24 min de temps de lecture 12 juil. 2023
Tunnel routier

Concentrations et Marchés publics : les subventions étrangères dorénavant contrôlées par la Commission !

Auteurs
Wilfried Durand

Avocat, en droit et contentieux des affaires

Wilfried Durand est avocat en droit et contentieux des affaires.

Christine Rocha

Avocat, Senior Manager – Business Law, France – Centre d’Etudes Juridiques et Fiscales

Christine Rocha est en charge de la doctrine, de la capitalisation des savoirs et de leur partage auprès des équipes en droit des affaires.

24 min de temps de lecture 12 juil. 2023
Expertises associées Droit des affaires

Les subventions étrangères pourront être contrôlées par la Commission dès le 12 juillet 2023. Retrouvez les explications de nos avocats.

Points clés sur les outils de contrôle :

  • Un pouvoir d’enquête d’office de la Commission européenne, et,
  • En cas de dépassement de certains seuils, des notifications préalables en matière de concentrations et en matière de procédures de passation des marchés publics et concessions 

En mars 2020, aux prémices de la crise sanitaire, la Commission européenne présentait une nouvelle stratégie visant à aider l'industrie européenne. Elle avait pour objectif de « stimuler la compétitivité de l'Europe et son autonomie stratégique alors que [était constaté] un glissement des plaques géopolitiques et un renforcement de la concurrence mondiale »¹. C’est dans ce contexte qu’elle adoptait, quelques mois plus tard, un livre blanc relatif à « l’établissement de conditions de concurrence égales pour tous en ce qui concerne les subventions étrangères »² et qu’elle présentait, le 5 mai 2021, une proposition de règlement visant à remédier aux distorsions causées par les subventions de pays tiers au sein du marché unique.

Ainsi, un an plus tard, était adopté et publié le règlement (UE) 2022/2560 du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur, dit « RSE » (ci-après le « Règlement »). L’objectif de cette nouvelle réglementation est clair : appréhender et contrôler les subventions étrangères consenties par des Etats non membres de l’Union européenne (UE), qui bénéficient à des entreprises ayant une activité au sein de l’UE et qui faussent le marché intérieur (I).

En effet, les règles déjà existantes en matière de concurrence, de passation de marchés publics et de concession, et de contrôle des investissements étrangers ne couvraient pas les « subventions étrangères qui procurent à leur bénéficiaires un avantage indu lorsqu’ils acquièrent des entreprises actives dans l’UE, participent à des marchés publics ou exercent d’autres activités commerciales dans l’UE³ ».

Le Règlement dote la Commission d’un double pouvoir de contrôle sur ces subventions : un pouvoir d’enquête ex officio sur les subventions étrangères faussant le marché intérieur et un pouvoir d’examiner, sur la base d’une notification préalable, les opérations de concentrations et les offres en réponse aux procédures de passation de marchés publics et de concessions dépassant certains seuils et ce, dès lors que l’une des parties aura bénéficié de subventions étrangères conséquentes (II).

Pour la mise en œuvre de ces contrôles, le texte offre aussi à la Commission des pouvoirs particulièrement étendus, notamment s’agissant des sanctions qu’elle peut prononcer en cas de manquement à cette réglementation (III).

Les entreprises – en particulier les groupes étrangers – doivent intégrer cette nouvelle réglementation dans leur processus de financement et d’analyse des risques sachant que celle-ci est applicable dès le 12 juillet 2023⁴ (IV).

Dans le cadre de cette entrée en application, la Commission a d’ailleurs adopté, le 10 juillet dernier, un règlement d’exécution⁵ que nous ne détaillerons pas dans le présent article. Ce règlement d’exécution précise les aspects procéduraux du Règlement tels que les formulaires de notification, le détail des informations à fournir par les parties concernées, le détail du processus d’enquête de la Commission, les droits procéduraux des parties concernées.

