Réforme des retraites – Principales mesures

Quelle stratégie adopter en cas d’abandon de poste du salarié ?


Les modalités d’application de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié sont partiellement précisées.


En résumé:

  • Le salarié qui abandonne son poste sans justificatif est présumé démissionnaire depuis la loi Marché du travail du 21 décembre 2022.
  • En cas d’abandon de poste, l’employeur doit analyser le contexte avant de choisir la stratégie à adopter.

Quelle stratégie adopter en cas d’abandon de poste du salarié ?

La loi Marché du travail du 21 décembre 2022 (cf Alerte ETLS du 04.01.23) a assimilé l’abandon de poste à une présomption de démission (article L.1237-1-1 du Code du travail). Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail, après avoir été mis en demeure par l’employeur de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai fixé par l'employeur, est présumé avoir démissionné. La loi écarte ainsi le bénéfice de l’assurance chômage en cas d’abandon de poste sans motif légitime.

Cette disposition avait été contestée, mais le Conseil Constitutionnel l’a validée en avançant plusieurs arguments :

  • Il souligne que la disposition ne s’applique qu’aux abandons de poste volontaires et rappelle à cet égard la jurisprudence de la Cour de cassation sur le caractère volontaire ou non d’un abandon de poste : Il est involontaire si des circonstances telles qu’une maladie, l’exercice du droit de grève ou du droit de retrait par exemple, permettent de le justifier. Ainsi il a été jugé que « l'absence injustifiée du salarié, qui rencontrait de nombreuses difficultés personnelles et de santé, et avait plus de vingt ans d'ancienneté, n'avait pas perturbé le service, la cour d'appel a pu décider qu'elle ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse » (Cass. Soc. 26 septembre 2018 17-17.563)
  • Il rappelle la procédure de mise en demeure laissant un délai au salarié pour justifier son absence.
  • Et il précise enfin qu’il s’agit d’une présomption simple dont la contestation bénéfice d’une procédure rapide : « Le conseil de prud'hommes saisi d'une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d'un mois à compter de sa saisine ».

Un décret du 17 avril 2023, applicable à compter du 19 avril 2023, précise les modalités pratiques, inscrites dans un nouvel article R.1237-13 du Code du travail. L'employeur qui constate que le salarié a abandonné son poste et « entend faire valoir la présomption de démission », le met en demeure, par lettre recommandée « ou par lettre remise en main-propre contre décharge » (ce qui peut s’avérer difficile en cas d’abandon de poste !), de justifier son absence et de reprendre son poste.

Le salarié dispose d’un délai fixé par l’employeur, de 15 jours minimum, à compter de la présentation de cette mise en demeure, s’il souhaite justifier son absence et se prévaloir d’un motif légitime (Le décret cite « notamment » : Raisons médicales, exercice du droit de retrait, exercice du droit de grève, refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation, modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur).

La suite de la procédure était déjà prévue par la loi : Le salarié qui ne reprend pas son travail à l'issue de ce délai est présumé avoir démissionné et est privé du droit à l'indemnisation chômage.

Cette présomption de démission étant donc une présomption simple, le salarié peut la contester devant le CPH qui se prononcera sur la nature de la rupture et les conséquences associées et qui devra statuer au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

Le Ministère du Travail a aussitôt publié un questions/réponses sur cette nouvelle disposition et apporte des « précisions ». Il indique notamment qu’en cas de mise en œuvre de la procédure de présomption de démission, si l’employeur souhaite mettre fin à la relation de travail « Il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».

Cette interprétation fait l’objet de nombreux commentaires : que risque l’employeur qui utiliserait toujours le licenciement pour faute grave dans un contexte d’abandon de poste ?

Le site « service-public » évoque toujours la possibilité d’un licenciement pour faute grave en cas d’« absence désorganisant l'entreprise ou abandon délibéré du poste alors que l'employeur a mis en garde contre un départ prématuré », parmi les procédures disciplinaires ouvertes à l’employeur en l’absence de retour du salarié ou de justification de son absence.

Mais le Ministère du Travail semble à nouveau exclure le recours au licenciement disciplinaire en cas d’abandon de poste, dans un interview donné à des journalistes spécialisés en droit social.

Il apparait donc aujourd’hui très risqué de choisir le licenciement disciplinaire dans ces circonstances. Les employeurs devront attendre malheureusement encore les positions des juridictions pour être totalement sécurisés et éclairés dans leur choix… sauf à ce que la FAQ du ministère fasse l’objet d’un recours en annulation (Comme le Conseil d’Etat en a confirmé la possibilité dans une décision récente du 3 février 2022, n° 451052).

En attendant et en tout état de cause, une analyse du contexte et la plus grande attention dans la stratégie à adopter est de mise.


Ce qu'il faut retenir

Si une mise en demeure est effectuée à la suite d’un constat d’un abandon de poste et qu’aucun motif légitime n’est apporté par le salarié concerné, l’employeur qui souhaite se séparer de son salarié, n’a, semble-t-il, désormais pas d’autre choix que de le déclarer comme démissionnaire et ne peut utiliser l’abandon de poste comme un fait motivant un licenciement pour faute.

Les situations d’abandon de poste doivent donc faire l’objet d’une analyse préalable du contexte avant de choisir la stratégie à appliquer.


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