Cet article a été co-rédigé avec Jean-Christophe Courrèges, senior manager au sein du département droit social d’EY Société d’Avocats.
L’adoption de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2025 (LFSS 2025) a été finalisée après plusieurs recours à l’article 49-3 et un vote conforme du Sénat, le 17 février 2025, par 225 voix pour et 104 voix contre en nouvelle lecture. Voici les principales mesures sociales à retenir pour les entreprises.
Limitation des allègements de cotisations sociales
Tout d’abord, le système d’allègement de cotisations patronales sur les bas salaires est refondu en 2025 et 2026. En 2025, la réduction du taux de cotisations patronales maladie vise les salariés dont la rémunération ne dépasse pas 2,25 SMIC (contre 2,5 SMIC actuellement). Concernant les cotisations familles, la réduction s’appliquera désormais jusqu’à 3,3 SMIC (contre 3,5 actuellement). En 2026, ce dispositif sera supprimé et un dispositif de « réduction dégressive unique » sera mis en place, avec la possibilité d’ajuster le coefficient d’exonération par voie règlementaire. La réduction cessera de s’appliquer à partir de 3 SMIC.
Par ailleurs, la LFSS 2025 prévoit un gel du plafond de réduction générale des cotisations patronales (ex «réduction Fillon») qui sera fixé par décret et qui sera compris entre le SMIC applicable au 1er janvier 2024 (1 766,92 € brut mensuel) majoré de 60 % (1 060,15 €) et le SMIC de l’année en cours majoré de 60 %.
Pour 2025, cette valeur est fixée par rapport au niveau du SMIC applicable au 1er janvier 2024 majoré de 60 % pour l’ensemble de l’année (soit 1 766,92 € brut mensuel + 1 060,15 € = 2827,07 €), afin de neutraliser la revalorisation exceptionnelle du SMIC de 2 % intervenue le 1er novembre 2024.
De plus, les Primes de Partage de la Valeur (PPV) versées à compter du 1er janvier 2025 seront désormais intégrées dans l’assiette de calcul des allègements généraux, réduisant ainsi le montant total des allègements dont bénéficie l’employeur et, en conséquence, l’intérêt relatif du versement des PPV. Ainsi, chaque somme versée à titre de PPV viendra réduire le montant de l’exonération de cotisations dont bénéficie l’employeur sur les bas salaires, principalement pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 fois le SMIC.
Enfin, la fraction de rémunération des apprentis qui dépasse 50 % du SMIC sera désormais assujettie à la CSG et à la CRDS. Le seuil de la part de rémunération sur laquelle les apprentis bénéficient d’une exonération de cotisations sociales passera de 79 % à 50 % du SMIC. Cette mesure s’applique aux contrats d’apprentissage conclus à partir du premier jour du mois qui suit la publication de la LFSS.
Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (AT-MP)
D’une part, la LFSS consacre la nature duale de la rente AT-MP, découlant de l’ANI du 15 mai 20231 et d’une jurisprudence de la Cour de cassation du 20 janvier 20232.
Ainsi, la rente comporte une part professionnelle correspondant à la perte de gains professionnels et à l’incidence professionnelle de l’incapacité avec un barème forfaitaire fixé par décret et une nouvelle part fonctionnelle qui correspond au déficit fonctionnel permanent de la victime, dont le montant dépendra du nombre de points d’incapacité permanente multiplié par un pourcentage d’une valeur de point fixée par un référentiel prenant en compte l’âge de la victime, fixé par arrêté.
Ces deux parts pourront être majorées en cas de faute inexcusable de l’employeur. Cette réforme s’appliquera à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er juin 2026 pour les victimes dont l’état est consolidé à cette date.
D’autre part, les modalités de calcul du taux de la cotisation AT-MP seront modifiées par décret, afin de mutualiser les coûts liés aux maladies professionnelles à effet différé pour les entreprises.
Autres mesures
Le texte prévoit d’autres mesures, parmi lesquelles notamment :
- L’augmentation de 20 % à 30 % de la contribution patronale due sur les Attributions Gratuites d’Actions (AGA) à compter du premier jour du mois suivant la publication de la LFSS 2025, soit à compter du 1er mars 2025. La loi n’apportant pas plus de précision, ce taux devrait s’appliquer aux plans en cours et non aux nouvelles autorisations d’attribution, contrairement aux précédentes LFSS ayant apporté des modifications au régime social des AGA ;
- Un relèvement du taux de seuil de dépenses de recherche et développement (R&D) (de 15% à 20%) nécessaire pour que les jeunes entreprises innovantes (JEI) puissent bénéficier des exonérations sociales, à compter également du premier jour du mois suivant la publication de la loi.
- L’application dès le 1er janvier 2025 (au lieu du 1er janvier 2026) de règles instaurées par la LFSS 2024 ; à savoir notamment la non-prise en compte des salariés mis à disposition par les groupements d’employeurs dans l’effectif « sécurité sociale ».
Décision du Conseil constitutionnel et promulgation du texte
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 février 2025, notamment sur la conformité à la Constitution de l’assujettissement à CSG-CRDS des apprentis pour la part de leur rémunération au-delà de 50 % du SMIC. Cette mesure ne fait pas partie des quatorze articles considérés comme « cavaliers sociaux », censurés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 février 20253.
La LFSS 20254 a immédiatement été promulguée dans une version dédiée du Journal officiel du même jour. Après un parcours chaotique de plusieurs mois, la France dispose enfin de ses lois de finances pour 2025.