Enfin, des lignes directrices devront également être publiées d’ici le 12 janvier 2026⁶. Les services de la Commission ont d’ores et déjà publié des questions-réponses (Q&A) précisant certains éléments du texte⁷.

1. Notions clés

Dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif de contrôle, trois questions préalables se posent :

  • Quelles sont les entreprises visées ?
  • Quelles sont les subventions étrangères concernées ?
  • Comment appréhender la notion de distorsion ?

Entreprises visées

L’article 1er, point 2, du Règlement dispose que : « Le présent règlement porte sur les subventions étrangères octroyées aux entreprises, y compris aux entreprises publiques directement ou indirectement contrôlées par l’État, qui exercent une activité économique dans le marché intérieur. Est notamment considérée comme exerçant une activité économique dans le marché intérieur une entreprise qui fusionne avec une entreprise établie dans l’Union ou qui en acquiert le contrôle, ou une entreprise qui participe à une procédure de passation de marchés publics ou de concessions au sein de l’Union. »

En conséquence, sont visées toutes les entreprises (i) quel que soit leur statut privé ou public, (ii) quelle que soit leur forme juridique, (iii) quelle que soit leur taille⁸ et (iv) a priori, où que soit situé leur siège social dès lors qu’elles exercent une activité économique au sein de l’UE.

La notion d’entreprise n’est néanmoins pas définie hors le cas des procédures de passation de marchés publics ou de concessions pour lesquelles le Règlement renvoie à la notion d’« opérateur économique »⁹.

Ainsi, dans les autres cas (en particulier, en matière de concentrations), on peut se poser la question de savoir ce que recouvre le périmètre constitué par « l’entreprise ». Le Livre Blanc semblait apporter une réponse en renvoyant comme en droit de la concurrence à la notion d’« entité exerçant une activité économique » qui peut, dès lors, être composée de plusieurs entités juridiques distinctes comme c’est le cas pour les groupes de sociétés¹⁰.

Subventions étrangères visées

L’article 3, point 1, du Règlement dispose qu’une subvention étrangère « est réputée exister lorsqu’un pays tiers octroie, directement ou indirectement, une contribution financière qui confère un avantage à une entreprise exerçant une activité économique dans le marché intérieur et qui est limitée, en droit ou en fait, à une ou plusieurs entreprises ou à un ou plusieurs secteurs ».

Ainsi, l’applicabilité du Règlement suppose :

  • Des contributions financières qui peuvent prendre diverses formes : un transfert de fonds ou de passifs tels que des apports en capital, des subventions, des prêts, des garanties de prêts, des incitations fiscales, des compensations de pertes d’exploitation, des compensations de charges financières imposées par les pouvoirs publics, etc. ; un abandon de recettes normalement exigibles telles que des exonérations fiscales ou l’octroi de certains droits spéciaux ou exclusifs sans rémunération adéquate ; ou encore, la fourniture ou l’achat de biens ou de services ;
  • Des contributions financières de pays tiers c’est-à-dire en provenance d’Etats non membres de l’UE en ce compris, comme le précise le Q&A des services de la Commission, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège (membres de l’Espace économique européen). Plus particulièrement, la contribution devra avoir été consentie par un gouvernement étranger ou par un pouvoir public (quel que soit l’échelon) ou une entité publique étrangère dont les actes peuvent être attribués au pays tiers compte tenu d’un certain nombre d’éléments¹¹, ou toute entité privée dont les actes peuvent également être attribués au pays tiers, compte tenu d’un ensemble de circonstances pertinentes¹².
  • Un critère de sélectivité : l’avantage procuré par la contribution est limité, en droit ou en fait, à une ou plusieurs entreprises ou à un ou plusieurs secteurs.

Enfin, soulignons que « Le versement effectif de la subvention étrangère n’est pas une condition nécessaire pour que la subvention étrangère relève du champ d’application du […] règlement. »¹³. En conséquence, le simple droit à recevoir la contribution financière permet de considérer qu’elle a été accordée.

