En cas de titres apportés à une société lors de sa création, la cour administrative d’appel de Nancy a considéré qu’il convenait de prendre en compte la date d’immatriculation de la société et non celle de la signature des statuts comme point de départ du délai de conservation de deux ans pour bénéficier du régime mère-fille.¹
En 2014, quatre personnes physiques, associées dans plusieurs sociétés, apportent chacun leurs titres à une holding personnelle constituée pour l’occasion, trois ayant été créées par des statuts signés le 30 avril 2014 auxquels étaient joints les traités d’apports des titres datés du même jour. Ces sociétés, immatriculées en août 2014, ont perçu au cours des exercices 2014 et 2015 des dividendes de leurs filiales soumis au régime mère-fille avant de céder, en mai 2016, les titres de leurs filiales.
L’administration a remis en cause le bénéfice du régime mère-fille au motif que le délai de conservation de deux ans prévu à l’article 145 du code général des impôts (CGI) n’aurait pas été respecté. Selon elle, ce délai commençait à courir, au plus tôt, à la date d’immatriculation des sociétés, date à laquelle s’acquiert la personnalité morale en application des articles 1842 du code civil et L. 210-6 du code de commerce, soit en août 2014 au cas d’espèce.
Les sociétés soutenaient quant à elles que ce délai commençait à courir à la date de la signature des statuts, soit le 30 avril 2014, dès lors que les règles relatives aux engagements souscrits pour le compte de sociétés en formation prévoient que « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci »². Selon elles, la reprise des engagements prévue dans les statuts induisait que le transfert des titres à la société devait être regardé comme effectué au 30 avril 2014, date de levée des conditions suspensives prévues dans les actes d’apports. A l’inverse, l’administration estimait que les dispositions concernant la reprise des engagements ne visent que les engagements souscrits par les associés vis-à-vis des tiers pour le compte de la société en formation et n’étaient pas applicables aux apports réalisés à l’occasion de la constitution de la société.
Contrairement aux juges de première instance qui avaient retenu comme point de départ la date de signature des statuts³, la cour retient la date d’immatriculation des sociétés.
Après avoir défini la période de formation d’une société comme celle s’étendant entre la date de conclusion de ses statuts, qui définissent notamment les apports réalisés par les associés, et son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) qui lui confère la personnalité juridique et la capacité à disposer d’un patrimoine, la cour retient que l’’acte juridique par lequel les associés fondateurs s’engagent à apporter des titres de participation à une société en formation, en échange d’actions nouvelles de la société, ne peut entraîner le transfert des droits qu’à compter de l’acquisition de la personnalité morale par cette société, soit, au plus tôt, à la date de son enregistrement au RCS.
Par ailleurs, comme l’administration, la cour considère que la constitution d’apports - une des conditions essentielles du contrat de société conclu entre les associés fondateurs ou de l’acte unilatéral par lequel un associé fonde une société unipersonnelle - ne relève pas des engagements pris au nom de la société en formation pouvant être repris par elle en application de l’article L. 210-6 du code de commerce, mais des actes constitutifs de la société. Par suite, l’effet rétroactif de la reprise d’actes, qui a pour effet de substituer rétroactivement la société immatriculée dans les actes passés par les personnes ayant agi en son nom et pour son compte avant son immatriculation, demeure ainsi sans incidence sur la date d’acquisition de la personnalité morale par la société.
Au cas d’espèce, la cession par les sociétés des titres apportés lors de leur constitution devait donc être regardée comme étant intervenue avant la fin du délai de conservation de deux ans requis pour bénéficier du régime mère-fille, celui-ci devant être décompté depuis la date d’immatriculation des sociétés.
Si cette solution n’a vocation à s’appliquer qu’en l’absence de règles expresses contraires, et notamment pas aux apports de titres soumis au régime spécial des fusions des articles 210-0 A et suivants du CGI pour lesquels la société bénéficiaire de l’apport est réputée détenir les titres depuis leur date d’acquisition par l’apporteur⁴, il conviendra par prudence, dans l’attente d’une éventuelle décision du Conseil d’Etat, de s’assurer du respect du délai de conservation des titres apportés lors de la constitution en le décomptant à partir