Cet article a été publié dans Option Finance - Jeudi 11 avril 2024
Dans cette affaire, la filiale française du groupe SAP s’était engagée par une convention de centralisation de trésorerie conclue en 2009 à mettre à disposition de sa société mère allemande sa trésorerie en contrepartie d'une rémunération calculée sur la base du taux EONIA minoré de 0,15 %. En 2012, compte tenu de la chute du taux EONIA, un taux plancher de 0 % avait été prévu afin d'éviter une rémunération négative.
A la suite d’un contrôle, l’administration a considéré que l’absence de rémunération au cours des exercices 2012 et 2013 des sommes déposées constituait un avantage consenti à la société mère étrangère, la filiale française ayant renoncé à la rémunération qu'elle aurait pu obtenir en plaçant ces sommes auprès d'une banque.
Si les juges du fond avaient validé le redressement au motif que le défaut de rémunération des sommes permettait de présumer l'existence d'un transfert de bénéfices à l'étranger et que la société ne justifiait pas de l'existence d’une contrepartie à cet avantage, le Conseil d’Etat avait considéré que l'absence de rémunération ne suffisait pas à caractériser la renonciation à recettes dès lors qu’elle découlait de l’application de la formule de calcul prévue dans la convention de trésorerie².
Selon le Conseil d’Etat, dans une telle situation, il est nécessaire :
- d’une part, d’apprécier si, initialement, la filiale française avait souscrit à la convention de trésorerie conformément à son intérêt ;
- d’autre part, de vérifier si le comportement ultérieur de l'entreprise dans le cadre de l'exécution de la convention avait été conforme à son intérêt.
Sur ce dernier point, le rapporteur public estimait dans ses conclusions que le juge de l'impôt doit vérifier si la société n'aurait pas pu résilier ou réviser la convention devenue préjudiciable, ou même limiter le montant de ses dépôts. Au cas d’espèce, la convention de trésorerie n’ayant pas été versée au dossier, le Conseil d’Etat était dans l’impossibilité de l’apprécier et avait renvoyé l’affaire devant les juges du fond.
L’administration ne contestant pas le caractère normal de cette convention lors de sa conclusion en 2009, le débat portait exclusivement sur le point de savoir si le fait d’avoir poursuivi l’exécution de celle-ci au titre des années litigieuses était conforme à l’intérêt de la filiale. Par deux arrêts du 28 mars 2024, la cour de renvoi confirme, à l’aune des stipulations de la convention de trésorerie, que le comportement de la filiale n’avait pas été conforme à son intérêt et caractérisait un transfert indirect de bénéfices.