Nécessaire constatation de distorsions dans le marché intérieur

Une distorsion dans le marché intérieur « est réputée exister lorsqu’une subvention étrangère est de nature à renforcer la position concurrentielle d’une entreprise dans le marché intérieur et lorsque, ce faisant, cette subvention étrangère affecte réellement ou potentiellement la concurrence dans le marché intérieur »¹⁴.

Pour évaluer cette distorsion, la Commission tiendra compte d’un certain nombre d’indicateurs tels que le montant, la nature, la finalité de la subvention ; la situation de l’entreprise, « notamment sa taille, et des marchés ou secteurs concernés » ainsi que le niveau et l’évolution de son activité économique.

Le Règlement liste¹⁵ des « catégories de subventions étrangères » considérées comme le plus susceptible de fausser le marché intérieur : subvention étrangère octroyée à une entreprise en difficulté, subvention étrangère sous la forme d’une garantie illimitée de dettes ou des passifs de l’entreprise, etc.

Le Règlement prévoit - à l’inverse - des hypothèses pour lesquelles le risque de distorsion semble pouvoir être écarté. Ainsi :

  • Une subvention étrangère octroyée à une entreprise qui n’excède pas un montant de 4 millions d’euros sur trois années consécutives, est considérée comme peu susceptible de fausser le marché intérieur¹⁶ ;
  • Dans le même ordre d’idées, une subvention étrangère visant à remédier aux dommages causés par des catastrophes naturelles ou par d’autres événements exceptionnels peut être considérée comme ne faussant pas le marché intérieur.

Un seuil de minimis est également fixé : si le montant total d’une subvention étrangère octroyée à une entreprise ne dépasse pas le montant d’une aide de minimis¹⁷ par pays tiers sur une période de trois années consécutives, cette subvention étrangère n’est pas considérée comme faussant le marché intérieur.

Enfin, autre élément important prévu par le Règlement à l’article 6, point 1 : la mise en balance. Ainsi, la Commission « peut, sur la base des informations reçues, mettre en balance les effets négatifs d’une subvention étrangère en termes de distorsion dans le marché intérieur […] et les effets positifs de celle-ci sur le développement de l’activité économique subventionnée concernée dans le marché intérieur, tout en tenant compte d’autres effets positifs de la subvention étrangère, tels que les effets positifs plus larges concernant les objectifs stratégiques pertinents, en particulier ceux de l’Union. ». A cet égard, le Livre blanc publié en juin 2020 évoquait, parmi les objectifs de politique publique de l’UE : la création d’emplois, la réalisation des objectifs de neutralité climatique et la protection de l’environnement, la transition numérique, etc.

2. Outils de contrôle

Trois outils de contrôle ont été mis en place par le Règlement : deux outils de notification préalable et un outil tenant à un pouvoir d’enquête ex officio de la Commission européenne.

Notifications ex ante des concentrations¹⁸

Le Règlement instaure un régime de notification préalable obligatoire et d’autorisation préalable des concentrations qui vient s’ajouter au régime standard prévu en droit de la concurrence par le Règlement n°139/2004.

Une concentration sera réputée réalisée en cas de fusion d’une ou plusieurs entreprises auparavant indépendantes, en cas de prise de contrôle ou encore, dans l’hypothèse de la création d’une entreprise commune (joint venture) accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome.

