Le 2 décembre 2024, au lendemain du lancement officiel des négociations 2025, la Commission d’examen des pratiques commerciales (ci-après la « CEPC ») a publié son unique Recommandation pour l’année 2024 relative à un guide de bonnes pratiques en matière de clauses de révision automatique des prix et de clauses de renégociation dans les relations entre industriels et distributeurs1.
Répondant à une saisine ministérielle du 8 décembre 2023, cette Recommandation était très attendue par les opérateurs. Elle a pour objectif d’identifier les bonnes pratiques en matière de clauses de révision automatique et de renégociation du prix dans les relations entre industriels et distributeurs dans le secteur alimentaire et de formuler des propositions d’évolution des dispositions en vue d’alimenter les réflexions sur une éventuelle modification du cadre législatif.
Au début de l'année 2024, les députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard avaient été missionnés pour évaluer une éventuelle évolution du cadre législatif et réglementaire des lois EGalim et, plus globalement, de celui des négociations commerciales.
Malgré un contexte politique instable en 2024, le Rapport « Babault-Izard » a été remis au ministère de l’agriculture le 10 octobre 2024. 27 propositions ont été formulées au titre desquelles on relève notamment, s’agissant des produits alimentaires, celles de :
- rendre la clause de renégociation prévue par l’article L. 441-8 du code de commerce facultative, mais obligatoire dans le principe si elle figure dans les CGV du fournisseur, ou encore
- supprimer les dispositions du code de commerce relatives à la révision automatique du prix.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les 9 recommandations de la CEPC dont nous reprenons ici celles qui, selon nous, devraient être considérées dès maintenant par les industriels et les distributeurs, dans le cadre des négociations 2025 devant s’achever le 1er mars 2025, au plus tard.
1. Les clauses de révision automatique du prix
Comme cela est souligné par la CEPC, le législateur est animé, au fil des lois dites EGalim, par une volonté de protéger la valeur du travail de l’agriculteur depuis l’amont en partant du contrat conclu avec le premier acheteur de la matière première agricole, vers l’aval, in fine le consommateur.
Pour les produits alimentaires soumis au régime de transparence de l’article L.441-1-1 du code de commerce, la convention idoine (dite « alimentaire ») de l’article L. 443-8 du code de commerce doit prévoir une clause de révision automatique du prix.
La CEPC dresse un état des lieux de la pratique des opérateurs et identifie un certain nombre de difficultés.
La CEPC apporte également des précisions bienvenues pour les opérateurs, notamment quant à la rédaction de la clause et ses modalités de négociation.
Sans que la présente analyse ne soit exhaustive, certaines recommandations appellent un point d’attention particulier en vue des négociations 2025, même s’il peut être regretté que la Recommandation ait été publiée après la date butoir de communication des CGV des industriels soumis au régime de la convention alimentaire.
- La stipulation d’une clause de révision automatique dans les CGV du fournisseur permet de disposer d’une base de négociation.
Les CGV du fournisseur constituent, en application des dispositions légales, le socle unique de la négociation commerciale.
La CEPC considère que la pratique, d’ores et déjà suivie par un bon nombre d’industriels qui prévoient dans leurs CGV une clause de révision automatique du prix, est une bonne pratique permettant de rédiger les clauses de manière opérationnelle.
Effectivement, bien que la DGCCRF, dans sa FAQ sur le dispositif EGalim 22 ait pu considérer que la clause de révision automatique n’entrait pas dans le champ d’application du dispositif d’interdiction de la discrimination, la CEPC considère ainsi que :
« Le fait pour le fournisseur de proposer une clause de révision automatique dans ses CGV permet d’avoir une base de négociation identique pour l’ensemble des acheteurs, susceptible de refléter au mieux les contraintes d’approvisionnement du fournisseur et de prévoir la prise en compte des indicateurs le plus pertinents au regard de ses conditions et cycles d’approvisionnement. »
La CEPC rappelle que cette approche est susceptible de réduire la probabilité que chaque enseigne négocie une clause de révision automatique de prix différente, engendrant inéluctablement des difficultés quant au suivi de déclenchement des clauses pour le fournisseur.
La CEPC confirme donc le fait que l’industriel est le plus à même d’apprécier les enjeux et la mécanique d’une telle clause (en lien souvent avec les indicateurs pour autant qu’ils existent) qui a bien sa place dans les CGV.
Reprendre dans la convention alimentaire, la clause stipulée dans les CGV du fournisseur, si elle est justifiée, est une bonne pratique.
Ainsi, et sous réserve de l’évolution future des dispositions légales, les industriels n’ayant pas encore intégré de propositions de clauses dans leurs CGV devraient considérer ce point pour 2026.
- Les opérateurs disposent d’une grande liberté contractuelle quant au choix des indicateurs et des produits et/ou matières premières agricoles prises en compte dans le déclenchement de la clause de révision automatique.
