de l’administration fiscale « jusqu’à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due », délai qui serait applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024¹¹.
En plus de l’obligation de déclarer les cessions d’actifs incorporels, qui existe déjà en application de l’article 223 quinquies B du CGI (par le biais de la transmission électronique du formulaire 2257-SD et de l’obligation de déclaration des dispositifs transfrontières – DAC 6), les contribuables feront aussi face à un délai de prescription plus étendu.