L’obligation de notification préalable s’appliquera si les conditions suivantes sont remplies :

  • Au moins une des parties à la fusion, l’entreprise acquise ou l’entreprise commune est établie dans l’UE et génère un chiffre d’affaires total d’au moins 500 millions d’euros dans l’UE ; et
  • Une ou plusieurs parties – telles que désignées par le Règlement en fonction de l’opération concernée¹⁹ - ont reçu de pays tiers des contributions financières totales cumulées de plus de 50 millions d’euros au cours des trois années précédant l’opération (c’est-à-dire la conclusion de l’accord, l’annonce de l’OPA ou l’OPE, ou l’acquisition d’une participation de contrôle).
Point d’attention : Le Q&A publié en juin 2023 apporte des précisions utiles quant à la distinction qu’il convient d’opérer entre la notion de contribution financière et celle de subventions étrangères, en particulier s’agissant de l’appréciation des seuils pour les opérations soumises à notification préalable. Une entreprise qui vendrait ses produits ou services à une entité publique d’un pays tiers devra prendre en compte le montant de ces ventes dans le cadre du calcul des seuils, c’est-à-dire pour la détermination du montant des contributions financières et ce peu important le fait que les conditions de vente soient conformes aux conditions normales de marché. Néanmoins, si ces ventes ont été, par exemple, réalisées suite à un appel d’offres compétitif, transparent et non discriminatoire et donc, a priori, à des conditions normales de marché, la Commission ne pourra pas ensuite considérer qu’il s’agit de subventions étrangères telles que définies à l’article 3, point 1, du Règlement dans la mesure où elles supposent un avantage réservé.

Par ailleurs, en application de l’article 21, point 5, du Règlement, la Commission peut aussi demander, à tout moment avant sa réalisation, la notification préalable de toute concentration qui n’excéderait pas les seuils ci-dessus dès lors qu’elle soupçonne l’octroi de subventions aux entreprises concernées au cours des trois années précédant l’opération. Le dispositif de contrôle prévu pour les concentrations soumises obligatoirement à notification, sera alors appliqué.

La notification d’une concentration, par une ou plusieurs des parties à la concentration selon les cas²⁰, est effectuée préalablement à sa mise en œuvre²¹ et a un effet suspensif sur celle-ci²² comme dans le régime standard de contrôle des concentrations dans l’UE.

Après la phase d’enquête dont la durée peut s’étendre jusqu’à 130 jours maximum après la réception de la notification²³, la Commission européenne peut, en cas de distorsion de concurrence, interdire l’opération de concentration²⁴. Elle peut également, le cas échéant, assortir son autorisation du respect de certains engagements²⁵.

Point d’attention : L’article 44, point 1, du Règlement prévoit expressément qu’il s’applique « sans préjudice de l’application […] du règlement (CE) n° 139/2004 ». Il faudra, en conséquence, procéder, le cas échéant, à deux notifications auprès de la Commission. Le considérant (39) du Règlement précise toutefois que « la Commission devrait s’efforcer de limiter la charge administrative pesant sur les parties notifiantes […]. En particulier, les entreprises devraient avoir la possibilité d’indiquer les informations spécifiques fournies dans le cadre d’une procédure au titre du présent règlement que la Commission a également le droit d’utiliser dans le cadre d’une procédure au titre du règlement (CE) n°139/2004. ». L’article 47, point 1, autorise ainsi la Commission à adopter éventuellement – dans le cadre de ses actes d’exécution – une procédure de notification simplifiée.

Notifications ex ante dans le cadre des procédures de passation de marchés publics et de contrats de concession²⁶

En application de l’article 27 du Règlement, « Les subventions étrangères qui provoquent ou risquent de provoquer une distorsion dans le cadre d’une procédure de passation de marchés publics ou de concessions sont considérées comme des subventions étrangères qui permettent à un opérateur économique de soumettre une offre indûment avantageuse pour les travaux, les fournitures ou les services concernés. […] ».

En conséquence, une obligation de notification préalable s’appliquera si les conditions suivantes sont remplies :

  • la valeur estimée du marché public ou de la concession ou de l’accord cadre hors TVA est égale ou supérieure à 250 millions d’euros ; et
  • l’opérateur économique - « y compris les filiales dépourvues d’autonomie commerciale, ses sociétés mères et, le cas échéant, ses principaux sous-traitants et fournisseurs participant au même appel d’offres » - a bénéficié de contributions financières totales égales ou supérieures à 4 millions d’euros par pays tiers durant les trois années qui précèdent la notification.

