Contribution exceptionnelle sur les profits des armateurs
Le projet prévoit de créer, à la charge des entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur ou égal à un milliard d’euros et qui bénéficient du régime de taxation au tonnage prévu à l’article 209-0 B du CGI, une contribution exceptionnelle assise sur la fraction du résultat d’exploitation qui correspond aux opérations pour lesquelles l’option pour la taxation au tonnage a été exercée.
Le taux de cette contribution, qui s’appliquerait aux deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024, serait de 9 % pour le premier exercice et de 5,5 % pour le second exercice.
Cette contribution, non déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, devrait être payée spontanément par le contribuable à la date prévue pour le paiement du solde de l’impôt sur les sociétés¹².
Création d’une taxe sur les opérations de rachat-annulation d’actions
Le projet prévoit d’instaurer une nouvelle taxe sur les réductions de capital consécutives à un rachat d’actions.
Seraient assujetties à cette taxe, les sociétés qui ont leur siège en France et qui ont réalisé au cours du dernier exercice clos un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à un milliard d’euros, le chiffre d’affaires à retenir étant celui figurant dans les états consolidés ou combinés lorsque la société fait partie d’un groupe qui établit de tels comptes¹³.
Par exception, la taxe ne s’appliquerait pas à certaines réductions de capital réalisées afin de compenser une augmentation de capital en lien avec certains mécanismes d’intéressement des salariés¹⁴ et à celles visant à faciliter la réalisation d’une fusion ou d’une scission sous réserve, dans ce cas, que le rachat-annulation ne porte pas sur plus de 0,25 % du montant du capital social.
La taxe serait calculée au taux de 8 % sur une assiette correspondant au montant de la réduction de capital augmenté d’une fraction égale au montant des primes liées au capital multiplié par le rapport entre le montant de la réduction de capital et le montant du capital avant l’opération¹⁵.
Elle serait déclarée et payée lors du dépôt de l’annexe à la déclaration TVA au titre de la période au cours de laquelle est intervenue la demande de modification du registre du commerce et des sociétés (RCS) consécutive à la réduction de capital¹⁶.
Cette taxe, non déductible pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, s’appliquerait aux opérations de réductions de capital réalisées à compter du 10 octobre 2024.
Aménagement du régime fiscal de certaines opérations de restructuration
En mai 2023, le régime juridique des opérations de restructuration a été modernisé par ordonnance avec notamment l’introduction de la scission partielle et d’un nouveau cas de fusion simplifiée sans échange de titres¹⁷. Les conséquences comptables de ces opérations avaient ensuite été précisées par l’Autorité des normes comptables¹⁸.
Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit d’adapter a minima les règles fiscales pour tenir compte de certaines évolutions de ce cadre juridique. Ces aménagements s’appliqueraient aux opérations régies par les nouvelles dispositions du code de commerce, soit celles dont le projet est déposé au greffe du tribunal de commerce à compter du 1er juillet 2023.
- Scission partielle
L’ordonnance a modifié les règles des apports partiels d’actifs afin de permettre que les titres émis en contrepartie de l’apport soient remis directement aux associés de la société apporteuse¹⁹.
Le projet prévoit en conséquence :
- d’élargir la définition de l’opération d’apport partiel d’actif au sens du régime spécial des fusions²⁰ afin d’inclure expressément de telles opérations, communément appelées « scissions partielles », et de prendre acte du fait qu’une société apporteuse peut, dans le cadre d’une même opération d’apport partiel d’actif, apporter des branches à plusieurs sociétés bénéficiaires²¹ ;
- d’aménager la disposition assurant la neutralité fiscale de l’attribution des titres aux associés²² pour qu’elle s’applique aussi bien dans le cas où les titres transitent par la société apporteuse (opération dite d’apport-attribution) que dans celui où ils leur sont directement remis (opération de scission partielle).
Une exception serait aussi instaurée à la condition selon laquelle l’attribution des titres de la société bénéficiaire doit se faire proportionnellement aux droits des associés dans la société apporteuse afin de faire abstraction des droits des associés dont les titres sont rachetés en raison de leur opposition à une opération de restructuration transfrontalière, comme le prévoit le code de commerce²³.
