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Les entreprises sont confrontées à une montée exponentielle de l’absentéisme de leurs salariés, phénomène qui s’est accéléré depuis la fin des périodes de crise sanitaire. Ainsi, en 2019, année de référence pré-Covid, on observait qu’un peu moins d’un tiers des salariés (30%) était arrêté au moins une fois dans l’année ; en 2022, ce taux a été porté à 44% (source : Datascope 4ème édition, l’observatoire de l’absentéisme 2022).
Au moment où le rapport au travail change et cesse d’être une priorité pour un nombre croissant de salariés, l’absentéisme de courte durée explose, notamment chez les plus jeunes salariés, ces derniers ne fournissant, parfois, même plus d’arrêts de travail. Le rôle du télétravail est également pointé du doigt parmi les explications de cette forte hausse.
Alors que le coût de l’absentéisme est évalué à 100 milliards d’euros par an, et que ces absences, communiquées le plus souvent à la dernière minute à l’employeur, sont sources de désorganisation au sein de l’entreprise et de tensions au sein des équipes devant augmenter leur charge de travail pour compenser ces absences, quels sont les outils à la disposition de l’employeur pour sanctionner d’éventuels abus ?
L’employeur a à sa disposition un certain nombre d’outils afin de sanctionner les absences injustifiées ; si certains sont bien connues et relèvent du pouvoir disciplinaire de l’employeur, d’autres sanctions ont récemment été mises en place.
En premier lieu, l’éventail des sanctions disciplinaires, de l’avertissement au licenciement, est bien entendu ouvert à l’employeur désireux de sanctionner une ou plusieurs absences injustifiées. Outre le respect de la procédure, il conviendra de s’assurer de la proportionnalité des sanctions au regard des absences, de leur nombre, de leur durée et du dossier disciplinaire du salarié concerné.
En particulier, si le salarié est soupçonné de produire des arrêts de travail de complaisance, le licenciement peut être envisagé pour cause de perturbation du fonctionnement de l’entreprise ou du service à raison des absences répétées ou prolongées, surtout si ces absences conduisent à la nécessité pour l’entreprise de remplacer le salarié absent. Le cas échéant, il conviendra de vérifier si le salarié est ou non protégé du fait de l’origine professionnelle de son arrêt de travail mais également, qu’aucune garantie d’emploi conventionnelle ne s’applique au salarié.
Autre « outil » possible en cas d’absence de longue durée non justifiée, la présomption de démission issue de la loi « Marché du travail » du 21 décembre 2022 et d’un décret du 17 avril 2023 : après mise en demeure du salarié de reprendre son poste et de justifier de son absence, et en l’absence de réponse du salarié dans les 15 jours, l’employeur peut désormais considérer que le salarié est démissionnaire ; en cas de contestation, il appartiendra au salarié de saisir la juridiction prud’homale afin de contester la rupture et renverser cette présomption de démission an apportant la preuve que son absence était justifiée et involontaire. Au regard du risque de contestation, une telle option ne devrait s’envisager qu’en cas d’absence de longue durée, pas en cas de répétition de courtes absences.
Toujours dans l’actualité la plus récente, et face à l’explosion des arrêts maladie (en hausse de 30% depuis 10 ans), plusieurs mesures ont été introduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 :
- En cas de doute, l’employeur pourra envoyer un médecin agréé contrôler le bien-fondé de l’arrêt maladie ; cette possibilité existe déjà depuis 1978, mais se heurtait jusqu’à présent à des délais et des contraintes administratives, lesquelles seront allégées : la loi a introduit la suspension immédiate par la CPAM du versement des IJSS à compter de la transmission du rapport du médecin contrôleur mandaté par l’employeur dans le cadre d’une contre-visite, si l’arrêt est considéré comme injustifié ou trop long, ce qui permet d’accélérer la procédure (jusqu’alors, le service médical de l’Assurance maladie devait émettre un avis) : elle a également allongé le délai de transmission du rapport de la contre-visite au service du contrôle médical, qui passe de 48 à 72 heures. Ce contrôle peut conduire à la suspension des indemnités de la sécurité sociale en cas de constat d’un arrêt de travail injustifié ;
- En revanche, en cas de recours aux services d’un détective privé pour contrôler les arrêts de travail, la preuve éventuellement obtenue ne pourra sans doute pas être recevable si ce dispositif de contrôle n’a pas été préalablement porté à la connaissance du salarié, ainsi que l’exige le Code du travail. Sauf à considérer que la récente jurisprudence sur la recevabilité d’une preuve illicite est applicable en l’espèce (Cass. Soc. 22 décembre 2023 n° 20-20.648 et 21-11.330) ;
- Un programme national de contrôle des arrêts de travail a été lancé par l’assurance maladie en septembre 2023 : cette dernière a placé un nombre important de médecins prescripteurs d’arrêt maladie sous une surveillance accrue ;
- Quelques nouveaux outils ont été introduits dans le but de lutter contre la fraude et les arrêts de travail de complaisance, à travers des restrictions s’appliquant aux arrêts de travail prescrits à l’issue d’un examen médical réalisé par téléconsultation : les arrêts prescrits en téléconsultation seront limités à trois jours, lorsque celle-ci n’a pas lieu auprès du médecin traitant ; la vidéotransmission devient obligatoire, afin d’éviter les arrêts maladie délivrés à la suite d’entretien par chat ou SMS et/ou à travers l’existence d’applications / de sites qui délivrent des arrêts maladie pour une somme modique ; ceci ne représente néanmoins qu’une partie très limitée des arrêts de travail (moins de 5%).
En revanche, le délai de carence, période pendant laquelle le salarié malade ne perçoit pas de rémunération, n’a pas été réformé : le patronat s’est opposé à son allongement de 3 à 7 jours pour des raisons de coût, une partie des entreprises prenant à leur charge ce délai de carence. Le débat sur l’opportunité d’un délai de carence « d’ordre public » d’un jour a été reporté aux discussions budgétaires fin 2024, pour une possible application en 2025.
La lutte de l’absentéisme au sein de l’entreprise relève ainsi d’une approche globale, au-delà de la gestion des cas individuels et des abus potentiellement identifiés. Assurer le bien-être au travail, à travers une organisation du travail et des conditions du travail rendues plus complexes par le recours au travail à distance ou hybride, en y associant les partenaires sociaux à travers un dialogue social revisité, devra figurer parmi les priorités de l’agenda social des employeurs au cours des prochains mois.