En outre, une condition supplémentaire est prévue dans l’hypothèse où le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice décide de diviser le marché ou la concession en lots. En effet, la valeur du lot ou la valeur cumulée de tous les lots pour lesquels le soumissionnaire fait une offre doit être égale ou supérieure à 125 millions d’euros.

La notification doit être faite au pouvoir adjudicateur qui se charge de la transmettre « sans tarder » à la Commission²⁷. Au cours de l’enquête, toutes les étapes de la procédure de passation de marchés publics ou de concessions peuvent se poursuivre, à l’exception de l’attribution du marché ou de la concession²⁸ sauf cas particuliers.

La Commission peut également exiger, dans certains cas, une notification préalable lorsque les seuils ci-dessus ne sont pas atteints.  En effet, l’article 29, point 8, du RSE dispose que lorsque la Commission « soupçonne qu’un opérateur économique a pu bénéficier de subventions étrangères au cours des trois années précédant la soumission de l’offre ou la demande de participation à la procédure de marchés publics ou de concessions », elle peut demander, avant l’attribution du marché ou de la concession, « la notification des contributions financières fournies par des pays tiers à cet opérateur économique ».

Après la phase d’enquête dont la durée peut s’étendre jusqu’à 130 jours maximum après la réception de la notification²⁹, la Commission européenne peut, en cas de distorsion de concurrence, interdire l’attribution du marché ou de la concession³⁰. Elle peut également, le cas échéant, assortir son autorisation du respect de certains engagements³¹.

Point d’attention : Lorsque les conditions de la notification ne sont pas remplies, les opérateurs économiques seront tout de même soumis à une obligation de déclaration : ils devront alors lister toutes les contributions financières étrangères reçues et confirmer que celles-ci ne sont pas soumises à l’obligation de notification³².

Examen ex officio ou d’office des subventions étrangères

Sur la base de toute information - quelle qu’en soit l’origine³³ - la Commission peut, de sa propre initiative, procéder à l’analyse de toute situation ou opération – bien que non soumise à l’obligation de notification préalable – et ce, dès lors qu’elle soupçonne une entreprise d’avoir bénéficié de subventions étrangères faussant le marché intérieur³⁴.

Il pourrait, par exemple, s’agir d’une opération de concentration non soumise à notification préalable parce que n’atteignant pas les seuils requis. Peu importe que l’opération soit déjà réalisée. A cet égard, on relèvera que le considérant (25) du Règlement va jusqu’à prévoir la faculté pour la Commission de décider de la remédiation d’une distorsion importante en ordonnant aux entreprises concernées de dissoudre la concentration.

En revanche, s’agissant des marchés publics et concessions, le Règlement précise que les examens d’office se limitent aux marchés et concessions déjà attribués, et « n’entraînent pas l’annulation de la décision d’attribution d’un marché ou d’une concession, ni la résiliation d’un marché ou d’une concession »³⁵.

3. Pouvoirs de la Commission et sanctions applicables

La Commission est la seule autorité compétente pour appliquer le Règlement.

Elle dispose de pouvoirs d’enquête tels que des demandes de renseignement à l’entreprise concernée ou à toute autre entreprise ou à tout Etat membre ou pays tiers³⁶ ainsi que toute personne physique ou morale qui l’accepte ; des inspections sur site des entreprises dans les pays de l’UE ou à l’étranger si le pays tiers ne s’y oppose pas³⁷ ; ou encore, des enquêtes sectorielles.

Point d’attention : Un dialogue avec le pays tiers est également possible³⁸. En effet, la Commission peut engager un tel dialogue « afin d’étudier les options visant à obtenir la cessation ou la modification de ces subventions en vue d’éliminer leurs effets de distorsion dans le marché intérieur ». Pour autant, ce dialogue avec le pays tiers n’empêchera pas la Commission de prendre des mesures individuelles au titre du Règlement. D’ailleurs, il est expressément prévu qu’elles ne sont pas abordées dans le cadre de ce dialogue.

