13 min de temps de lecture 27 févr. 2023
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Appel d’offres public : information et recours des candidats évincés

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Quels sont les droits du candidat évincé ? De quels recours dispose-t-il ? Retrouvez les explications de notre équipe.¹

En résumé :

  • L’acheteur doit respecter le droit d’information du candidat évincé
  • Il doit également veiller au respect du secret des affaires relatif aux informations qui concernent, en particulier, l’adjudicataire
  • Il bénéficie d’un certain nombre de recours pour contester la décision de l’acheteur

A la suite d’un appel d’offres public, un candidat doit être informé du rejet de son offre, et dans certaines circonstances, des motifs du rejet de celle-ci. Il appartient, ainsi, aux acheteurs de respecter les modalités formelles de notification du rejet de leur offre aux candidats, lesquelles diffèrent en fonction de la nature de la procédure suivie (adaptée ou formalisée). L’acheteur doit, en effet, veiller à respecter ce droit à l’information tout en maintenant et préservant le secret des informations transmises par les autres candidats, dont l’attributaire.

En fonction des informations communiquées, ou du refus d’une telle communication, le candidat évincé peut décider de contester la décision de l’acheteur. À cette fin, le candidat évincé dispose de la faculté de saisir le juge des référés précontractuels ou contractuels. Ces procédures ont pour objet d’obtenir, principalement, l’annulation de la procédure de passation.

En outre, le candidat évincé peut aussi contester la validité du contrat signé entre les parties. Ce recours peut aussi être le support d’une demande indemnitaire.

Enfin, il est toujours loisible au candidat évincé de signaler au préfet l’existence des irrégularités qui ont affecté la procédure de passation ou même le contenu du contrat, afin qu’il défère ledit contrat devant le juge administratif.

Le droit à l’information des candidats dont l’offre a été rejetée

Lorsqu’un acheteur rejette l’offre d’un candidat, il doit l’en informer immédiatement. Cette information doit ainsi permettre au candidat de comprendre les motifs du rejet de son offre (i).

En outre, le candidat évincé peut solliciter des informations complémentaires (ii).

(i) Rappel : Les modalités de notification aux candidats évincés du rejet de leur offre

Dans le cas d’une procédure adaptée, les articles R. 2181-1 et R. 2181-2 du Code de la commande publique prévoient deux dispositifs complémentaires l’un de l’autre.

Le premier dispositif porte sur l’information du candidat, celui-ci doit être en effet informé « sans délai »² de la décision de rejet de sa candidature ou de son offre.

Par ailleurs, tout candidat dont l’offre a été rejetée doit obtenir les motifs du rejet de son offre dans un délai de quinze jours à compter de la réception de sa demande formulée auprès de l’acheteur.

Ces candidats peuvent alors obtenir des informations complémentaires au titre des dispositions de l’article R. 2181-2 du Code de la commande publique : la communication des caractéristiques et avantages de l'offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché.

Dans le cadre des procédures formalisées et des contrats de concession, les informations transmises aux candidats évincés, en suite du rejet de leur offre, sont identiques à celles qui doivent être transmises dans le cadre des procédures adaptées.

L’article R. 2181-3 du Code de la commande publique précise que lorsque la notification du rejet de l’offre intervient après l’attribution du marché, l’acheteur doit aussi préciser le nom de l’attributaire ainsi que les motifs de sélection de son offre et la date à partir de laquelle le contrat est susceptible d’être signé.

La signature du contrat ne peut, en effet, intervenir avant la fin du délai de « standstill »³, sauf si :

  • le marché est attribué au seul opérateur ayant participé à la consultation,
  • le marché est un marché subséquent, fondé sur un accord-cadre ou un marché spécifique fondé sur un système d'acquisition dynamique.

S’agissant des contrats de concession, l’article R. 3125-1 du Code de la commande publique précise que l’autorité concédante notifie sans délai à chaque candidat le rejet de sa candidature ou de son offre.

La notification du rejet de sa candidature ou de son offre doit mentionner les motifs du rejet, et pour les soumissionnaires, le nom de l’attributaire ainsi que les raisons qui ont conduit l’autorité concédante à sélectionner son offre.

