La volonté, au niveau européen comme français, est de favoriser l'économie circulaire. L'économie circulaire est une alternative à l'économie linéaire qui repose sur l'idée d'une société du tout jetable. Elle vise à réduire l'impact environnemental à tous les stades de vie des produits encourageant entre autres, leur réparation plutôt que leur remplacement à neuf ou la vente de produits d'occasion.
Ainsi par exemple, la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi « AGEC »¹, a notamment consacré une durée minimum de disponibilité des pièces détachées dans certains secteurs. Cette loi a été récemment complétée par la loi dite « Climat et Résilience »². Le sujet est donc évolutif et à surveiller de près.
Il résulte de l'intervention du législateur, de nouvelles obligations impliquant tant les fabricants et les importateurs qui leur sont assimilés que les distributeurs qui assurent la relation avec les clients consommateurs. Les réparateurs et les reconditionneurs professionnels sont également concernés.
Pour tendre vers un modèle économique plus circulaire, le législateur a utilisé un double levier : (i) un levier opérationnel, les pièces détachées et les pièces de rechange d'occasion ; (ii) un levier juridique, la garantie légale de conformité que nous détaillerons dans un prochain article.
I- LA DUREE DE DISPONIBILTE DES PIÈCES DÉTACHÉES RENFORCÉE
1) La durée de disponibilité des pièces détachées
La loi dite « Hamon » du 17 mars 2014³ avait mis en place une obligation pour les fabricants ou importateurs de biens meubles d'informer les vendeurs professionnels de la durée de disponibilité sur le marché, des pièces détachées indispensables à l'utilisation des biens en question. Cette information devait être ensuite répercutée au consommateur par le vendeur⁴.
La loi « Hamon » n'était pas allée jusqu'à consacrer une durée minimum de disponibilité des pièces détachées.
Depuis le 1er janvier 2022, suite à la modification de l'article L.111-4 du code de la consommation par la loi « AGEC » et la loi « Climat et résilience », c'est désormais chose faite, du moins pour certains types d'équipements.
Ainsi, pour la plupart des produits, les fabricants et importateurs demeurent (encore) libres de fixer la durée de disponibilité des produits. Celle-ci pourrait donc théoriquement être nulle. Théoriquement seulement car, indépendamment de l'aspect environnemental, vendre un produit sans rendre disponibles les pièces nécessaires à sa réparation dans le cadre de la garantie ou du service après-vente, et donc sans permettre l'utilisation du produit pour une durée raisonnablement attendue serait contestable.
Pour d'autres produits et en particulier, pour les équipements électroménagers, petits équipements informatiques et de télécommunications, les écrans et les moniteurs, une durée de disponibilité obligatoire a été fixée par la loi AGEC.
Un décret du 31 décembre 2021⁵ est venu récemment préciser la liste détaillée des équipements et des pièces concernés par cette obligation pour ce qui concerne les ordinateurs portables et les smartphones⁶. Il convient d'être particulièrement vigilant car cette liste pourrait être complétée dans les prochaines années.
Certaines pièces doivent être immédiatement disponibles. C'est le cas par exemple, des batteries ou des chargeurs. D'autres en revanche, doivent être rendues disponibles au plus tard deux ans après la mise sur le marché français, de la première unité du modèle concerné (ex. : cartes mères, ventilateurs, etc.)⁷.
Pour l'ensemble des pièces détachées concernées, la disponibilité est requise pendant toute la période de commercialisation du modèle concerné ainsi que pendant une durée complémentaire de cinq années. Il s'agit d'une durée minimale courant à compter de la fin de la commercialisation de la dernière unité du modèle concerné sur le marché français.
Par ailleurs, relevons que la loi « Climat et résilience » a introduit un nouvel article L.111-4-1 dans le code de la consommation : à compter du 1er janvier 2023, cette obligation sera étendue aux fabricants et importateurs d'outils de bricolage et de jardinage motorisés, d'articles de sport et de loisirs⁸. Là encore, un décret devrait préciser prochainement les modalités d'application de cette nouvelle mesure et notamment, les produits et pièces concernés.
La loi « Climat et résilience » a d'ailleurs prévue une sanction spécifique en cas de manquement à l'obligation de disponibilité des pièces détachées : lorsque le fabricant ou l'importateur ont expressément indiqué que les pièces étaient disponibles ou lorsque la disponibilité est imposée par la loi, tout manquement est sanctionné par une amende administrative pouvant atteindre 75.000 euros pour les personnes morales. Cette sanction entrera en vigueur le 1er janvier 2023⁹.
Enfin, notons qu'au-delà des dispositions des articles L.111-4 et L.111-4-1 du code de la consommation, d'autres biens peuvent également faire l'objet de dispositions particulières en matière de durée de disponibilité des pièces détachables. Citons, par exemple, le matériel médical¹⁰.
2) L'information au consommateur sur la durée de disponibilité des pièces détachées
Une information incombant au distributeur. C'est au vendeur professionnel qu'il revient d'informer ses clients consommateurs de la disponibilité ou de la non-disponibilité des pièces détachées. Le cas échéant, il doit également communiquer sur la période pendant laquelle ou sur la date jusqu'à laquelle ces pièces sont disponibles sur le marché. Or, le vendeur est rarement le fabricant lui-même. Il est généralement distributeur. Le distributeur n'a pas lui-même la maîtrise de cette durée de disponibilité.
