De plus, deux mois avant ces décisions, la cour administrative d’appel de Versailles avait condamné l’État français pour ne pas avoir modifié les règles d’acquisition des congés payés par un salarié malade (CAA Versailles, 17 juillet 2023, n° 22VE00442). Le Ministère du Travail n’avait pas réagi. Cette fois-ci, il a indiqué qu’il étudiait les « options possibles » pour réagir à la position de la Cour de cassation.
Ces derniers revirements de jurisprudence posent ainsi de nouveaux principes qui ont un impact sur les entreprises pour le futur, mais aussi pour le passé.
Principes posés par la Cour de cassation
En 1er lieu, la Cour valide le droit à congés payés sur une période d’absence pour maladie non-professionnels (affaire n° 22-17.340 à 22-17.342).
Selon le Code du travail, un salarié atteint d’une maladie non professionnelle n’acquiert pas de jours de congés payés pendant le temps de son arrêt de travail. L’acquisition de congés payés n’est prévue qu’en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail durant la 1ère année (article L. 3141-5 du Code du travail). La Cour de cassation, faisant une application directe de l’article 31-2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le droit au repos, décide que désormais le salarié malade aura droit à des congés payés sur sa période d’absence, même si celle-ci n’est pas liée à un accident ou à une maladie professionnelle.
La situation des arrêts liés à une malade professionnelle ou un accident du travail est également jugée et le droit à congés payés est accordé au-delà de la première année de l’arrêt de travail (affaire n° 22-17.638).
Selon le droit français, l’indemnité compensatrice de congés payés est limitée à une seule année de suspension du contrat de travail en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle (article L. 3141-5 du Code du travail). De même, en application de l’article 31-2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Cour de cassation juge qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut être limitée à un an.
Dans une 3ème affaire, la Cour de cassation juge que le point de départ de la prescription du droit à congés payés commence à courir lorsque l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile (affaire n° 22-10.529). Dès lors, lorsque l’employeur ne peut justifier avoir accompli « les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé », le délai de prescription ne court pas.
Enfin, les congés payés non pris au cours d’une année en raison d’un congé parental peuvent être reportés à l’issue de ce congé (affaire n° 22-14.043). La Cour de cassation après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour de justice européenne sur ce point, vise cette fois-ci la Directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010, portant application de l'accord-cadre révisé sur le congé parental pour interpréter les dispositions du Code du travail...
Impact de ces revirements de jurisprudence pour les entreprises
Même si certaines entreprises avaient anticipé ces évolutions, il était difficile de ne pas appliquer les dispositions du Code du travail … sauf si la convention collective applicable prévoyait des dispositions plus favorables.
Dorénavant, pour tous les arrêts maladie d’origine professionnelle ou non à venir, les employeurs vont devoir assez vite modifier leurs pratiques.
Pour le passé, il est difficile aujourd’hui, de mesurer l’impact financier de ces décisions par lesquelles la chambre sociale met en conformité le droit français avec le droit européen, et ce de façon rétroactive.
Il pourrait être difficile, en l’état, de s’opposer à une demande de régularisation portée devant les tribunaux et il est à craindre que ces demandes se multiplient comme accessoire à des contestations sur la rupture du contrat. Les débats porteront alors surement sur la question de la prescription et notamment sur la notion de « diligences qui incombent légalement » à l’employeur pour mettre en mesure le salarié de prendre ses congés.
Pour autant, certaines circonstances pourraient limiter les risques de demandes salariales : les anciens salariés ayant signé des soldes de tout compte conformes ou des transactions (pour autant qu’elles couvrent bien de façon large de tels risques) ne devraient pas pouvoir revenir sur des situations antérieures. De même les arrêts mineurs de travail ne feront pas forcément l’objet de contentieux.
Dans l’attente d’apprécier la portée de ces jurisprudences, les entreprises devraient estimer dans un 1er temps l’état des risques potentiels auxquels elles pourraient faire face en établissant une 1ère cartographie des situations passées susceptibles ou non de faire l’objet de réclamations et notamment le volume d’arrêts maladie d’origine non professionnelle et d’arrêts pour accident du travail et maladie professionnelle de longue durée.