Jusqu’à présent, rappelons que le droit français ne prévoyait pas de droit de retrait en cas de fusion transfrontalière, un tel droit de sortie étant uniquement envisagé en matière de transfert de siège social d’une société européenne¹⁷.
Désormais, il est prévu tant pour les opérations de fusion transfrontalières que pour les opérations de scission, de scission partielle et de transformation transfrontalières. En revanche, l’article L.236-49 nouveau du code de commerce l’exclut en cas d’apport partiel d’actifs transfrontalier.
Le droit de retrait ne bénéficie qu’aux associés ayant voté contre l’opération, aux porteurs d’actions sans droit de vote et aux associés dont le droit de vote est suspendu temporairement. Il convient de relever que ce droit de retrait ne s’applique pas aux associés de la société absorbante en cas de fusion : en effet, ils ne subissent aucun changement de loi au titre des actions ou parts déjà détenues dans celles-ci.
Il peut s’exercer dans un délai de dix jours à compter de la date de décision de l’opération concernée¹⁸ et le versement du prix devra intervenir au plus tard dans un délai de deux mois après la date de prise d’effet de l’opération¹⁹.
Dans leur rapport, les dirigeants devront communiquer des informations sur la méthode utilisée pour déterminer l’offre de rachat²⁰ et le commissaire à la fusion, à la scission ou à la transformation, selon le cas, devra également se prononcer sur le caractère adéquat de cette méthode dans son propre rapport²¹.
3. Un contrôle de conformité et un contrôle de légalité assurés désormais uniquement par le greffier
Le contrôle de conformité préalable : La Directive a imposé aux Etats membres la désignation d’une autorité nationale chargée d’un véritable pouvoir d’investigation afin de contrôler la conformité de l’opération transfrontalière, et de délivrer ensuite le certificat préalable à l’opération. Ainsi, en France, comme la loi DDADUE nous l’annonçait déjà, les greffiers des tribunaux de commerce²² ont été désignés pour réaliser ce contrôle.
Le greffier devra désormais réaliser tant un contrôle formel qu’un contrôle anti-fraude et anti-abus de l’opération : à cet effet, il pourra solliciter des autorités compétentes toute information qu'il estime nécessaire, faire appel à un expert indépendant dont la rémunération sera prise en charge par la société concernée, s’assurer que l’opération n’est pas réalisée en vue de priver les salariés de leurs droits en matière de participation²³. Enfin, dans le cadre de sa mission, le secret professionnel ne pourra lui être opposé.
Soulignons également l’allongement de la liste des documents et informations à remettre au greffier compétent en charge du contrôle de conformité préalable. Au-delà des éléments qui étaient auparavant transmis à l’autorité compétente dans le cadre du contrôle de légalité, il conviendra d’ajouter notamment²⁴:
- le rapport des organes d’administration/dirigeant ainsi que le rapport du commissaire à la fusion ;
- les observations des parties prenantes ;
- la liste des filiales précisant le pays dans lequel chacune est immatriculée ;
- le nombre de salariés au jour de la mise à disposition du projet ;
- les informations relatives au respect des engagements de la société envers les organismes publics ;
- un document attestant que les sociétés ont approuvé le projet dans les mêmes termes et que les modalités relatives à la participation des salariés ont été fixées conformément aux dispositions applicables.
Cette exigence de contrôle doit être respectée à peine de nullité de l’opération transfrontalière en cause même si ce contrôle est un passage obligatoire pour publier et rendre l’opération opposable aux tiers. En effet, le greffier a la possibilité de bloquer l’opération si les conditions et procédures vérifiées ne sont pas conformes.
Le renforcement du contrôle préalable a, pour conséquence, un allongement du calendrier. En effet, ce contrôle sera réalisé dans un délai minimum de trois mois à compter de la réception de la copie du procès-verbal de l'assemblée approuvant l’opération ou, en l'absence d'assemblée, à compter de la date à laquelle l'organe compétent a décidé de la fusion. Ce délai pourra être prolongé en cas de mesures d’enquêtes ou demandes d’informations supplémentaires mais également en cas de complexité de l'opération. Ainsi, le greffier dispose d’un délai maximum de huit mois pour exercer son contrôle préalable de conformité.
Reste à espérer, comme indiqué dans les travaux parlementaires de la loi d’habilitation, que des lignes directrices soient élaborées afin de permettre à l’ensemble des greffiers des tribunaux de commerce « de disposer d’un référentiel commun » pour la réalisation de leur contrôle.
Le contrôle de légalité : Il ne sera désormais plus possible de faire appel à un notaire, seuls les greffiers étant compétents. Comme auparavant, le contrôle sera réalisé dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l’ensemble des documents requis dont le certificat de conformité datant de moins de six mois.
4. Encadrement de la date d’effet de l’opération
S’agissant de la date d’effet de l’opération entendue a priori comme la date de réalisation juridique de l’opération, la Directive laissait le soin aux Etats membres de la fixer en précisant que cette date devait être postérieure au contrôle de légalité et pour ce qui concerne les scissions transfrontalières, aux notifications relatives à l’immatriculation des sociétés bénéficiaires.
Or, si l’article L.236-44 nouveau du code de commerce renvoie à la date d’immatriculation de la société pour ce qui concerne l’hypothèse de création d’une ou plusieurs sociétés, le texte laisse aux parties le soin de fixer la date d’effet dans le projet de traité dans les autres cas. Toutefois, cette date est encadrée puisqu’elle ne peut être :
- ni postérieure à la date de clôture de l’exercice en cours de la société bénéficiaire pendant lequel a été réalisé le contrôle de légalité ;
- ni antérieure à ce contrôle (ce qui paraît conforme au texte de la Directive) ou à la réception par l’autorité compétente du siège de chaque société ayant participé à l’opération, du certificat de conformité. Cette dernière précision n’est, quant à elle, pas d’une grande clarté et pourrait être considérée comme contraire à la Directive qui n’autorise pas une date d’effet antérieure à l’exécution du contrôle de légalité.
Enfin, pour ce qui concerne les transformations transfrontalières, précisons que la date d’effet correspondra à la date d’immatriculation de la société au RCS conformément à l’article L.236-53 nouveau du code de commerce.