5 min de temps de lecture 17 nov. 2023
Collègues discutant autour d’une table

PLFSS 2024 : la (re)naissance du groupe TVA français ?

Auteurs
Gwenaëlle Bernier

Avocat Associée, Tax Technology & Transformation Leader, Western Europe Maghreb

Tax Technology & Transformation leader. Accompagne ses clients sur des missions mêlant fiscalité internationale et nouvelles technologies. En charge de la transformation digitale.

Jean-David Vasseur

Avocat associé, Indirect Tax and Global Trade Leader, France

Jean-David dirige le département TVA, Douanes et taxes indirectes d’EY Société d’Avocats. Avocat depuis 20 ans, il apporte à ses clients des solutions innovantes adaptées à leurs nouveaux besoins.

Olivier Galerneau

Avocat Associé, Fiscalité indirecte

Olivier est associé membre de l'équipe Fiscalité indirecte d'EY Société d'Avocats

Cédric Bernard

Avocat Associé, Tax Technology & Transformation, France

15 ans d’expérience en matière d’accompagnement des entreprises dans le cadre de leur digitalisation fiscale.

Eric Cayrel

Avocat Associé, Fiscalité indirecte

Eric est actuellement avocat associé au sein d’EY Société d’Avocats, membre de l’équipe « Fiscalité Indirecte » et participant aux activités du groupe « Tax Technology & Transformation ».

5 min de temps de lecture 17 nov. 2023

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale et transmise au Sénat, permettrait de constituer un groupe TVA et de profiter de ses avantages tout en évitant l’impact négatif en matière de taxe sur les salaires.

Contexte

La création d’un groupe TVA est rendue possible, au sein de l’Union européenne, par l’article 11 de la directive européenne 2006/112/CE du 28 novembre 2006. Il s’agit de permettre à plusieurs assujettis différents de constituer, ensemble, un seul et même « super-assujetti », encore appelé « assujetti unique ». Lorsqu’un tel groupe est constitué, il est seul reconnu pour les besoins de la TVA de sorte que, notamment, les transactions réalisées entre ses membres constituent des « transactions internes » se situant en dehors du champ d’application de la TVA.

La possibilité de constituer de tels groupes étant laissée au choix de chacun des Etats membres, la France ne l’a transposé que récemment et ce n’est que depuis 2023 que les entreprises peuvent constituer un groupe TVA.

Toutefois, l’option pour ce régime n’est pas forcément favorable pour les entreprises car elle accroit inévitablement l’assujettissement des membres du groupe à la taxe sur les salaires.

La modification prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

Afin de lever cet obstacle et permettre une plus grande utilisation du régime de groupe TVA, le nouvel article 8 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit, à compter de l’année 2024, qu’un membre de groupe TVA est exonéré de taxe sur les salaires, malgré sa participation au groupe, si les deux conditions suivantes sont remplies :

  • ce membre ne serait pas assujetti à la taxe sur les salaires s’il n’était pas membre du groupe ;
  • le chiffre d’affaires des opérations réalisées l’année civile précédente par le groupe, soumis à TVA ou réputé tel, est au moins égal à 90 % du montant total du chiffre d’affaires imposable à la TVA du groupe.

Ces deux conditions devraient être aisément remplies pour la plupart des secteurs économiques soumis à TVA : la possibilité de constituer un groupe TVA économiquement pertinent, et de profiter des avantages du régime, leur serait donc enfin ouverte.

Quels sont les avantages du régime de groupe TVA ?

