En août 2023, le ministre de l’Économie annonçait de nouvelles mesures afin de renforcer le dispositif de contrôle des IEF. C’est désormais chose faite avec la publication, le 29 décembre 2023, du décret n°2023-1293 du 28 décembre 2023 et de l’arrêté du 28 décembre 2023 relatifs aux investissements étrangers en France, ces textes étant entrés en vigueur dès le 1er janvier 2024.
1. Une liste des opérations d’investissement complétée
Pour mémoire, les opérations d’investissement pouvant être concernées par la réglementation des IEF sont définies à l’article R.151-2 du code monétaire et financier lequel vise (i) l’acquisition du contrôle d’une entité de droit français, (ii) l’acquisition de tout ou partie d’une branche d’activité d’une entité de droit français, (iii) le franchissement de seuil, direct ou indirect, seul ou de concert, de 25% de détention des droits de vote d’une entité de droit français.
Le décret du 28 décembre 2023 complète cette liste à deux niveaux.
- En premier lieu, la prise en compte des investissements étrangers portant sur les succursales en France de sociétés de droit étranger :
Le 1° de l’article R. 151-2 du code monétaire et financier est complété. Est maintenant également considéré comme un investissement, l’acquisition du « contrôle […] d’un établissement immatriculé au registre du commerce et des sociétés en France ». Cette disposition ne vise donc plus uniquement l’acquisition du contrôle des « entités » de droit français.
Si la notion d’« entité de droit français » n’était pas définie et devait s’entendre largement selon les lignes directrices de la direction générale du Trésor¹, la question pouvait toutefois se poser de la prise en compte de succursales en France de sociétés étrangères : lesdites lignes directrices précisaient que les succursales ne devaient pas être considérées comme des entités de droit français. En conséquence, « une opération d’investissement au sens de l’article R.151-2 du code de commerce sur une telle succursale [n’était] pas soumise au contrôle des IEF ».
La modification opérée par le décret du 28 décembre 2023 viserait à remédier à cette situation. Comme le précise le communiqué de presse de la Direction générale du Trésor², il s’agit « de se prémunir d’éventuelles stratégies de contournement de la réglementation IEF. ».
Ainsi, serait soumise au dispositif des IEF la prise de contrôle, par un investisseur étranger, d’une entité de droit étranger ayant une succursale en France dès lors que celle-ci exerce une activité considérée comme sensible. En revanche, il convient de noter que le 2° de l’article R.151-2 n’a pas été modifié alors qu’il concerne l’acquisition d’une branche d’activité : seules les entités de droit français restent, pour l’instant, visées.
- En second lieu, la pérennisation du franchissement de seuil intéressant les sociétés cotées :
Consécutivement à la crise sanitaire, un décret n°2020-892 du 22 juillet 2020³ a introduit un dispositif ad hoc et temporaire afin d’encadrer les investissements étrangers en cas de franchissement du seuil de détention de 10% des droits de vote d’une société cotée de droit français⁴ intervenant dans un secteur sensible. Cette mesure a été prorogée à plusieurs reprises⁵ et devait expirer le 31 décembre 2023.
Le dispositif est pérennisé : l’article R.151-2 est complété par un 4° prévoyant que constitue également un investissement au titre de la réglementation des IEF, le fait pour un investisseur étranger de « franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 10 % de détention des droits de vote d'une société de droit français dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. ».
A l’instar du dispositif ad hoc antérieurement applicable, il s’agit toujours d’une procédure de contrôle allégée. En effet, l’investisseur étranger est dispensé de la demande d’autorisation : le projet d’investissement doit faire l’objet d’une notification préalable au ministre de l’Economie⁶ et sauf opposition de ce dernier, la dispense de demande d’autorisation naît à l’issue d’un délai de 10 jours ouvrés à compter de la notification⁷.
Par ailleurs, ce contrôle n’est requis que si l’investissement est réalisé par un investisseur étranger non européen⁸.