Enfin, il convient de rappeler que ces dispositions n'interdisent aucunement à l’acheteur, après avoir satisfait à cette exigence, de procéder ultérieurement à une nouvelle communication pour compléter ou préciser ces motifs, voire pour procéder à une substitution de motifs⁴.

(ii) Les demandes d’informations formulées par le candidat évincé et le respect du secret industriel et commercial

Dans le cadre des procédures formalisées de marché public, l’acheteur est tenu de communiquer au candidat évincé qui en fait la demande, un certain nombre d’informations complémentaires dans les quinze jours suivants la réception de la demande d’informations :

  • les informations relatives au déroulement et à l’état d’avancement des négociations lorsque les négociations ou le dialogue ne sont pas été achevés ;
  • les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue.

On notera que rien n’oblige l’acheteur public à communiquer d’emblée le rapport d’analyse des offres, même s’il s’agit d’une pratique répandue. En effet, si le rapport d’analyse est un document qui peut être communiqué⁵, sous réserve de l’occultation des données susceptibles d’altérer le secret industriel et commercial des informations relatives aux autres candidats, il apparaît que sa communication ne constitue nullement une obligation en soi.

Tout document permettant d’apprécier les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue peut donc être communiqué, sous réserve de préserver le secret industriel et commercial.

D’un point de vue pratique, dès réception d’une demande d’informations de la part d’un candidat évincé, nous conseillons aux acheteurs de vérifier si les informations contenues dans le document qu’ils souhaitent communiquer sont de nature à porter atteinte au secret industriel et commercial des autres candidats⁶.

En effet, il convient de rappeler que, désormais, les acheteurs doivent composer avec le référé « secret des affaires⁷» qui a pour objet de protéger les entreprises contre toute atteinte potentielle à leur secret industriel et commercial⁸.

L’information des candidats évincés relève donc désormais d’un difficile jeu d’équilibriste pour les acheteurs publics qui doivent :

  • d’un côté, respecter leurs obligations d’information à destination des candidats sous peine de manquer à leurs obligations de publicité et de mise en concurrence⁹ ;
  • et, de l’autre côté, s’abstenir de divulguer des informations portant atteinte au secret des affaires sous peine d’engager leur responsabilité¹⁰. 

La Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a mis en ligne une fiche¹¹ dédiée aux acheteurs afin de les aider à identifier les documents qui sont susceptibles de porter atteinte au secret industriel et commercial, en classant ces documents en trois catégories :

  • le secret des procédés ;
  • le secret des informations économiques et financières ;
  • le secret des stratégies commerciales.

Une telle liste ne saurait pour autant dispenser les acheteurs de s’interroger, chaque fois que possible, sur la nature des informations qu’ils transmettent et de vérifier que celles-ci ne comportent pas des informations ou des données susceptibles de conférer un avantage concurrentiel futur à un concurrent.

Le droit au recours des candidats dont l’offre a été rejetée

Les contrats de la commande publique constituent une source importante de revenus pour les entreprises puisqu’ils représentaient un volume financier de 87,5 milliards d’euros en 2019¹².

Cela permet d’expliquer la vigueur du contentieux de la passation des contrats publics.  Un candidat évincé dispose de multiples voies pour contester la décision de l’acheteur qui a écarté son offre au profit d’un concurrent.

En premier lieu, le candidat évincé dispose de procédures d’urgence dont l’objectif est d’empêcher la signature du contrat ou, à tout le moins, le début de l’exécution du marché (i).

Les recours dits au fond permettent de tenter de faire annuler le contrat passé ou d’obtenir une indemnisation (ii).

(i) Les procédures dites d’urgence

Lorsqu’un candidat est informé du rejet de son offre, il est loisible à celui-ci d’introduire un référé-précontractuel¹³ s’il considère que le rejet de son offre est lié à une violation des règles de publicité et de mise en concurrence.

Procéduralement, la saisine du juge des référés précontractuels ne peut intervenir que si le contrat n’a pas encore été signé et l’auteur doit d’ailleurs notifier son recours à l’acheteur, en même temps que le dépôt dudit recours¹⁴.