L’article L. 443-8 du code de commerce prévoit que les parties déterminent librement les indicateurs utilisés, en application du III de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime (correspondant aux trois catégories suivantes : coûts de production, prix de marché, critères particuliers liés aux quantités/ à la qualité etc.). Cette rédaction a conduit les opérateurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi EGalim 2, à s’interroger sur la liberté dont ils disposaient pour retenir les indicateurs applicables dans le cadre de la révision automatique du prix.
Les dispositions légales imposent aux parties de retenir les indicateurs relatifs aux coûts de production en agriculture uniquement dans le cas où l’acquisition de la matière première agricole par le fournisseur fait l’objet d’un contrat écrit en application des dispositions du code rural et de la pêche maritime.
La CEPC considère ainsi que, dans tous les autres cas, les parties sont libres de choisir la ou les catégories d’indicateurs cités par le code rural et de la pêche maritime, sans obligation d’en retenir un pour chaque catégorie.
En vertu de la liberté contractuelle dont elles disposent, les parties peuvent notamment :
- Déterminer librement la ou les matières premières agricoles concernant lesquelles l’évolution des indicateurs sera prise en compte – la CEPC considère qu’il est loisible aux parties de ne retenir que la ou les principales matières premières agricoles composant le produit ;
- Lorsque la gamme commercialisée par le fournisseur est étendue, avec des produits composés de manière très variable, les parties pourraient convenir de déterminer une clause de révision automatique par catégorie de produits relativement homogène applicable seulement pour la catégorie concernée et non une seule et même clause applicable pour l’ensemble des produits ;
- Déterminer librement le ou les indicateurs relatifs à la matière première agricoles retenus,
- Déterminer librement la pondération à retenir pour tenir compte du fait que la matière première agricole ne représente qu’une partie du prix convenu : l’impact des variations des indicateurs retenus doit en effet être pondéré en fonction de la part représentée par les matières premières agricoles dans le prix.
Cependant, la CEPC fait preuve de réalisme en s’interrogeant ouvertement sur la pertinence de maintenir l’obligation légale générale de faire figurer une clause de révision automatique du prix alors que la construction d’une formule de révision peut s’avérer très complexe du fait d’indicateurs ni disponibles ni pertinents3 (outre l’absence de contrat amont) et de la multiplication d’intermédiaires non soumis au dispositif de transparence.
- Si l’objectif de la clause de révision est bien de faire varier le prix automatiquement en fonction de l’évolution de la matière première agricole, celle-ci doit être efficace sans pour autant induire une fluctuation permanente du prix.
L’état des lieux dressé par la CEPC- relève qu’il est fréquent que les clauses de révision automatique des prix prévoient des modalités neutralisant leur mise en œuvre, notamment via des seuils de déclenchement des indicateurs élevés ou des périodes de variation des indicateurs trop longues.
Bien que les parties disposent d’une grande liberté contractuelle, la CEPC rappelle la nécessité que les seuils de déclenchement soient négociés de manière réaliste et en cohérence avec les cycles de production et de commercialisation des produits afin de ne pas neutraliser les effets de la clause.
Pour autant, la CEPC considère que les clauses de révision automatique des prix ne doivent induire une fluctuation permanente et un ajustement corrélatif du prix. Ainsi, la CEPC précise qu’à son sens, une révision automatique devrait potentiellement intervenir au plus une fois par an lorsque le contrat est annuel, voire deux fois en cas de variation significative de la matière première agricole.
Les précisions apportées par la CEPC pourront utilement être mises en avant par les opérateurs, dans le cadre de leurs négociations, afin de parvenir à la formalisation des accords 2025, tant s’agissant des clauses de révision automatique que des clauses de renégociation.
2. Les clauses de renégociation
Il s’agit du deuxième dispositif obligatoire pour atteindre l’objectif de protection de la valeur de la matière première agricole. En vertu de l’article L. 441-8 du code de commerce4, une clause de renégociation doit obligatoirement être prévue dans les conventions portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires, à l’exception de celles portant sur les produits listés par arrêté5.
La CEPC, tout en identifiant les mêmes difficultés d’application que pour les clauses de révision automatique (absence de corrélation entre les indicateurs disponibles et la réalité des coûts, stipulation de seuils de déclenchement particulièrement élevés), constate que le formalisme requis est un frein important à la mise en œuvre de la renégociation.
Malgré ce formalisme, la CEPC rappelle la liberté contractuelle dont les parties doivent user, notamment en sélectionnant les postes de coûts les plus pertinents parmi ceux mentionnés par le texte et en admettant que les parties puissent se fonder sur d’autres éléments que les indicateurs, tels que des factures d’approvisionnement qui seraient produites par le fournisseur pour prouver l’atteinte des seuils de déclenchement.
La CEPC légitime également la pratique des fournisseurs consistant à indiquer dans leurs CGV les indicateurs publiés pertinents concernant leurs intrants hors MPA et permettant de disposer d’une base de discussion harmonisée.