Les avantages d’un groupe TVA sont multiples, comme constatés dans d’autres pays de l’Union européenne :

  1. Réduction du coût de trésorerie associé à l’application de la TVA sur les opérations intragroupe : ces opérations devenant « hors champ » de la TVA, elles ne génèrent plus ni TVA à payer ni TVA à déduire ;
  2. Possible amélioration des montants de TVA non-déductible : si le groupe est constitué entre membres ne bénéficiant pas tous d’un entier droit à déduction TVA, l’existence du groupe peut contribuer à réduire le montant net total de la TVA non déductible de ses membres ;
  3. Sécurisation du traitement TVA des opérations intragroupe : ces opérations devenant « hors champ » de la TVA, leur traitement TVA ne peut plus présenter de risque d’erreur ;
  4. Grande souplesse d’utilisation : il n’est pas exigé que les membres soient rattachés à la Direction des Grandes Entreprises (DGE), contrairement au « groupe consolidé de paiement de la TVA » et les « entrées » et « sorties » immédiates en cas de réorganisations sont permises.

    Enfin, la réforme française de la facturation électronique induirait un cinquième avantage pour les groupes TVA français :
  5. Les flux réalisés au sein d’un groupe TVA français ne sont pas concernés par la réforme de la facturation électronique, de sorte que constituer un tel groupe permettrait de maintenir en l’état les processus de facturation intragroupe (du moins, pour les flux réalisés entre membres d’un même groupe TVA).

Le groupe TVA présente donc plus d’avantage que le « groupe consolidé de paiement de la TVA » qui existe depuis de nombreuses années en France. En effet :

  • Le groupe TVA n’est pas réservé aux seules entités rattachées à la Direction des Grandes Entreprises : tous les assujettis peuvent y recourir ;
  • Le groupe TVA élimine de façon plus efficace les crédits de TVA liés aux opérations intragroupe : alors que le groupe consolidé de paiement de la TVA ne fonctionne de façon optimale qu’en cas d’équilibre global et répété, entre ses membres, des montants de TVA à payer et à déduire, le groupe TVA les élimine en toute hypothèse ;
  • En plaçant hors du champ de la TVA les opérations intragroupe, le groupe TVA peut permettre un gain en matière de TVA non-déductible et sécurise en toute hypothèse le traitement TVA des opérations intragroupe ; aucun de ces deux avantages n’est accessible aux groupes consolidés de paiement de la TVA ;
  • Enfin, l’avantage lié à la réforme de la facturation électronique est réservé aux groupes TVA.

Cependant, la constitution d’un groupe TVA induit la modification des processus de facturation, la revue des règles de calcul de la TVA collectée et de la TVA déductible, et vraisemblablement la modification du paramétrage comptable et TVA des ERP de ses membres. Par ailleurs, il faut tenir compte des conséquences de la constitution d’un groupe TVA sur les relations avec des sièges ou succursales étrangères.

Une étude préalable doit donc être menée pour vérifier la possibilité et la pertinence de constituer un groupe TVA, ainsi que pour déterminer son périmètre, qui est indépendant de celui du groupe fiscal intégré éventuellement existant. La flexibilité du système français du groupe TVA permet une analyse fine des opportunités pour chaque membre.

Ce qu'il faut retenir

A compter de 2024, l’impact négatif en matière de taxe sur les salaires de la constitution d’un groupe TVA devrait être supprimé dans la plupart des cas.

La constitution d’un tel groupe offre des avantages uniques en matière de TVA, ainsi qu’au regard de la réforme française de la facturation électronique.

Cependant, il convient de mener une analyse préalable pour évaluer la possibilité et l’opportunité de constituer un tel groupe, et pour définir un périmètre pertinent.

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Gwenaëlle Bernier

Avocat Associée, Tax Technology & Transformation Leader, Western Europe Maghreb

Tax Technology & Transformation leader. Accompagne ses clients sur des missions mêlant fiscalité internationale et nouvelles technologies. En charge de la transformation digitale.

Jean-David Vasseur

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Jean-David dirige le département TVA, Douanes et taxes indirectes d’EY Société d’Avocats. Avocat depuis 20 ans, il apporte à ses clients des solutions innovantes adaptées à leurs nouveaux besoins.

Olivier Galerneau

Avocat Associé, Fiscalité indirecte

Olivier est associé membre de l'équipe Fiscalité indirecte d'EY Société d'Avocats

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Eric Cayrel

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