On rappellera que la signature du marché a pour effet de dessaisir le juge de son office et de rendre le référé précontractuel irrecevable¹⁵.

S’agissant des moyens invocables, le requérant doit soulever des moyens relatifs aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles l’acheteur est soumis. Les moyens tenant au fond ne peuvent ainsi être soulevés¹⁶.

Les principaux moyens portent sur :

  • le non-respect du délai de réception des offres par l’acheteur ;
  • le défaut de publicité nationale¹⁷ ou communautaire¹⁸ ;
  • la rupture d’égalité de traitement entre les candidats¹⁹ ;
  • l’erreur quant à la nature de la procédure engagée à laquelle l’acheteur ne pouvait recourir en l’espèce²⁰ ;
  • l’absence de rejet d’une offre manifestement anormalement basse²¹ ;
  • la méconnaissance des dispositions du règlement de consultation²² ;
  • la légalité de la sanction d’exclusion prononcée à l’encontre d’un candidat²³.

Les pouvoirs du juge des référés précontractuels sont étendus²⁴. Il dispose :

  • d’un pouvoir d’injonction afin de contraindre l’acheteur à reprendre la procédure de passation. Ce pouvoir d’injonction comprend aussi le pouvoir d’enjoindre l’acheteur de modifier le contenu du contrat litigieux ;
  • d’un pouvoir de suspension de la procédure de passation du marché et de suspension de la signature du contrat²⁵ ;
  • d’un pouvoir d’annulation des décisions qui se rapportent au contrat, par exemple la décision autorisant le maire à signer le contrat²⁶.

L’articulation du référé précontractuel avec la seconde procédure d’urgence, le référé contractuel, mérite à cet effet quelques précisions.

Les deux procédures sont, sauf exceptions notables²⁷ ²⁸, non cumulables. En effet, l’article L. 551-14 du Code de justice administrative prévoit que le recours contractuel n’est pas ouvert au demandeur qui a ou aurait pu faire usage du référé précontractuel²⁹.

De fait, le référé contractuel³⁰ est ouvert dans les mêmes conditions que le référé précontractuel (personnes lésées par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence) et doit être introduit dans un délai de trente-et-un jours suivant la publication de l’avis d’attribution du contrat.

On notera que ce délai ne peut être opposé que si l’avis d’attribution mentionne le nom de l’attributaire ainsi que les motifs du choix de l’acheteur. Si aucun avis d’attribution n’est publié, le délai pour introduire un recours contractuel est de six mois à compter de la conclusion du contrat.

Les moyens invocables sont énumérés de manière stricte aux articles L. 551-18 à L. 551-20 du Code de justice administrative, tout comme les pouvoirs du juge des référés contractuels.

Il peut, à ce titre, suspendre l’exécution du contrat pendant l’instruction de l’instance et peut prononcer toutes les mesures de nature à sanctionner l’irrégularité commise (annulation, résiliation du contrat, réduction de la durée de celui-ci, ou même prononcé d’une pénalité financière³¹ dont le montant ne peut excéder 20 % du montant hors taxe du contrat³²).

On notera que le juge des référés contractuels ne peut cependant pas être saisi de demandes tendant à l’octroi de dommages et intérêts.

(ii) Les procédures au fond

S’agissant des procédures au fond qui sont susceptibles d’être engagées par un candidat dont l’offre a été rejetée, il lui est loisible d’engager deux types de recours différents.

Le premier recours est celui en contestation de la validité du contrat ouvert aux tiers³³ comme aux candidats évincés.

Le juge saisi est celui du plein contentieux, qui doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de « l’accomplissement des mesures de publicité appropriées »³⁴. Le juge dispose donc de pouvoirs étendus qui l’autorisent à annuler le contrat³⁵, pour des vices d’une particulière gravité ou liés au caractère illicite du contrat³⁶, comme à moduler les effets de sa décision dans le temps afin de préserver l’intérêt général³⁷. 

Il peut, en outre, accorder une indemnisation au concurrent évincé qui en forme la demande en même temps qu’il sollicite une sanction à l’encontre du contrat³⁸

Les candidats évincés peuvent invoquer tout moyen ayant eu pour conséquence de léser leurs intérêts. Peuvent ainsi être invoqués :

  • l’incompétence de l’autorité signataire ;
  • la méconnaissance des règles de procédure des organes délibérants ;
  • la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence ;
  • les vices affectant l’objet ou le contenu du contrat.

