Cette décision doit être saluée car elle a mis fin à une situation dans laquelle les spécificités du recrutement de praticiens hospitaliers, impliquant notamment de déclarer un poste vacant et aux candidats d’être titulaires du concours de praticien hospitalier, n’étaient pas prises en comptes. En effet, les établissements de santé devaient systématiquement verser la prime de précarité même lorsque le praticien contractuel refusait délibérément de postuler au poste déclaré vacant, alors qu’il remplissait toutes les conditions pour l’obtenir et qu’il y avait été invité par l’établissement.
Une décision récente, fort intéressante pour les établissements publics de santé, a complété cet édifice jurisprudentiel. En effet, en application de la décision précitée Centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande, deux conditions devaient être réunies pour pouvoir refuser de verser l’indemnité de précarité :
- d’une part, un poste devait être déclaré vacant, et,
- d’autre part, l’agent devait être titulaire du concours national de praticien hospitalier.
Dans une décision récente, la Cour administrative d’appel de Nantes semble préciser les contours de cette seconde condition en élargissant les possibilités, pour un établissement public de santé, de refuser le versement d’une prime de précarité⁶.
En effet, selon cet arrêt, même si l’agent n’est pas titulaire du concours national de praticien des établissement publics de santé, il peut se voir refuser le versement de la prime de précarité, dès lors qu’il existe un poste équivalent déclaré vacant au sein de l’établissement, s’il a été invité par l’établissement de santé à se présenter au concours.
Autrement dit, le fait que l’agent ne soit pas encore titulaire du concours national de praticien hospitalier, ne ferait pas obstacle à ce que le versement de la prime de précarité lui soit refusé, dès lors qu’il a été incité à s’y inscrire et qu’il a refusé de le faire. Cette solution est assez logique, car en refusant de passer le concours national de praticien hospitalier, le praticien contractuel pourrait donc, semble-t-il, se placer délibérément dans une situation de précarité⁷.
En conséquence, s’il existe un poste équivalent déclaré vacant au sein de l’établissement, il convient d’inviter (par écrit) le praticien contractuel concerné à se présenter au concours national de praticien des établissement publics de santé.
S’il refuse de conclure un nouveau contrat (soumis aux nouvelles dispositions applicables) à l’issue du contrat en cours, son refus de se présenter au concours pourrait permettre de refuser le versement de la prime de précarité. Si le praticien accepte de conclure un nouveau contrat issu de la réforme de 2022 (sur le fondement de l’un des quatre motifs visés à l’article R. 6152-338 du CSP), il se verra appliquer les nouvelles conditions plus strictes d’obtention de la prime de précarité (cf. point II ci-après).
Une autre décision récente est intéressante puisqu’elle illustre la possibilité, en cas de successions de plusieurs contrats à durée déterminée, d’opposer la prescription quadriennale afin de limiter le nombre de contrats pris en compte dans le cadre du calcul de l’indemnité de précarité, ce qui permettrait d’en limiter le montant⁸.
Ainsi, dans l’hypothèse où un agent sollicite le versement d’une indemnité de précarité conséquente en raison de l’enchainement des contrats à durée déterminée, le versement devra tenir compte de la prescription quadriennale⁹ pour ne pas méconnaître l’interdiction de consentir des libéralités¹⁰.
La page qui s’ouvre : le nouveau régime applicable aux praticiens contractuels recrutés après la réforme
Le décret précité du 5 février 2022 a totalement remodelé les règles applicables aux praticiens contractuels, lesquels peuvent désormais être recrutés pour l’un des quatre motifs suivants,prévus à l’article R. 6152-338 du CSP) :
- Motif 1 : pour assurer le remplacement d’un praticien lors d’une absence ou en cas d’accroissement temporaire d’activité ;
- Motif 2 : en cas de difficultés particulières de recrutement ou d’exercice pour une activité nécessaire à l’offre de soin sur le territoire ;
- Motif 3 : dans l’attente de l’inscription du praticien sur la liste d’aptitude au concours national de praticien hospitalier (PH) des établissements publics de santé ;
- Motif 4 : pour compléter l’offre de soins de l’établissement avec le concours de la médecine de ville et de certains établissements de santé privés.
Il convient cependant de préciser qu’il n’est pas possible d’être recruté au-delà de six années au sein d’un même établissement sur la base des trois premiers motifs ci-dessus et que les services effectués en qualité de praticien contractuel relevant de l’ancien statut sont pris en compte dans ce calcul¹¹.
En ce qui concerne la prime de précarité, elle est désormais régie par l’article R. 6152-375 du CSP.
Cet article reprend la jurisprudence Centre hospitalier de Sainte-Foy-la-Grande précitée et prévoit que cette prime pourra ne pas être versée, si le praticien a refusé de postuler à un emploi relevant de sa spécialité, déclaré vacant au sein de l’établissement, alors qu’il a été déclaré admis au concours national de praticien hospitalier.
Il reste à savoir si la jurisprudence précitée de la Cour administrative d’appel de Nantes qui admet la possibilité de refuser le versement de la prime de précarité, alors que l’agent n’est pas titulaire du concours national de praticien des établissements public de santé, s’il y a été invité par l’établissement¹², sera maintenue dans le cadre du nouveau dispositif prévu par l’article R. 6152-375 du CSP. Cela n’est pas certain, car la rédaction de cet article suggère que seuls les praticiens contractuels titulaires du concours précité pourront se voir refuser l’indemnité de précarité, en présence d’un poste équivalent déclaré vacant au sein de l’établissement. Le juge administratif risque d’être lié par cette rédaction. Si comme sous l’empire de l’ancien régime applicable, la prime de précarité correspond toujours à un montant équivalent à 10 % du total des émoluments bruts, il est précisé, par l’arrêté du 5 février 2022 relatif à l'indemnité de précarité prévue à l'article R.6152-375 du code de la santé publique, que seuls les émoluments au titre du contrat en cours sont pris en compte, ce qui exclurait, en principe la prise en compte de précédents contrats.
L’arrêté précité du 5 février 2022 contient une autre restriction notable. En effet son article 1er précise que cette indemnité n’est pas attribuée, lorsque le praticien bénéficie d’émoluments bruts annuels supérieurs de 30% au montant minimal fixé par arrêté, soit 51 214,8€ brut par an pour un temps plein.
Ainsi, seuls les praticiens bénéficiant des échelons les plus bas pourront continuer à bénéficier de la prime de précarité, s’ils en remplissent les autres conditions.
Ce double verrou mis en place, dans le cadre des nouvelles dispositions du décret du 5 février 2022, est de nature à limiter fortement le risque de versement par les établissements de santé de la prime de précarité.
Rappelons que si un praticien ayant conclu un contrat soumis à l’ancien statut des praticiens contractuels, accepte, à l’échéance de celui-ci, de conclure un nouveau contrat avec l’établissement¹³, il basculera sous le nouveau régime de la prime de précarité et ne bénéficiera ainsi plus des anciennes règles, plus favorables, de l’indemnité de précarité. En conséquence, comme le laisse entendre le décret du 5 février 2022, l’ancien statut des praticiens hospitaliers a vocation à disparaître à moyen terme.