- Nouveau cas de fusion sans échange de titres
A la suite de la loi Soilihi²⁴ qui a prévu qu’une fusion (ou une scission) intervenant entre sociétés sœurs directement détenues à 100 % par une même société mère n’emporte pas échange des titres de la société absorbée (ou scindée) contre des titres de la société absorbante (ou des sociétés bénéficiaires des apports), les règles fiscales ont été adaptées par la loi de finances pour 2020 pour permettre à ces opérations de bénéficier du régime spécial des fusions²⁵, assurer leur neutralité sur le résultat fiscal de l’absorbante (ou des bénéficiaire des apports)²⁶, et, s’agissant de la société mère, pour préciser l’application du régime mère-fille²⁷, des règles relatives aux plus-values²⁸ et de celles concernant les remboursements d’apport²⁹.
L’ordonnance de mai 2023 ayant créé un nouveau cas de fusion ou de scission sans échange de titres lorsque les sociétés participantes sont détenues dans les mêmes proportions par les mêmes associés et que ces proportions sont conservées à l’issue de l’opération³⁰, le projet prévoit d’étendre les aménagements issus de la loi de finances pour 2020 à ce nouveau cas³¹.
Imposition minimale des grands groupes (Pilier 2)
La loi de finances pour 2024³² a transposé la directive visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises³³, plus couramment appelée directive « Pilier 2 ».
Ces règles, codifiées aux articles 223 VJ et suivants du code général des impôts, sont aménagées par le projet de loi de finances pour 2025 afin de corriger des erreurs formelles, d’apporter certaines précisions et, surtout, de tenir compte des apports des instructions administratives publiées par l’OCDE en 2023 qui concernent, notamment, les modalités de détermination de la déduction fondée sur la substance, les règles d’application de l’impôt national complémentaire, la mise en place d’un régime de protection en cas d’application d’un impôt national complémentaire qualifié et les modalités d’application du régime de protection transitoire codifié aux articles 223 VZ et suivants³⁴.
Le projet prévoit aussi notamment de :
- modifier les règles de répartition de l’impôt national complémentaire dû au titre des entités constitutives situées en France appartenant à un même groupe ;
- préciser le traitement, pour le calcul du taux effectif d’imposition, des crédits d’impôt transférables négociables et des crédits d’impôt transférables non négociables ;
- créer une solidarité au paiement de l’impôt national complémentaire dû en France, pour les entités constitutives françaises, lorsque le groupe a opté pour désigner une entité comme unique redevable³⁵.
Ces aménagements s’appliqueraient aux exercices clos à compter du 31 décembre 2024.
Autres mesures
Transposition de la directive DAC 8
Le projet transpose la directive « DAC 8 » sur l’échange automatique et obligatoire d’informations concernant les actifs numériques (ou « crypto-actifs »)³⁶.
A cette fin, il instaure une nouvelle obligation déclarative à la charge des prestataires de services fournissant un service sur crypto-actifs³⁷ pour les transactions réalisées à compter du 1er janvier 2026, qui devraient ainsi être déclarées en 2027.
La méconnaissance de cette obligation déclarative serait passible d’une amende fiscale de 15 euros par inexactitude ou par transaction non déclarée ou déclarée tardivement, dans la limite de deux millions d’euros par prestataire et par année.
Aménagement des obligations déclaratives au titre des dispositifs transfrontières
Prenant acte de l’interprétation retenue par la Cour de justice de l’Union européenne³⁸, le projet prévoit, notamment, de réduire le champ d’application de l’exception permettant à un intermédiaire tenu au secret professionnel d’être dispensé de l’obligation de déclarer un dispositif transfrontière³⁹.
Alors que la dispense concerne actuellement tous les intermédiaires « soumis à une obligation de secret professionnel dont la violation est prévue et réprimée par l’article 226-13 du code pénal », elle pourrait être limitée aux avocats, dont les obligations seraient par ailleurs précisées.
Fiscalité des particuliers
Contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR)
En parallèle de la mesure visant les grandes entreprises, le projet contient, conformément aux annonces du Gouvernement, une mesure ciblant les personnes physiques percevant des revenus élevés.
