Femme d’affaires devant des gratte-ciels

La loi « DDADUE » : mesures intéressant le droit des sociétés

La loi DDADUE contient des dispositions en droit des sociétés, en particulier en matière d’opérations de réorganisation. Nous vous proposons de revenir sur ces mesures.

Article co-rédigé avec Selen Kahya, collaboratrice, EY Société d’Avocats


En résumé, en droit des sociétés :

  • l’article 4 de la loi DDADUE concerne les opérations de réorganisation, et
  • l’article 5 vise à transposer la Directive dite « Women on Boards ».

La loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, dite loi « DDADUE », est venue ratifier l’ordonnance n°2023-393 du 24 mai 2023 relative aux fusions, scissions, apports partiels d’actifs et opérations transfrontalières¹.

Par ailleurs, le législateur a saisi l’occasion de la ratification pour corriger les incohérences rédactionnelles de cette ordonnance, mais aussi pour introduire de nouveaux dispositifs en matière d’opérations de réorganisation que nous vous proposons d’exposer dans le présent article. 

Ainsi, il convient de relever les modifications principales suivantes, prévues à l’article 4 de la loi DDADUE, qui sont entrées en vigueur dès le 24 avril 2024 :

  • Apports partiels d’actifs (APA) et actions à droit de vote double² : la loi prévoit désormais dans le cadre d’un APA, le transfert à la société bénéficiaire des droits de vote double dont la société apporteuse dispose en tant que société actionnaire. Pour rappel, avant cette loi, le maintien du droit de vote double n’était envisagé, en matière d’opérations de réorganisation, qu’en cas de fusion ou de scission. On rappellera toutefois que ce maintien est conditionné à l’absence de stipulations contraires des statuts.
  • Scissions réalisées entre SARL uniquement³ : la loi corrige une maladresse rédactionnelle de l’ordonnance du 24 mai 2023, celle-ci ayant omis de viser les opérations réalisées entre des SARL uniquement pour l’application des dispositions particulières prévues aux articles L.236-21 à L.236-26 du Code de commerce. 
  • APA simplifiés entre sociétés sœurs⁴ : la loi étend le bénéfice du régime simplifié jusqu’alors prévu en matière d’APA réalisés entre une société mère et sa filiale à 100%, aux sociétés sœurs c’est-à-dire entre des sociétés dont la totalité des actions ou des parts sociales⁵ représentant la totalité du capital est détenue par une même société mère.
  • APA simplifiés et dispense du rapport du commissaire aux apports⁶ : la loi rétablit la dispense du rapport du commissaire aux apports qui avait été supprimée par l’ordonnance du 24 mai 2023. En effet, suite à cette ordonnance, seule était visée la dispense du rapport du commissaire à la scission prévu au I de l’article L.236-10 du Code de commerce. Désormais, il est expressément prévu que cette dispense s’applique à tous les rapports de l’article L.236-10 du Code de commerce, en ce compris celui du commissaire aux apports visé au III dudit article.
  • APA et protection des créanciers⁷ : la loi corrige les maladresses rédactionnelles s’agissant tant de l’application du principe de solidarité entre la société apporteuse et la société bénéficiaire que de son exclusion. On rappellera notamment que l’article L.236-30 du Code de commerce, dans sa version issue de l’ordonnance du 24 mai 2023, ne prévoyait l’exclusion de la solidarité qu’entre sociétés bénéficiaires ce qui paraissait incohérent au regard des opérations d’APA, qui à la différence des opérations de scission, n’impliquent pas la disparition de la société apporteuse. 
  • APA transfrontaliers⁸ : la loi revoit la définition de l’APA transfrontalier en conformité avec celle de la Directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017, telle que modifiée par la Directive (UE) 2019/2121 du 27 novembre 2019. En effet, le régime transfrontalier s’applique en cas d’apport d’une partie de l’actif et du passif de la société apporteuse. Or, l’ordonnance du 24 mai 2023 avait défini l’APA transfrontalier en prévoyant que le régime était applicable en cas d’apport d’une partie de l’actif et, le cas échéant du passif.  Cela semblait donc constituer une surtransposition de la Directive susvisée. La nouvelle définition de l’article L. 236-48 du Code de commerce est désormais conforme. Pour autant, le législateur a souhaité introduire un nouvel alinéa à ce texte afin de laisser tout de même la possibilité aux parties à l’opération de soumettre celle-ci au régime des APA transfrontaliers alors que seule une partie de l’actif (donc sans passif) de la société apporteuse serait transmise.
  • Transformation transfrontalière⁹ : la loi prévoit désormais expressément le cas du transfert de siège social d’un Etat membre vers la France. Pour rappel, l’ordonnance avait défini l’opération de transformation transfrontalière comme l’opération par laquelle une société par actions ou une SARL immatriculée en France, sans être dissoute ou liquidée ou mise en liquidation, se transforme en une société de forme juridique relevant du droit d’un autre Etat membre, et transfère au moins son siège statutaire dans cet autre Etat membre, tout en conservant sa personnalité juridique. En conséquence, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi DDADUE, cette définition apparaissait incomplète.

En outre, au-delà des opérations de réorganisation, on relèvera l’article 5 de la loi DDADUE qui contient une habilitation en faveur du Gouvernement afin de prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi (soit jusqu’au 22 octobre 2024), toute mesure nécessaire à la transposition de la Directive (UE) 2022/2381 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes (dite « Women on Boards »).

 

Le périmètre de la loi d’habilitation a été rédigé de manière précise puisqu’il limite les pouvoirs du Gouvernement en prévoyant que la transposition devra correspondre au moins au champ d'application des actuels articles L. 225-18-1 et L. 226-4-1 du Code de commerce. En effet, le texte européen peut apparaître « moins-disant » que la réglementation française actuelle qui vise également les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes ou sociétés en commandite par actions non cotées, qui dépassent certains seuils¹⁰.

 

On pourrait en revanche s’interroger sur la marge de manœuvre laissée au Gouvernement, par le biais de cette habilitation, pour étendre les obligations de parité aux organes d’administration et de surveillance des sociétés par actions simplifiées qui auraient mis en place de tels organes de gouvernance. En effet, cette habilitation prévoit que la prochaine ordonnance devra garantir « dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés commerciales, l'exigence d'une proportion minimale de 40 % du sexe le moins représenté, pour l'ensemble de leurs membres, quelles que soient leurs modalités de désignation ».

 

Enfin, au-delà de la loi DDADUE, rappelons que la récente loi n°2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroitre le financement des entreprises et l’attractivité de la France prévoit également d’autres dispositifs en droit des sociétés, comme par exemple, de nouvelles mesures en faveur de la dématérialisation des assemblées générales, des réunions des associés et des réunions des organes de gouvernance. Autre contribution à suivre !

Ce qu'il faut retenir

En droit des sociétés, la nouvelle loi DDADUE a rectifié les erreurs rédactionnelles qui s’étaient glissées au sein de l’ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023 portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d'actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales. Le législateur a également saisi l’occasion pour introduire de nouvelles mesures telles que le régime simplifié des apports partiels d’actifs entre sociétés sœurs.


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