Enfin, le second recours mérite d’être mentionné, quand bien même il ne s’agit pas d’un recours direct au bénéficie d’un candidat évincé.

En vertu de la mission de contrôle de légalité des actes administratifs³⁹, le préfet dispose du pouvoir de soulever les irrégularités et manquements qui affectent le contrat ou sa procédure, en saisissant la juridiction compétente d’un déféré préfectoral.  

Il peut s’auto-saisir ou être informé par un candidat évincé de l’existence d’une irrégularité lors de la passation d’un marché, afin que celui-ci exerce son droit à déférer⁴⁰.

Factuellement, le déféré préfectoral est une procédure de plein contentieux⁴¹ qui est traitée sous la forme d’une procédure d’urgence puisque, une fois la juridiction saisie du déféré préfectoral, elle doit se prononcer dans un délai d’un mois.

  • Sources

    1. article constitue un résumé de l’article de Pierre-Alain Mogenier publié dans la revue Contrats publics, Décembre 2022, n°237
    2. CE 31 octobre 2017, Sté MB Terrassements Bâtiments, req. n° 410772.
    3. CCP, art. R. 2182-1.
    4. CE 24 juin 2011, req. n° 347840.
    5. CADA, avis du 21 septembre 2017, n° 20172534. 
    6. CE 30 mars 2016, req. n° 375529.
    7. CJA, art. R. 557-3.
    8. Voir en ce sens P-A Mogenier, « Atteinte au secret des affaires dans le cadre des marchés publics et droit pénal », Contrats publics – Le Moniteur, n° 221, juin 2021.
    9. CE 12 octobre 2009, req. n° 307260.
    10. CE 20 octobre 2006, req. n° 278601.
    11. CADA, « Les documents couverts par le secret en matière commerciale et industrielle ».
    12. « Baromètre de la commande publique : résultats 2019 », Banque des territoires et ADCF, mars 2020.
    13. CJA, art. L. 551-1.
    14. CE 10 novembre 2010, req. n° 341132.
    15. CE 28 décembre 2001, req. n° 223047 ; TA Caen 20 octobre 2022, req. n° 2202266.
    16. CE 21 juin 2000, req. n° 209319.
    17. TA Pau 7 mars 1994, RFDA 1994, p. 754.
    18. CE 10 juin 1994, req. n° 141633.
    19. CE 20 janvier 2016, req. n° 394133.
    20. CE 11 mars 2013, req. n° 364551.
    21. CE 1er mars 2012, req. n° 354159.
    22. CE 10 février 1997, req. n° 169309.
    23. CE 6 octobre 2004, req. n° 263083.
    24. Et même de statuer ultra petita : CE 20 octobre 2006, req. n° 289234.
    25. CE 3 mars 2004, req. n° 258272.
    26. CE 18 mai 2021, req. n° 448618.
    27. CE 30 septembre 2011, req. n° 350148.
    28. CE 15 février 2013, req. n° 363854.
    29. CE 2 août 2011, req. n° 347526.
    30. CJA, art. L. 551-13.
    31. CE 12 janvier 2011, req. n° 343324.
    32. CJA, art. L. 551-22. 
    33. CE 4 avril 2014, req. n° 358994.
    34. Pour un cas d’absence d’accomplissement de mesures de publicité appropriées : CAA Marseille 15 octobre 2009, req. n° 07MA03259.
    35. Pour un exemple de marché annulé pourtant entièrement exécuté : CAA Nancy 8 décembre 2015, req. n° 15NC00425.
    36. CE 4 octobre 2019, req. n° 421022.
    37. CE 4 octobre 2019, req. n° 421022.
    38. CE 11 mai 2011, req. n° 347002.
    39. CGCT, art. L. 2131-2, L. 3131-2 et L. 4141-2.
    40. CAA Paris 10 mars 1998, req. n° 96PA02332.
    41. CAA Nantes, 22 janvier 2021, n°19NT03692.

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