Nouvelles précisions sur la réparation du préjudice lié à l’amiante

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La Cour de cassation affine sa jurisprudence sur le périmètre de l’indemnisation du préjudice lié à l’amiante.


En résumé :

  • Les victimes peuvent obtenir plus facilement une réparation complémentaire distincte, au titre des souffrances physiques et morales.
  • Les salariés d’un sous-traitant peuvent demander réparation de leur préjudice d’anxiété lié à l’amiante à l’entreprise utilisatrice.
  • Les salariés exposés à l’amiante peuvent obtenir une réparation pour atteinte à leur dignité, distincte du préjudice d’anxiété

Au cours de ces dernières semaines, la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions importantes sur la réparation du préjudice lié à l’amiante, qui seront toutes publiées au rapport annuel.

1 - La Cour de cassation s’est tout d’abord prononcée sur la faute inexcusable de l’employeur. Dans deux affaires, deux salariés sont morts d’un cancer des poumons après avoir inhalé des poussières d’amiante dans le cadre de leur activité professionnelle. Leurs ayants droit ont obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de leur employeur devant la juridiction de sécurité sociale. Mais la réparation accordée par les juges du fond dans les deux affaires n’a pas été la même :

  • Dans la 1ère (n°21-23.947), ils ont accordé une indemnisation spécifique pour les souffrances physiques et morales endurées par le salarié, en plus de la rente versée à la victime d’une maladie professionnelle ;
  • Dans la 2de (n°20-23.673), les juges ont suivi la jurisprudence traditionnelle et ont décidé de ne pas ajouter d’indemnité complémentaire à la rente versée par la sécurité sociale.

Ces divergences de position ont conduit la Cour de cassation à examiner ces deux affaires en Assemblée plénière. Elle opère alors un revirement de jurisprudence, en élargissant le périmètre d’indemnisation. Jusqu’à présent, la rente indemnisait la perte de gain professionnel, l’incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent. Pour obtenir la réparation de ses souffrances, la victime devait rapporter la preuve que son préjudice n’était pas déjà indemnisé au titre de ce déficit fonctionnel permanent.

Désormais, les victimes (et leurs ayants droit) pourront obtenir plus facilement une réparation complémentaire distincte, au titre des souffrances physiques et morales.

2- Dans une autre affaire, des salariés ont travaillé sur divers sites d’une entreprise ferroviaire, en exécution d’un marché de sous-traitance. Lorsque cette entreprise a mis fin au marché de sous-traitance, la médecine du travail leur a remis une attestation d’exposition à l’amiante. Les salariés ont alors demandé des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d’anxiété non seulement à leur employeur, mais également à la société d’entreprise ferroviaire, en sa qualité d’entreprise utilisatrice.

La question se posait donc de savoir si un salarié exposé à l’amiante peut demander réparation d’un préjudice d’anxiété à une entreprise utilisatrice au sein de laquelle il a travaillé, alors même que cette entreprise n’était pas son employeur.

La cour de cassation condamne cette entreprise sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, en considérant « qu’étaient établies des fautes ou négligences de sa part dans l’exécution des obligations légales et réglementaires mises à sa charge en sa qualité d’entreprise utilisatrice, qui ont été la cause du dommage allégué ».

En effet, la Cour de cassation précise que « si, en principe, c’est l’employeur qui est responsable de la sécurité de ses salariés et doit s’assurer que des mesures de prévention des risques ont été mises en place, le code du travail, sous l’influence du droit européen, impose également des obligations aux entreprises utilisatrices ». En l’espèce, l’entreprise utilisatrice n’a pas respecté son obligation générale de coordination des mesures de prévention et cette négligence est bien à l’origine du préjudice subi par les salariés de l’entreprise sous-traitante.
Pour la première fois, la Cour de cassation juge qu’un salarié d’une société sous-traitante exposé à l’amiante peut demander réparation de son préjudice d’anxiété à l’entreprise utilisatrice, alors même qu’elle n’est pas son employeur. Elle ajoute « qu’il n’est pas nécessaire que la responsabilité de l’entreprise sous-traitante au titre de son obligation de sécurité ait été retenue ».

3- Enfin, dans une dernière affaire, deux salariés demandent réparation d’un préjudice d’anxiété et d’un préjudice au titre d’un manquement à l’obligation de loyauté, caractérisé par une utilisation illégale de l’amiante. La cour d’appel juge leur action en réparation du préjudice d’anxiété prescrite, mais elle leur alloue des dommages-intérêts sur le second fondement.
La Cour de cassation précise pour la première fois, que l’usage illégal d’une substance toxique par un employeur (ici l’amiante) générant un risque élevé de développer une pathologie grave, ouvre droit à une réparation pour atteinte à la dignité des salariés qui y ont été exposés, distincte du préjudice d’anxiété. En effet, « il résulte de l’article L.1222-1 du Code du travail que l’atteinte à la dignité de son salarié constitue pour l’employeur un manquement grave à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ». Les demandes de dommages-intérêts présentées par les salariés relevaient bien de manquements et de préjudices distincts.

Avec ces décisions, la Cour de cassation franchit un cap supplémentaire en matière de protection des salariés exposés à l’amiante et leur accorde une meilleure indemnisation des préjudices subis.


Ce qu'il faut retenir

Les salariés exposés à l’amiante bénéficient désormais d’une meilleure protection et indemnisation.

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