Des sanctions sous forme d’astreinte ou d’amendes sont prévues en cas d’infractions au Règlement pendant les phases d’enquête et la phase de mise en œuvre des engagements.

Toute opposition à enquête et toute transmission d’information incomplète ou inexacte³⁹ est passible :

  • de sanctions financières⁴⁰ jusqu’à 1% du chiffre d’affaires total de l’entreprise concernée, réalisé au cours de l’exercice précédent ;
  • d’une astreinte jusqu’à 5% de son chiffre d’affaires journalier par jour de non coopération.

Concernant les concentrations⁴¹, la Commission peut infliger aux entreprises concernées des amendes allant jusqu’à 1 % de leur chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice précédent si celles-ci fournissent – volontairement ou par négligence – des informations inexactes ou dénaturées dans leur notification. Par ailleurs, le défaut de notification préalable, le contournement des obligations de notification, la réalisation d’une concentration notifiée sans autorisation – volontairement ou par négligence – peut conduire à une sanction financière allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises concernées au cours de l’exercice précédent.

Concernant la participation aux procédures de passation des marchés publics et concessions⁴², la Commission peut infliger des amendes allant jusqu’à 1% du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice précédent par les opérateurs économiques concernés s’ils fournissent – volontairement ou par négligence - des informations inexactes ou dénaturées dans la notification ou la déclaration transmises. Par ailleurs, comme pour les opérations de concentration, le défaut de notification préalable, le contournement des obligations de notification– volontairement ou par négligence – peut conduire à une sanction financière allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises concernées au cours de l’exercice précédent.

Enfin, lorsqu’elle constate des distorsions de concurrence, la Commission peut imposer des mesures réparatrices ou accepter des engagements de la part de l’entreprise⁴³. Parmi ces mesures figurent notamment : une restriction temporaire d’activité commerciale ; l’interdiction de certains investissements ; la publication de résultats de la recherche et du développement ; la cession de certains actifs ; l’octroi de licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires pour les actifs acquis ou développés à l’aide de subventions étrangères ; l’obligation, pour les entreprises concernées, d’adapter leur structure de gouvernance ; le remboursement de la subvention étrangère avec intérêts.

Si ces mesures réparatrices ou les engagements ne sont pas respectés, la Commission peut infliger à l’entreprise concernée une sanction financière allant jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires annuel réalisé au cours de l’exercice précédent et une astreinte jusqu’à 5% de son chiffre d’affaires total journalier moyen réalisé au cours de l’exercice précédent, par jour de non-exécution⁴⁴.

4. Dates d’application du Règlement

Le Règlement s’applique, sans transposition préalable par les Etats membres, dès le 12 juillet 2023. Toutefois, la Commission pourra examiner les subventions étrangères octroyées pendant les cinq années précédant cette date dès lors que celles-ci faussent le marché intérieur après le 12 juillet⁴⁵. D’où, un effet que nous pourrions qualifier de partiellement rétroactif.

Par dérogation, les obligations de notification ne s’appliqueront qu’à compter du 12 octobre 2023 et la Commission pourra examiner, dans ce cas, des contributions financières étrangères octroyées jusqu’à trois années précédant le 12 juillet 2023.

L’article 53 du Règlement précise également que les mécanismes de contrôle mis en place ne s’appliquent pas « aux concentrations pour lesquelles l’accord a été conclu, l’offre publique d’achat a été annoncée, ou un intérêt de contrôle a été acquis, avant le 12 juillet 2023 ». De même, elles ne peuvent s’appliquer ni « aux marchés publics ou concessions qui ont été attribués ni aux procédures ouvertes avant le 12 juillet 2023 ».