Selon le dispositif prévu, les contribuables fiscalement domiciliés en France dont le revenu fiscal de référence, retraité de certains éléments⁴⁰, excèderait 250 000 euros pour une personne célibataire ou 500 000 euros pour un couple⁴¹ seraient soumis à une contribution additionnelle afin de garantir un niveau minimal d’imposition correspondant à 20 % de ce revenu fiscal de référence retraité.
Cette contribution additionnelle serait égale à la différence positive entre :
- d’une part, 20 % du revenu fiscal de référence retraité et,
- d’autre part, le montant cumulé de l’impôt sur le revenu⁴², de certains prélèvements libératoires de cet impôt et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR)⁴³, majoré d’un montant de 1 500 euros par personne à charge et d’un montant de 12 500 euros pour les couples⁴⁴.
Un mécanisme de lissage est prévu pour les contribuables célibataires et les couples dont le revenu fiscal de référence retraité n’excède pas, respectivement, 330 000 euros ou 660 000 euros⁴⁵.
Cette contribution s’appliquerait pour l’imposition des revenus des années 2024, 2025 et 2026.
Le Gouvernement a, en revanche, renoncé à l’idée de ne pas indexer sur l’inflation les tranches les plus élevées du barème de l’impôt sur le revenu puisque le projet prévoit la revalorisation de 2 % de l’ensemble des tranches du barème de l’impôt sur le revenu et des différents seuils et limites liés.
Sécurisation des modalités d’imposition des rémunérations versées à des non-résidents
Dans une décision Axa Group Operations⁴⁶, le Conseil d’Etat a considéré que la retenue à la source sur les salaires prévue à l’article 182 A du CGI ne pouvait pas s’appliquer aux sommes versées à une personne physique fiscalement domiciliée en France au vu des règles du droit interne même si sa résidence était fixée à l’étranger en application des stipulations de la convention fiscale applicable.
Afin de contrer cette jurisprudence et de légaliser la doctrine administrative selon laquelle la résidence fiscale conventionnelle doit primer sur le domicile fiscal au sens du droit interne pour l’application des dispositions du CGI⁴⁷, le projet modifie l’article 4 B du CGI pour préciser qu’une personne ne peut pas être considérée comme ayant son domicile fiscal en France lorsque, en vertu des stipulations d’une convention fiscale, elle n’est pas regardée comme résidente de France.
Cette modification, qui sécuriserait le champ d’application des dispositions se référant au domicile fiscal du contribuable, serait a priori applicable, à défaut de précision dans le texte, à compter de l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus 2024 et à compter du 1er janvier 2025 pour les retenues et prélèvements à la source.
Aménagement du régime d’imposition des BSPCE
En réaction à deux décisions récentes du Conseil d’Etat, le projet prévoit d’aménager le régime d’imposition des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).
- Nature et régime de l’avantage salarial
Actuellement le gain de cession de titres souscrits en exercice de BSPCE, déterminé à partir du prix d’acquisition des titres, est imposé selon le régime des plus-values mobilières⁴⁸, sauf dans le cas où le contribuable exerce son activité au sein de la société émettrice, de ses filiales ou de sa société mère, depuis moins de trois ans à la date de la cession, le gain de cession étant alors imposé à l’impôt sur le revenu au taux de 30 %.
Dans un rescrit publié au BOFIP, l’administration avait estimé que ce gain net conservait une nature salariale et ne pouvait pas bénéficier du mécanisme de sursis d’imposition prévu en cas d’apport de titres à une société⁴⁹. Infirmant cette position, le Conseil d’Etat a considéré que le renvoi aux règles des plus-values mobilières permettait au contribuable de bénéficier du mécanisme de sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI en cas d’apport à une société des titres souscrits en vertu d’un BSPCE⁵⁰.
En réaction, le projet prévoit, sur le modèle du régime des options de souscription d’actions⁵¹ ou des attributions gratuites d’actions⁵², de distinguer entre l’avantage salarial constaté lors de l’exercice du bon et l’éventuelle plus-value ultérieurement dégagée lors de la cession des titres :
- le gain salarial, égal à la différence entre la valeur réelle des titres souscrits au jour de l’exercice des bons et le prix d’acquisition des titres fixé au jour de l’attribution de ces bons, serait imposable soit, si le contribuable a exercé son activité chez la société émettrice depuis au moins trois ans à la date de la cession, au taux de 12,8 % ou, sur option, selon les règles des traitements et salaires, soit au taux de 30 % dans le cas contraire ;
- la plus-value, égale à la différence entre le prix de cession des titres souscrits en exercice des bons et leur valeur au jour de l’exercice de ces bons, serait imposée selon le régime de droit commun des plus-values mobilières⁵³.
