8 min de temps de lecture 5 mai 2023
Plantation d’arbres

Taxe carbone aux frontières : nouvel enjeu de la fiscalité verte

Auteurs
Marguerite Trzaska

Avocat associée, Global Trade and Customs, France

Jean-David Vasseur

Avocat associé, Indirect Tax and Global Trade Leader, France

Jean-David dirige le département TVA, Douanes et taxes indirectes d’EY Société d’Avocats. Avocat depuis 20 ans, il apporte à ses clients des solutions innovantes adaptées à leurs nouveaux besoins.

8 min de temps de lecture 5 mai 2023

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) prévu pour octobre 2023 a pour ambition de lutter contre les fuites de carbone.

Article co-rédigé avec Delphine Poirot, Manager,  EY

En résumé :

  • Le 18 avril 2023, le Parlement européen a voté en faveur de la révision du système européen d’échange de quotas d’émission et de la mise en œuvre du MACF.
  • Le MACF obligera les importateurs de certaines marchandises à fortes émissions de gaz à effet de serre à payer un prix équivalent aux émissions intégrées.
  • L’accord prévoit une obligation de déclaration à partir du 1er octobre 2023 tandis que l’obligation de paiement n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2026.

Le contexte

Avec la signature du pacte vert européen en 2021, l’Union Européenne a l’ambition d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Cette ambition climatique pourrait être compromise par les différences de politiques carbones dans le monde et le risque de fuites de carbone.

A cet effet, dans le cadre du « paquet d‘ajustement à l’objectif 55 », le Conseil et le Parlement européen ont conclu un accord pour la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) à partir du 1ᵉʳ octobre 2023. Le MACF est plus couramment appelé « taxe carbone aux frontières » ou « CBAM », acronyme de son appellation anglaise « Carbon Border Adjustement Mecanism ». En outre, le paquet prévoit la réforme du système communautaire d’échange de quotas d’émission de l’UE (SCEQE).

L'accord provisoire a été approuvé par le Parlement européen le 18 avril 2023 et par le Conseil de l'UE le 25 avril 2023. Les textes seront rapidement publiés au Journal officiel de l'UE et entreront pleinement en vigueur.

L’objectif du MACF

L’objectif principal du MACF est d’éviter les fuites de carbone qui se produiraient si l’accroissement des contraintes pesant sur certaines industries afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre au sein de l’UE entrainait le transfert d'activités vers des pays situés en dehors du champ d'application du SCEQE et/ou par l'augmentation des importations en provenance de ces Etats tiers.

Le mécanisme du MACF repose essentiellement sur le paiement d’une redevance sur les importations de marchandises à forte intensité de carbone, à savoir le fer, l’acier, le ciment, l’aluminium, les engrais, l’hydrogène et l’électricité. Cette redevance correspond à la taxe carbone imposée aux industries qui sont dans le champ d'application du marché carbone (appelé SCEQE), étendant ainsi le prix du carbone payé par les entreprises européennes aux producteurs étrangers des mêmes biens.

Le lien avec la réforme SCEQE

Le paiement des redevances MACF sera facilité par l’achat et la restitution de certificats MACF qui ne pourront pas être échangés sur le marché carbone de l’UE.

Le règlement établit un calendrier de transition prévoyant la suppression progressive des quotas gratuits du SCEQE de 2026 à 2034 et, corrélativement, une introduction progressive des certificats MACF à partir de 2026. Les importateurs devront donc acheter des certificats MACF à partir de 2027 pour la part des émissions ne bénéficiant pas de quotas gratuits dans le cadre du SCEQE.

Les éléments clés du MACF

Le règlement prévoit l’entrée en vigueur du MACF le 1er octobre 2023, avec une première phase transitoire jusqu’au 1er janvier 2026, période pendant laquelle seules les déclarations seront obligatoires. Après la période de transition, le paiement des certificats MACF sera progressivement introduit, tandis que les quotas gratuits du SCEQE dans les secteurs couverts par la MACF seront progressivement supprimés.

L'obligation de payer une redevance pour les importations entrera en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2026, mais elle ne sera pleinement opérationnelle qu'en 2034, année au cours de laquelle tous les quotas gratuits du SCEQE seront supprimés. La mise en œuvre progressive prévoit un rythme plus lent dans un premier temps, ce qui signifie que les montants des redevances MACF augmenteront d'année en année.

Calcul des émissions

Les émissions intégrées des marchandises seront calculées en multipliant les émissions réelles par la quantité de marchandises importées au cours de la période de déclaration. Il conviendra d'utiliser des valeurs par défaut si les données relatives aux émissions réelles ne sont pas disponibles.

Par émissions intégrées, l'accord entend les émissions directes et indirectes. Les émissions directes sont définies comme les émissions résultant des processus de production de biens et les émissions indirectes comme les émissions liées à la production d'électricité consommée dans les processus de production de biens.