S’agissant des opérations de concentration dépassant les seuils de notification préalable et pour lesquelles un accord aura été conclu à compter du 12 juillet 2023, le Q&A des services de la Commission précise que ces opérations peuvent être soumises à notification préalable si elles se réalisent à compter du 12 octobre 2023⁴⁶.

*****

Le contrôle des subventions étrangères constitue ainsi, dorénavant, un nouveau champ de contrôle interne des groupes internationaux ayant ou voulant exercer une activité dans l’Union Européenne, afin de leur permettre d’évaluer et de réduire les risques associés.

  • Sources

    1. Commission européenne, Communiqué de presse du 10 mars 2020 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_416
    2. LIVRE BLANC relatif à l’établissement de conditions de concurrence égales pour tous en ce qui concerne les subventions étrangères, COM(2020) 253 final, 17 juin 2020
    3.  Commission européenne, Communiqué de presse du 5 mai 2021 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_1982
    4.  Article 54 du RSE
    5.  Voir le communiqué de presse : La Commission adopte les modalités d'application du RSE (europa.eu)
    6.  Article 46 du RSE
    7.  https://competition-policy.ec.europa.eu/foreign-subsidies-regulation/questions-and-answers_en
    8.  Le considérant 7 du Règlement précise toutefois que : « Une attention particulière doit être accordée à l’incidence du présent règlement sur les petites et moyennes entreprises (PME) compte tenu de l’importance de leurs activités économiques et de leur contribution à la réalisation des principaux objectifs stratégiques de l’Union. »
    9. Le Règlement renvoie, en effet, à la notion d’opérateur économique figurant à l’article 1er, point 14, de la directive 2009/81/CE, à l’article 5, point 2), de la directive 2014/23/UE, à l’article 2, paragraphe 1, point 10, de la directive 2014/24/UE et à l’article 2, point 6), de la directive 2014/25/UE
    10. Selon la note de bas de page 26 du Livre blanc : « Conformément à une jurisprudence constante de la Cour de justice, une entreprise est définie comme une entité exerçant une activité économique et plusieurs entités juridiques distinctes peuvent être jugées former une seule unité économique, qu’il y a alors lieu de considérer comme l’entreprise en cause. La Cour de justice estime pertinente l'existence de participations de contrôle de l'une des entités dans l'autre et d'autres liens fonctionnels, économiques et organiques entre elles. Arrêt de la Cour de justice du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., affaires jointes C-180/98 à C-184/98, ECLI:EU:C:2000:428, point 74; arrêt de la Cour de justice du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze SpA e.a., C-222/04, ECLI:EU:C:2006:8, points 107 et 112 »
    11. Caractéristiques de l’entité, cadre juridique et économique existant dans l’Etat dans lequel l’entité opère, notamment le rôle joué par le gouvernement dans l’économie
    12. Article 3 point 2 du RSE
    13. Considérant (15) du RSE
    14. Article 4 point 1 du RSE 
    15.  Article 5 point 1 du RSE
    16.  Article 4 point 2 du RSE
    17. Article 3 point 2 al.1 du règlement UE 1407/2013 : à l’heure où nous écrivons ces lignes, ce montant s’élève à 200.000€
    18. Chapitre 3 du RSE : Articles 19 à 26
    19. Dans le cas d’une fusion, l’acquéreur ou les acquéreurs et la cible ; dans le cas d’une fusion, les sociétés participantes ; dans le cas d’une joint- venture, les entreprises créant une entreprise commune et l’entreprise commune.
    20. Article 21 point 3 du RSE
    21.  Article 21 point 1 du RSE
    22. Article 24 point 1 du RSE
