4 min de temps de lecture 13 févr. 2024
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Congés payés & Maladie : Code du travail conforme à la Constitution !

4 min de temps de lecture 13 févr. 2024
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Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail sont contraires au droit européen mais sont conformes à la Constitution française.

Saisi de deux QPC (Questions Prioritaires de Constitutionnalité), le Conseil constitutionnel a jugé par une décision très attendue du 8 février 2024, que les articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail, qui excluent l’acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie non professionnelle, et limitent à un an la période d’acquisition de ces congés en cas d’absence pour accident du travail ou maladie professionnelle, sont conformes à la Constitution française, et ne portent pas atteinte au droit à la protection de la santé et au repos, ni au principe d'égalité.

La première QPC portait sur les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5° du Code du travail, privant « à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ».  La salariée soutenait que ces articles portent atteinte au droit à la santé et au repos garanti par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946.

Le Conseil constitutionnel répond par la négative, s’appuyant d’une part sur les travaux préparatoires de la loi du 18 avril 1946, à l’origine des dispositions sur les congés payés, et d’autre part sur les dispositions du Code du travail définissant les périodes de travail effectif : « le législateur a souhaité éviter que le salarié, victime d’un accident ou d’une maladie résultant de son activité professionnelle et entraînant la suspension de son contrat de travail, ne perde de surcroît tout droit à congé payé au cours de cette période ». Il en déduit qu’« il était loisible au législateur d’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle. Il lui était également loisible de limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an ».

La seconde QPC visait l’article L. 3141-5, 5° du Code du Travail, « en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». La salariée demandait si cet article porte atteinte au principe d’égalité devant la loi de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958.
Le Conseil constitutionnel juge cet article conforme : « la maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié. Ainsi, au regard de l’objet de la loi, le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail ».

Ainsi, le Conseil constitutionnel s’est prononcé au regard des principes constitutionnels français et a considéré que la différence de traitement résultant des dispositions contestées du Code du travail (entre maladie simple et maladie professionnelle), « qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi ». Le Conseil constitutionnel a également jugé qu’il n’y avait pas méconnaissance du principe d’égalité devant la loi, du droit à la protection de la santé, ni d’aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

Si les dispositions du Code du travail sur les congés payés en cas de maladie du salarié n’ont pas été déclarées inconstitutionnelles, elles ont été jugées contraires au droit européen par la Cour de cassation dans plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, publiés au Bulletin et au Rapport annuel (n° 22-17.340 ; n° 22-17.638 ; n° 22-10.529). Ainsi, le salarié malade aura droit à des congés payés au titre de sa période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident ou à une maladie professionnelle ; en cas d’accident du travail, le calcul des droits à congés payés ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail ; la prescription du droit à congés payés ne commencera à courir que lorsque l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.

Précisons que le droit européen primant sur le droit national, y compris le bloc de constitutionnalité, la Cour de cassation a fait une application des textes européens qui étaient au cas présent d’application directe.

Les entreprises sont très inquiètes de l’impact financier de ces décisions sur leur trésorerie, que le Gouvernement s’est engagé à limiter.

Une intervention du législateur au cours du 1er trimestre 2024 a donc été annoncée dès le 30 novembre 2023 par la Première Ministre et confirmée par le Ministre du Travail, notamment dans une réponse écrite du 9 janvier 2024. Lors de l'audition du 31 janvier 2024 devant le Conseil constitutionnel, le représentant du Premier Ministre avait indiqué que pour mettre en conformité le droit français, notamment par rapport à la directive de 2003, le Gouvernement envisageait « de limiter le quantum à quatre semaines de congés payés dans le respect du principe d'égalité ». La durée maximale du report (la CJUE admet un report de 15 mois) ou le délai de prescription applicable devront également être précisés.

Ce qu'il faut retenir

Les nouvelles organisations et conditions du travail ont eu un impact sur la présence des salariés dans l’entreprise. Elles doivent donc faire l’objet de négociations entre les employeurs et les partenaires sociaux pour ne pas désorganiser le fonctionnement des différents services.

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