Pour les biens importés dans l'UE qui ont été soumis à des régimes de tarification du carbone dans le pays de production, la redevance MACF tiendra compte de ces charges.

Phase transitoire et obligation de déclaration

Les importateurs de marchandises MACF seront tenus de s’enregistrer au préalable auprès des autorités compétentes. Pendant la première phase transitoire du 1ᵉʳ octobre 2023 au 31 décembre 2025, les importateurs devront soumettre trimestriellement une déclaration MACF contenant des informations sur les marchandises entrant dans le champ d'application du mécanisme.

La date limite de déclaration sera fixée à la fin du mois suivant chaque trimestre. La première déclaration devra donc être remise en janvier 2024 pour le 4ème trimestre 2023.

Les déclarations MACF devront inclure :

  • la quantité de chaque type de marchandises (exprimée en mégawattheures ou en tonnes) ;
  • les émissions incorporées totales ;
  • le prix du carbone acquitté dans le pays d'origine.
Phase finale et obligation de paiement

A partir du 1er janvier 2026, les importateurs de marchandises entrant dans le champ d’application du MACF seront tenus de demander le statut de déclarant agréé et d’acheter des certificats MACF. Ces derniers seront également tenus d’ouvrir un compte MACF et déclarer annuellement (avant le 31 mai) les données d’importation correspondantes.

Les déclarations devront inclure :

  • la quantité de chaque type de marchandise (exprimée en mégawattheures ou en tonnes) ;
  • le total des émissions incorporées dans ces marchandises qui ont été calculées et vérifiées conformément au règlement ;
  • le nombre total de certificats MACF à restituer (correspondant à la quantité d'émissions mentionnée ci-dessus moins le prix du carbone payé dans le pays d'origine) ; et
  • une copie du rapport de vérification délivré par un vérificateur accrédité.

Mon entreprise sera-t-elle impactée ?

Le MACF et la réforme du système communautaire d'échange de quotas d'émission auront un impact sur les entreprises de l'UE et du monde entier, d'un point de vue opérationnel mais également en matière de prise de décision stratégique. Les impacts peuvent être directs ou indirects. Il est ainsi recommandé d'adopter une approche globale de la chaîne de valeur et de la chaîne d'approvisionnement.

Afin de déterminer si votre entreprise sera concernée par cette mesure, il sera nécessaire d'évaluer si vous vous trouvez dans l'une des situations suivantes :

  • les marchandises que vous importez dans l'UE entrent dans le champ d'application du MACF ;
  • les produits utilisés par votre entreprise sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application du MACF et proviennent de fournisseurs non européens ;
  • vous vous approvisionnez en marchandises fabriquées dans l'UE comprenant des matières premières qui seront soumises au MACF ;
  • vous produisez des biens en dehors de l’UE et ces biens sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application du MACF, pour des clients situés dans l'UE,
  • vous agissez en tant que représentant en douane (indirect) pour importer des marchandises couvertes par le MACF pour le compte d'une autre partie.

Quelles sont les démarches à entreprendre ?

Les obligations de déclaration MACF devant être effectives à partir du 1ᵉʳ octobre 2023, nous vous invitons à initier la préparation en commençant par :

  1. attribuer en interne la responsabilité de la gestion du régime,
  2. effectuer un examen de l’empreinte des importations en UE et des impacts potentiels (coûts et processus) compte tenu du champ d’application proposé dans l’accord provisoire, et
  3. débuter les préparatifs aux fins de se conformer aux exigences de la période de transition.

Il convient de noter que la Commission européenne a l'intention de réexaminer le champ des produits couverts par le MACF et de décider s'il convient de l'étendre à d'autres catégories de produits.

Ce qu'il faut retenir

Notre équipe peut vous aider à mieux comprendre le régime proposé et les implications potentielles de ce régime sur votre entreprise. En pratique, notre assistance couvrira les missions suivantes :

  • La compréhension du cadre réglementaire mondial sur la tarification carbone et l’identification des marchandises et flux d’approvisionnement concernés ;
  • L’assistance pour le calcul de l’empreinte carbone et la comparaison entre les émissions réelles et les émissions moyennes ;
  • L’estimation de l’impact économique du MACF sur l’entreprise, l’identification, l’évaluation des risques et des lacunes dans les données, preuves et registres internes ;
  • L’identification des prochaines étapes et des actions à entreprendre dans le futur.

A propos de cet article

Auteurs
Marguerite Trzaska

Avocat associée, Global Trade and Customs, France

Jean-David Vasseur

Avocat associé, Indirect Tax and Global Trade Leader, France

Jean-David dirige le département TVA, Douanes et taxes indirectes d’EY Société d’Avocats. Avocat depuis 20 ans, il apporte à ses clients des solutions innovantes adaptées à leurs nouveaux besoins.