Le gain salarial serait imposé au titre de l’année au cours de laquelle les titres souscrits sont cédés, convertis ou mis en location. Un mécanisme de report de l’imposition serait prévu « en cas d’échange sans soulte des titres résultant d’une opération d’offre publique, de fusion, de scission, de division ou de regroupement réalisée conformément à la réglementation en vigueur », la durée d’activité déterminant le taux d’imposition étant alors appréciée à la date de cession des titres reçus en échange. Faute de règle particulière, le gain salarial serait en revanche immédiatement imposé en cas d’apport en société des titres souscrits en exercice de BSPCE.
Les règles concernant la retenue à la source sur certains avantages salariaux octroyés à des non-résidents⁵⁴ et celles relatives aux prélèvements sociaux⁵⁵ seraient aménagées en conséquence.
Ces modifications s’appliqueraient aux cessions de titres souscrits en exercice de BSPCE réalisées à compter du 10 octobre 2024.
- Exclusion du PEA et du PEE des titres souscrits en vertu de BSPCE
Le Conseil d’Etat avait également censuré la position de l’administration selon laquelle les titres souscrits en exercice d’un BSPCE ne pouvaient pas être inscrits sur un plan d’épargne en actions (PEA)⁵⁶.
En réaction, le projet modifie les dispositions applicables afin d’interdire :
- l’inscription sur un PEA ou un PEA-PME, de droits ou bons de souscription ou d’attribution et de titres souscrits en exercice de ceux-ci⁵⁷, à l’exception des droits préférentiels de souscription⁵⁸ attribués en raison de titres cotés inscrits sur le plan⁵⁹ ;
- l’inscription sur un plan d’épargne d’entreprise (PEE), un plan d‘épargne interentreprise (PEI) ou un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO), de BSPCE ou de de titres souscrits en exercice de ces bons.
Ces modifications s’appliqueraient aux droits ou bons de souscription ou d’attribution attribués ou exercés à compter du 10 octobre 2024.
Les titulaires de PEA ou de PEA-PME sur lesquels figurent des bons au 10 octobre 2024 seraient autorisés à les retirer en effectuant un versement compensatoire en numéraire. Un dispositif similaire s’appliquerait pour retirer des PEE, PEI ou PERCO les titres souscrits en vertu de BSPCE.
Aménagement du régime des loueurs en meublé non professionnels (LMNP)
Les revenus des loueurs en meublé non professionnels (LMNP) tirés de la location du bien relèvent du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) non professionnels, les loyers étant minorés des dotations à l’amortissement du bien loué lorsque le contribuable relève de plein droit ou sur option d’un régime réel. Lors de la cession du bien, la plus-value, qui relève du régime des plus-values immobilières des particuliers, est calculée à partir du prix d’acquisition du bien sans que celui-ci ne soit minoré des amortissements précédemment déduits. Il s’agit d’un avantage tant par rapport au régime des loueurs de biens nus qui sont imposés selon les règles des revenus fonciers et ne peuvent déduire de tels amortissements, que par rapport au régime des plus-values professionnelles applicable aux loueurs en meublé professionnels (LMP), dans le cadre duquel les amortissements déduits sont repris lors de la cession du bien⁶⁰.
Afin de supprimer cet avantage, le projet prévoit que, lors de la cession du bien, les loueurs en meublé non professionnels devraient calculer la plus-value de cession en diminuant le prix d’acquisition du montant des amortissements préalablement déduits, sauf pour la fraction de ces amortissements correspondant à certaines dépenses prises en compte pour la détermination de l’impôt sur le revenu au sens de la première phrase du 4° du II de l’article 150 VB du CGI⁶¹. Les éventuels abattements pour durée de détention s’appliqueront ensuite à la plus-value ainsi calculée.
Selon l’exposé des motifs, cette règle s’appliquerait aux cessions intervenant à compter du 1er janvier 2025, quelles que soient les dates d’acquisition du bien ou de déduction des amortissements.