Si cette obligation d'information paraissait initialement simple à mettre en place, on réalise aujourd'hui que ce n'est pas nécessairement le cas.
Lorsque le vendeur est informé de la disponibilité des pièces par son fournisseur, il répercute l'information à son client telle que reçue. Cette information doit figurer de manière lisible sur tout document commercial ou support durable adapté accompagnant la vente (ex. : facture, ticket de caisse, courriel, etc.).
En revanche, lorsque le vendeur ne reçoit aucune information de son fournisseur, le contenu et la forme de l'information à communiquer aux consommateurs varie selon les différentes catégories de produits concernés, avec des particularités pour les équipements électriques, électroniques et les éléments d'ameublement et plus particulièrement encore pour les produits soumis à une exigence spécifique de disponibilité des pièces détachées¹¹.
Le défaut d'information sur la durée de disponibilité des pièces détachées est passible d'une amende administrative de 15.000 euros maximum pour une personne morale¹².
Le sujet est donc à considérer avec soin, y compris pour le distributeur qui n'est théoriquement qu'un maillon de la transmission de l'information.
3) Le délai de fourniture des pièces détachées
Quels que soient les produits concernés y compris les équipements électroménagers, petits équipements informatiques et de télécommunications, les écrans et les moniteurs, l'obligation de fourniture des pièces détachées incombe aux fabricants et importateurs¹³.
Lorsque ceux-ci ont communiqué sur une durée de disponibilité des pièces ou lorsque celle-ci est imposée par la loi, le fabricant ou l'importateur est tenu de fournir la pièce commandée par un vendeur, un reconditionneur ou un réparateur, agréé ou non, dans un délai de quinze jours ouvrables¹⁴.
Ce délai fixé auparavant à deux mois était incompatible avec le délai d'un mois imparti au vendeur pour effectuer la réparation d'un bien dans le cadre de la mise en œuvre de la garantie légale de conformité¹⁵. La loi « AGEC » est ainsi venue corriger cette incohérence.
II- DE NOUVEAUX SECTEURS CONCERNÉS PAR L'OBLIGATION DE PROPOSER DES PIÈCES DE RECHANGE D'OCCASION
Qui est concerné ? Certains professionnels étaient déjà soumis à cette obligation tels que les garagistes¹⁶.
Désormais, depuis le 1er janvier 2022, sont également concernés les professionnels qui commercialisent des prestations d'entretien ou de réparation d'équipements électroménagers, de petits équipements informatiques et de télécommunications, d'écrans et de moniteurs. Ils ont ainsi l'obligation de prévoir au moins une offre incluant des pièces de rechange issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves¹⁷.
Il en est de même des professionnels qui commercialisent des prestations d'entretien et de réparation d'équipements médicaux. Dans ce cas, le consommateur doit pouvoir opter pour l'utilisation de pièces de rechange issues de l'économie circulaire à la place de pièces neuves¹⁸.
Une obligation spécifique pour certains produits. Cette obligation, ne concerne que certains équipements (lave-linges, lave-vaisselles, réfrigérateurs, téléviseurs, ordinateurs portables, radiateurs, etc.) et certaines pièces de rechanges (batteries, caméras, chargeurs, haut-parleurs, etc.)¹⁹. Il en est de même pour les équipements médicaux, les catégories d'équipements et pièces de rechange étant listés à l'article R.224-52 du code de la consommation.
Le consommateur doit être informé de la possibilité qui lui est offerte de choisir des pièces issues de l'économie circulaire par voie d'affichage à l'entrée du local²⁰ et le cas échéant, sur le site Internet du professionnel²¹. Le choix du consommateur pour utiliser une pièce de rechange doit être recueilli par écrit, avant le commencement de la prestation.
Les textes prévoient des exceptions à cette obligation.
Lorsque les pièces ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec la date ou le délai de fourniture de la prestation d'entretien ou de réparation, le professionnel est libéré de son obligation²². Il doit alors l'indiquer clairement au consommateur sous certaines conditions de forme. Ce type de situation sera sans doute évalué par l'administration en charge du contrôle, notamment au regard des efforts menés par le professionnel pour se procurer ces pièces ou anticiper leur achat.
Par ailleurs, pour les équipements médicaux, il est expressément mentionné que cette obligation ne peut s'appliquer si elle ne peut être mise en œuvre dans le respect du maintien de la destination de ces équipements ainsi que de la garantie de leur sécurité et de leurs performances.
Le manquement du professionnel à son obligation de proposer au consommateur une pièce de rechange issue de l'économie circulaire, lorsque celle-ci est disponible - ce qui amène toujours la question de la nature de l'indisponibilité - est sanctionné par amende administrative pouvant atteindre 15.000 euros pour une personne morale²³.
Relevons que cette obligation sera encore une fois étendue, le 1er janvier 2023, à de nouveaux secteurs : prestations d'entretien et de réparation d'outils de bricolage et de jardinage, d'articles de sport et de loisirs, y compris les bicyclettes, de bicyclettes à assistance électrique et d'engins de déplacement personnel motorisés²⁴
Ces dispositions vont dans le sens d'une incitation des consommateurs à une consommation plus responsable en valorisant les produits durables mais impliquent de la part des fabricants, importateurs, distributeurs et réparateurs une adaptation de leurs pratiques.