La limitation des promotions pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie est prévue par l’article 125 II de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi « ASAP ».
Cette disposition a été modifiée par l’article 2 de la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite loi dite Egalim 3, qui non seulement prolonge ce dispositif jusqu’au 15 avril 2025 mais l’étend aux produits de grande consommation à compter du 1er mars 2024. En effet, les producteurs de ces produits se sont plaints de certains effets de bord du report des promotions de l’alimentaire sur leurs propres produits par les distributeurs.
1. De quels produits s’agit-il ?
Désormais, les produits de grande consommation sont concernés : il s’agit de produits non durables et à forte récurrence de consommation se trouvant en général dans toute grande surface généraliste ou spécialisée. Nous retrouvons ici les produits d’hygiène et de beauté, les produits lessiviels, les articles pour le nettoyage, et autres produits mais aussi les piles électriques ou les pansements, par exemple.
Ces produits sont listés à l’article D.441-9 du Code de commerce qui fait référence à l'annexe II du règlement (CE) n° 1749/1999 de la Commission du 23 juillet 1999 modifiant le règlement (CE) n° 2214/96 relatif aux sous-indices des indices des prix à la consommation harmonisés.
Toutefois, certains produits peuvent nécessiter des investigations complémentaires : ainsi, à titre d’illustration, si le produit lave-vitre pour la maison est visé, quid du produit lave-vitre pour la voiture ?
Il est prévu deux catégories d’exception :
- Une première qui suppose la publication d’arrêtés du ministre chargé de l'économie pour permettre l’écoulement accéléré de produits saisonniers. Ainsi, par exemple, en matière de produits alimentaires, un arrêté du 29 janvier 2021¹, modifié par arrêté du 5 août 2021, exclut de la limitation les produits suivants : dindes de Noël, oies, chapons, mini chapons, poulardes, chapons de pintade. A la date où nous rédigeons ces lignes, aucun arrêté n’a encore été pris pour les autres produits de grande consommation.
- Une deuxième pour les produits périssables et menacés d'altération rapide (à condition que l'avantage promotionnel ne fasse l'objet d'aucune publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente). Cette notion est également reprise dans le cadre de l’article L.112-1-1 du Code de la consommation relatif aux annonces de réductions de prix². Le Medef, dans une FAQ consacrée à cet article et écrite en concertation avec la DGCCRF à la lumière des orientations de la Commission européenne, a explicité la définition de la manière suivante : « Les produits périssables menacés d'une altération rapide sont ceux qui, plus fréquemment, peuvent devoir faire l’objet de remises afin de les vendre plus rapidement en raison d’une date de péremption courte. Le respect du critère objectif « produits périssables menacés d’une altération rapide » doit être évalué au cas par cas. (…) »³. Un travail d’analyse devra donc être fait par exemple pour des produits ménagers qui pour certains ont une date de péremption.
2. De quels opérateurs s’agit-il ?
Le texte vise d’une part, les consommateurs comme étant ceux à qui les promotions s’adressent et d’autre part, les distributeurs et les acheteurs. Sont donc exclus du texte les grossistes qui ont une activité BtoB.
En revanche, en visant les acheteurs, le texte englobe les produits à marque de distributeur, ce qui est confirmé par l’emploi des termes « contrat portant sur la conception et la production de produits de grande consommation selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l'acheteur » faisant référence à l’article L.441-7 du Code de commerce.
En étendant la limitation aux produits de grande consommation, les opérateurs potentiellement visés par ce texte sont nombreux. En effet, au-delà des « grandes surfaces », les drogueries de centre-ville, les bazars, les enseignes de distribution de produits pour la maison, les chaînes de parfumerie et de cosmétiques ou encore les grandes surfaces de bricolage, voire les parapharmacies sont concernés.
Le texte a donc vocation à s’appliquer à un très grand nombre d’enseignes, et non plus uniquement aux grandes surfaces alimentaires.
3. De quelles opérations promotionnelles s’agit-il ?
Les promotions visées sont des « avantages promotionnels, immédiats ou différés, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur ».
La nature des mécaniques promotionnelles que ce soit, par exemple, le moment de l’octroi de l’avantage (« immédiat ou différé ») ou l’origine de son financement (« financé par le fournisseur ou le distributeur ») importe peu dès lors que l’avantage a pour effet de réduire le prix dont bénéficie le consommateur (réduction de prix et/ou octroi d’une quantité supplémentaire).
La pratique a cependant été confrontée à des questionnements sur des cas particuliers tels que les primes, les cadeaux, les loteries, de même qu’à l’imagination de certains opérateurs créant de toutes pièces des formats spéciaux afin d’échapper à la règle, faute le prix de référence. Les Lignes directrices de la DGCCRF ont levé certaines ambiguïtés mais pas toutes⁴.
Dans ce cas également, une analyse est à mener afin de savoir si la promotion entre dans les prévisions du texte.
4. De quelles limitations s’agit-il ?
Le texte entend limiter à deux niveaux les pratiques promotionnelles :
- L’encadrement en valeur : les avantages promotionnels pour un produit déterminé ne peuvent être supérieurs à 34% du prix de vente : l’appréciation du respect des dispositions applicables se fait en partant du prix de vente aux consommateurs. A partir de celui-ci sont évalués tous les avantages aux consommateurs, qui se cumulent le cas échéant. Le résultat doit être inférieur à 34% du point de départ, le prix de référence du produit.
- L’encadrement en volume : les avantages promotionnels, qu’ils soient accordés par le fournisseur ou le distributeur, portent sur des produits ne représentant pas plus de 25% du chiffre d’affaires prévisionnel fixé par la convention unique de l’article L.411-4 du Code de commerce [ou 25% en volume pour les produits MDD]. La base de détermination de ce chiffre d’affaires prévisionnel est laissée à la liberté des parties et relève de la liberté contractuelle. Les parties sont donc contraintes à faire un bilan régulier en cours d’année sur l’état d’avancement dudit chiffre d’affaires vis-à-vis du plafond de 25%.
5. Comment s’y prendre ?
Il faut se poser plusieurs questions : s’agit-il bien d’un avantage promotionnel ? Fournisseurs et acheteurs sont-ils bien soumis à l’article L.411-4 du Code de commerce (convention unique « PGC ») ? Que faire si l’opération porte sur plusieurs produits hétérogènes ? Puis-je encore proposer du cagnottage ?
S’ajoutent à cela les prescriptions relatives aux règles visant à lutter contre les fausses promotions qui sont entrées en vigueur en droit français depuis le 28 mai 2022. Issues de l’ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 transposant la directive européenne 2019/2161 dite "Omnibus", ces règles définissent les conditions que doivent respecter les professionnels en cas d’annonce de réduction de prix. Par exemple, échappent à cette réglementation sur les annonces de réduction de prix – mais pas à celle issue de la loi Egalim 3 - les offres combinées ou liées, qu’il s’agisse de produits identiques ou distincts.
6. Quelles sanctions ?
Le texte applicable aux produits de grande consommation entre en vigueur le 1er mars 2024 et ses dispositions sont applicables y compris aux contrats en cours d'exécution à la date d'entrée en vigueur de la loi.
Tout manquement est passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 75.000 euros pour les personnes physiques, et 375.000 euros pour les personnes morales, ou égale à la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel pour une personne morale.
Loin d’y voir une contrainte supplémentaire, les opérateurs déjà concernés depuis 2020 ont utilisé ce texte pour remettre à plat leur politique promotionnelle dans un objectif d’efficacité et de valeur partagée.