    23. Article 24 point 1 du RSE : l’enquête est d’une durée de 25 jours ouvrables suivant la réception de la notification mais la Commission peut ouvrir une enquête approfondie dans ce délai. Dans ce cas, la concentration n’est pas réalisée pendant les 90 jours ouvrables suivant l’ouverture de l’enquête approfondie. Ce délai est prolongé de 15 jours ouvrables lorsque les entreprises concernées offrent des engagements en vue de remédier à la distorsion dans le marché intérieur.
    24. Article 25 point 3 c) du RSE
    25. Article 25 point 3 a) du RSE
    26. Chapitre 4 du RSE : Articles 27 à 33
    27. Article 29 du RSE
    28. Article 32, point 1 du RSE
    29. Selon l’article 30 du RSE : La Commission procède à un examen préliminaire au plus tard 20 jours ouvrables après réception de la notification complète. Dans des cas dûment justifiés, la Commission peut prolonger ce délai de dix jours ouvrables une fois. La Commission décide s’il y a lieu d’ouvrir une enquête approfondie dans le délai imparti pour mener à bien l’examen préliminaire et informe sans tarder l’opérateur économique concerné et le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice. La Commission peut adopter une décision clôturant l’enquête approfondie au plus tard 110 jours ouvrables après réception de la notification complète. Ce délai peut être prolongé une fois de 20 jours ouvrables, après consultation du pouvoir adjudicateur ou de l’entité adjudicatrice, dans des cas exceptionnels dûment justifiés.
    30. Article 31 point 2 du RSE
    31. Article 31 point 1 du RSE
    32. Article 29 point 1 du RSE
    33.  Par exemple, plainte d’un Etat membre ou dénonciation par un concurrent, un fournisseur ou un client ou une association
    34. Article 9 point 1 du RSE
    35.  Article 9 point 2 du RSE
    36.  Article 13 point 6 du RSE
    37. Article 15 du RSE
    38. Article 37 point 1 du RSE
    39. Article 17 point 1 du RSE : l’entreprise (i) fournit des renseignements incomplets, inexacts ou dénaturés en réponse à une demande de renseignements ou ne communique pas les renseignements dans le délai fixé ; (ii) présente de façon incomplète, lors d’une inspection, les livres ou documents professionnels requis ; (iii) fournit -suite à une question posée dans le cadre d’une inspection - une réponse inexacte ou dénaturée, ou omet de rectifier dans un délai fixé par la Commission une réponse inexacte, incomplète ou dénaturée donnée par un membre du personnel, ou omet ou refuse de fournir une réponse complète sur des faits en rapport avec l’objet et le but d’une inspection ; (iv) refuse de se soumettre à une inspection brise des scellés apposés ; (v) ne respecte pas les conditions d’accès au dossier ou les conditions de divulgation imposées par la Commission
    40.  Article 17 point 2 du RSE
    41. Article 26 du RSE
    42. Article 33 du RSE
    43. Article 7 du RSE
    44. Article 17 point 5
    45. Article 53 point 1 du RSE
    46. Extrait du Q&A en anglais : “Notifiable concentrations under Article 20 of Regulation EU 2022/2560 for which the agreement was concluded on 12 July 2023 or later but which have not yet been implemented on 12 October 2023, will need to be notified […]”

Ce qu'il faut retenir

L’objectif de cette nouvelle réglementation est clair : appréhender et contrôler les subventions étrangères consenties par des Etats non membres de l’Union européenne (UE), qui bénéficient à des entreprises ayant une activité au sein de l’UE et qui faussent le marché intérieur. En conséquence, les entreprises – en particulier les groupes étrangers – doivent intégrer cette nouvelle réglementation dans leur processus de financement et d’analyse des risques.

A propos de cet article

Auteurs
Wilfried Durand

Avocat, en droit et contentieux des affaires

Wilfried Durand est avocat en droit et contentieux des affaires.

Christine Rocha

Avocat, Senior Manager – Business Law, France – Centre d’Etudes Juridiques et Fiscales

Christine Rocha est en charge de la doctrine, de la capitalisation des savoirs et de leur partage auprès des équipes en droit des affaires.

Related topics Droit des affaires