L’accord national interprofessionnel « ANI », conclu le 10 février est en cours de signature par les organisations patronales et syndicales. A ce jour, l’ANI a été signé par le Medef, la CPME et l’U2P et par la CFDT, FO et la CFTC du côté des syndicats, la CFE-CGC devrait également signer, mais c’est moins probable pour la CGT.
Cet ANI a été qualifié d’historique à plusieurs reprises dans la mesure où il prévoit notamment la mise en œuvre d’un dispositif de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 49 salariés qui ont un résultat bénéficiaire, avant le 1er janvier 2025, l’obligation faite aux branches de prévoir avant le 30 juin 2024 un dispositif de participation facultatif pour les entreprises de moins de 50 salariés, la prise en compte des « résultats exceptionnels » dans les entreprises de 50 salariés et plus, la pérennisation de la prime de partage de la valeur « PPV » et la facilitation des opérations d’actionnariat salarié.
Il couvre ainsi effectivement de nombreux aspects de rémunération collective et un large panel d’entreprises.
L’entrée en vigueur des mesures envisagées est conditionnée d’une part à son extension mais surtout à sa transposition législative et réglementaire de manière fidèle et dans les meilleurs délais selon Madame Elisabeth Borne, PM.
Rappel des grands principes applicable aux systèmes de rémunération
Le préambule de l’ANI prend soin dans un premier temps, de rappeler la définition du partage de la valeur en se référant à un document sur le sujet corédigé paritairement¹, publié en 2019 : «la répartition juste et optimale des richesses créées entre les différentes parties prenantes pour à la fois davantage d’efficacité économique – renforcer la compétitivité coût et hors coût des entreprises et dynamiser une croissance durable et davantage de progrès social – créer des emplois de qualité et augmenter le pouvoir d’achat » et l’objectif de la réflexion « dynamiser le partage de la valeur ».
Les partenaires sociaux réaffirment ensuite la place primordiale du salaire comme forme de reconnaissance du travail fourni et, son corollaire, l’importance du principe de non-substitution entre salaires et dispositifs de partage de la valeur existants (les dispositifs en place de long date, tel l’intéressement et la participation ou les plus récents telle la prime de partage de la valeur - PPV)
L’ANI rappelle également l’importance du principe législatif de non-substitution pour tous les dispositifs existants à savoir : un tel dispositif ne doit pas remplacer un élément de salaire (le texte précise : " toutes rémunérations versées à l’occasion ou en contrepartie du travail … primes régulières, occasionnelles ou exceptionnelles" quelle que soit sa source : accord, contrat de travail ou usage, ce qui devrait rendre l'analyse complexe) en vigueur dans l'entreprise ou qui deviendraient obligatoires en vertu de dispositions légales et/ou de clauses contractuelles. Il rappelle également le principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et les partenaires sociaux incitent les négociateurs au sein des branches professionnelles et des entreprises à se saisir des multiples outils à leur disposition sur ce sujet.
L’accord rappelle enfin les obligations des branches professionnelles en matière de négociation sur les salaires et les classifications et l’importance de mener de telles négociations collectives tant au niveau des entreprises que des branches … et adresse un rappel à l’ordre à destination des pouvoirs publics qui tardent souvent à publier les arrêtés d'extension rendant obligatoire les avenants signés à l’ensemble des entreprises concernées au sein de la branche !
Sensibilisation, communication et partage des informations sur la politique fiscale
Le second chapitre de l’accord vise à promouvoir l’ensemble des systèmes de rémunération (salaire, épargne salariale mais aussi avantages sociaux tels que les CESU (chèque emploi service universel) préfinancés et couvertures sociales surcomplémentaires).
La mise en place de bilans sociaux individuels est encouragée pour « mieux valoriser ces dispositifs mis en place et financés par l’entreprise."
L’accord rappelle également le rôle de la base de données économiques, sociales et environnementale (BDESE) comme outil d’information sur ces sujets dans les entreprises de 50 salariés et plus dotées d’un Comité Social Economique (CSE).
Il est à noter à cet égard que l’accord rappelle l'intégration des déclarations fiscales selon le dispositif BEPS "pays par pays" dans la BDESE, et encourage la transmission des informations "sur la politique fiscale au sein du groupe [...] le cas échéant au comité de groupe pour l’application de l’article L 2332-1 du code du travail et au comité d’entreprise européen pour l’application de l’article L.2343-2 du code du travail" et "sur la politique fiscale de l’entreprise" au CSE dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière prévue à l’article 2312-25 du code du travail.
Développement de la participation dans les PME
Les entreprises de moins de 50 salariés, non pourvues d’un accord de participation, pourraient mettre en place un tel accord prévoyant une formule dérogatoire pouvant donner un résultat supérieur ou inférieur à la formule légale prévue en matière de participation aux résultats de l’entreprise :
- soit directement dans le cadre d'un accord collectif,
- soit en appliquant le dispositif de branche.
Dans ce cadre, les branches professionnelles doivent ouvrir, avant le 30 juin 2024, une négociation visant à prévoir un tel dispositif facultatif dérogatoire.