Récemment, la Cour de cassation a rendu deux arrêts dans lesquels elle affine sa jurisprudence sur le temps de travail effectif, en application de la jurisprudence européenne (CJUE 9 mars 2021, affaires C-344/19 & C-580/19 ; CJUE 9 septembre 2021, affaire C-107/19).
Article co-rédigé avec Aubin Lasm, Avocat, EY Société d'Avocats
Le 26 octobre 2022, elle a précisé qu’il convient de tenir compte des contraintes imposées au salarié sous astreinte pour déterminer si la période d’astreinte constitue du temps de travail ou du temps de repos (cf notre article).
Le 23 novembre 2022, dans un arrêt publié et figurant au rapport annuel, elle opère un revirement de jurisprudence sur le temps de travail effectif des salariés itinérants.
En l’espèce, un salarié n’a pas de lieu de travail habituel et son employeur lui demande d’intervenir avec un véhicule de la société dans le cadre d’un parcours de visites, programmé sur un secteur géographique très étendu. Pendant les temps de trajet entre son domicile et ses premiers et derniers clients, le salarié doit « en conduisant, …, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d'appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs, clients, directeur commercial, assistantes et techniciens, exerçait des fonctions de "technico-commercial" itinérant » . Ce travailleur itinérant a demandé le paiement d’un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires correspondant à ses temps de trajets de début et fin de journée professionnelle. La cour d’appel a fait droit à sa demande et l’employeur a saisi la Cour de cassation.
Celle-ci rappelle que le temps de travail effectif est défini comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (Article L. 3121-1 du Code du travail). Le temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile aux lieux d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie financière ou en repos (Article L.3121-4 du Code du travail).
La Cour de cassation applique également l’arrêt de la CJUE du 9 mars 2021, ayant considéré que les notions de « temps de travail » et de « période de repos » constituent des « notions de droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88/CE, sur certains aspects de l’aménagement du temps de travail ».
Elle admet que « lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code ».
Les contraintes auxquelles les salariés itinérants sont réellement soumis sont désormais prises en compte pour déterminer si le temps de trajet des travailleurs itinérants constitue ou non un temps de travail effectif. Et si tel est le cas, ce temps de trajet devra être pris en compte dans le temps de travail effectif, notamment au titre du décompte des heures supplémentaires réalisées.