5 min de temps de lecture 4 oct. 2023
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Transformation avant cession : le changement de forme sociale doit être opposable à l'administration fiscale

Auteurs
Jérôme Ardouin

Avocat, Associé | Tax, Centre d’Etudes Juridiques et Fiscales

Mathieu Ferré

Avocat, Senior Manager | Tax, Centre d’Etudes Juridiques et Fiscales

5 min de temps de lecture 4 oct. 2023

La transformation d’une SARL en une société de capitaux avant sa cession permet de bénéficier des droits de mutation sur les cessions d’actions, plus avantageux, sous réserve que le changement de forme sociale soit opposable à l’administration fiscale comme vient de le rappeler un arrêt de la cour d’appel de Lyon.¹

Au regard des droits d’enregistrement, l’acquisition de parts sociales ou d’actions n’est pas équivalente² : si le taux des droits de mutation à titre onéreux est aujourd’hui de 3 % dans le premier cas³ il n’est que de 0,1 % dans le second⁴ de sorte que la transformation avant cession d’une SARL en une société par actions est couramment envisagée.

Si les juges et l’administration ont admis qu’une telle opération ne constituait pas nécessairement un abus de droit⁵, le bénéfice du taux applicable aux cession d’actions est toutefois subordonné à ce que la transformation de la SARL en société par actions soit opposable au moment de la cession à l’administration fiscale, comme le retient l’arrêt commenté.

Au cas d’espèce, en vue de la cession de leurs titres à la société CEGID, les associés d’une SARL ont décidé de sa transformation en société par actions simplifiée (SAS) le 24 juillet 2012, le contrat de cession ayant été conclu le 25 juillet et la cession déclarée auprès de l’administration fiscale le 3 août, les droits exigibles avaient été liquidés selon les règles applicables aux cessions d’actions⁶.

L’administration a quant à elle considéré que les droits de mutation auraient dû être calculés selon les règles applicables aux cessions de parts sociales dès lors que les formalités de publicité de la transformation n’avaient pas été réalisées à la date de la cession. En effet, le procès-verbal de l’assemblée générale ayant décidé la transformation a seulement été enregistré auprès du service des impôts des entreprises (SIE) le 7 août 2012, puis publié dans un journal des annonces légales (JAL) le 1er septembre avant d’être finalement déposé au greffe du tribunal de commerce le 25 septembre et de faire l’objet d’une publication au BODACC le 25 octobre.

Infirmant la décision des juges de première instance, la cour d’appel de Lyon retient, en se fondant sur les dispositions des articles L. 123-9 et L. 210-5 du code de commerce⁷, que « les droits d’enregistrement sur la cession des titres devant être liquidés selon leur nature juridique, il convient de rechercher si, à la date de la cession, la transformation de la société TDA qui a modifié la nature des titres était ou non opposable à l’administration des finances publiques ». Or, selon la cour, la transformation de la société n’était pas opposable à l’administration fiscale à la date de la cession dès lors que, à cette date, tout comme à la date de présentation de la déclaration de cession à l’enregistrement, la décision de transformation n’avait pas été publiée au RCS et que l’administration ne pouvait pas être considérée comme en ayant eu connaissance puisque le procès-verbal de transformation n’avait été enregistré auprès du service des impôts des entreprises que le 7 août.

Complétant la jurisprudence ayant déjà pu confirmer la remise en cause du taux applicable aux cessions d’actions au motif que l’acte de cession avait été conclu avant la date du changement de forme sociale⁸, l’arrêt de la cour d’appel de Lyon incite à la vigilance. Il conviendra ainsi, par souci de précaution, d’attendre que la décision de transformation ait été publiée au RCS ou, à tout le moins, qu’elle ait été enregistrée auprès du SIE, avant de réaliser la cession des actions.

  • Sources

    1. Cet article a été publié dans Option Finance n° 1715/1716 - Lundi 4 septembre 2023
    2. CA Lyon, 6 juillet 2023, n° 20/05110, DRFIP PACA c/ SA CEGID
    3. CGI, art. 726, I, 1° bis ; un abattement de 23 000 €, proratisé en fonction du pourcentage des titres cédés s’applique dans ce cas.
    4. CGI, art. 726, I, 1°
    5. Cass. com., 10 décembre 1996, n° 94-20.070, Sté RMC France ; BOI-ENR-DMTOM-40-10-10, 12 sept. 2012, n° 140). En revanche la question de savoir si ce type d’opération peut tomber sous le coup de la procédure de « mini abus de droit » de l’article L. 64 A du LPF n’a pas encore été tranchée.
    6. A l’époque, le taux applicable aux cessions d’actions était de 3 % pour la fraction d’assiette inférieure à 200 000 €, 0,5 % entre 200 000 € et 500 millions et 0,25 % au-delà.
    7. C. com., art. L. 123-9 : « La personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l’exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques […] les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre » ; art. L. 210-5 : « En ce qui concerne les opérations des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés par actions intervenues avant le seizième jour de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales des actes et indications soumis à cette publicité, ceux-ci ne sont pas opposables aux tiers qui prouvent qu'ils ont été dans l'impossibilité d'en avoir connaissance. […] »
    8. CA Paris, 6 mai 2010, n° 08/19735, Sté Body Well Holding BV ; v. aussi Cass. com., 9 février 1999, n° 97-10.907, DGI c/ Sté SAIM favorable au contribuable considérant que l’acte antérieur à la transformation dont se prévalait l’administration ne suffisait pas à caractériser la cession rendant les droits exigibles.

Ce qu'il faut retenir

A propos de cet article

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Jérôme Ardouin

Avocat, Associé | Tax, Centre d’Etudes Juridiques et Fiscales

Mathieu Ferré

Avocat, Senior Manager | Tax, Centre d’Etudes Juridiques et Fiscales