8 min de temps de lecture 17 avr. 2019
Homme, en pleine conversation téléphonique, vérifiant des données commerciales sur son ordinateur

Comment l’IA semble bouleverser la règle du 80/20 de la fonction fiscale

8 min de temps de lecture 17 avr. 2019

La puissante combinaison de l’intelligence artificielle et de l’expertise humaine ouvre un large éventail de possibilités pour la fonction fiscale.

L’intelligence artificielle (IA), l’une des technologies clés de la quatrième révolution industrielle, transforme le fonctionnement des entreprises. Les systèmes basés sur l’IA sont capables d’ingérer des informations et des instructions, d’apprendre à partir des interactions avec les données et les humains, de prendre des décisions, de réagir face aux situations nouvelles et de répondre aux questions de manière précise et logique.

Cette fonctionnalité inaugure une nouvelle ère de visibilité sur les données transactionnelles et la capacité des entreprises à créer de la valeur, à gérer les risques, à améliorer l’efficacité et à fournir des informations commerciales critiques. La fonction fiscale ne fait pas exception.

Les armées de comptables fiscalistes parcourent toujours de manière fastidieuse les comptes des sociétés pour déterminer les implications fiscales. C’est un travail minutieux qui nécessite les connaissances et l’expérience d’un fiscaliste hautement qualifié. Mais une seule machine utilisant l’IA peut désormais effectuer une grande partie de ce travail en quelques secondes avec une précision et une cohérence améliorées, permettant ainsi aux équipes fiscales de se libérer du temps pour apporter des contributions plus précieuses à leurs organisations.

Selon Martin Fiore, Associé EY, 80 % du temps de la fonction fiscale est consacré à la collecte de données et 20 % à leur analyse. « L’IA nous permet de presque inverser cela, créant ainsi un énorme gain de valeur », comme il l’explique.

Réduction du temps consacré aux obligations de conformité en mode manuel

Par exemple, l’IA transforme la classification et l’analyse des résultats à des fins fiscales et déclaratives. Les outils de révision automatisée utilisent déjà l’apprentissage automatique, une branche de l’IA, pour transformer la classification des données au niveau des stratégie et transactions à diverses fins fiscales et de déclaration. 

Avec les processus traditionnels, l’analyse et la classification des données financières visant à déterminer leur traitement fiscal peuvent être un exercice manuel chronophage sans garantie de résultats cohérents. Cette approche n’est pas viable, compte tenu du volume croissant de données à analyser, des pressions sur les coûts au sein des fonctions financières et fiscales, de l’accélération des initiatives de déclaration et de conformité et des exigences numériques croissantes des administrations fiscales.

Aussi puissante soit-elle aujourd’hui, l’IA en est encore à ses balbutiements.
Channing Flynn

Le temps moyen pour un humain à analyser 10 000 lignes de données de résultat est de 75 heures, là où les outils d’IA n’ont besoin que d’une minute, libérant ainsi des ressources rares et améliorant la cohérence et la confiance dans les résultats. « Pour mettre cela en perspective », explique le Dr Harvey Lewis, Responsable des données pour l’équipe de technologie fiscale et de transformation d’EY au Royaume-Uni, « en un seul mois de stratégie et transactions, une grande entreprise peut générer entre 16 000 et 25 000 lignes de données. »

L’IA aide les entreprises à respecter tous les types de conformité, de la déductibilité des dépenses aux fins de l’impôt sur les sociétés aux déductions pour amortissement en passant par la récupération de la TVA. Charles Brayne, Responsable de l’équipe de technologie fiscale et de transformation d’EY et Responsable en matière d’innovation fiscale d’EY Royaume-Uni, cite l’exemple d'une entreprise cotée sur le marché FTSE 100 dont le siège est au Royaume-Uni et qui cherche à améliorer ses résultats en matière de conformité tout en réduisant le temps consacré à satisfaire aux exigences fiscales en matière d’emploi. « Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le client pour fournir une approche, faisant appel à la fois à la robotique et à l’IA pour introduire de la cohérence et de la rigueur dans les décisions fiscales en matière d’emploi, permettant ainsi à l’entreprise de réduire radicalement le temps consacré à la conformité de base répétitive et à forte intensité de main-d’œuvre », comme il l’indique. « La solution a non seulement aidé le client à améliorer l’efficacité de ses processus internes, mais aussi à répondre à la numérisation croissante des principales autorités fiscales qui utilisent une technologie s’appuyant de plus en plus sur leur propre IA. »

Suivi du changement et réponses aux questions

Les équipes d’EY ont également déployé d’autres technologies à base d’IA qui peuvent aider les entreprises à surveiller les événements liés à la fiscalité dans le monde. EY Salient est un outil qui permet à une entreprise d'utiliser les données de façon inédite.

« Vous pouvez passer une vie entière à parcourir des actualités et des journaux », comme l’explique Lewis. « Et combien de temps faudrait-il pour lire 300, 400 ou davantage encore de sites Web des autorités fiscales, pour déterminer les changements qui viennent d’être annoncés sur ces sites Web, puis pour analyser le tout et savoir de quelle taxe et de quelles juridictions il est question ? » L’IA arrive de mieux en mieux à faire tout cela et bien plus encore.

Il s’agit d’une technologie puissante au niveau mondial ou local. Par exemple, dit Lewis, la responsabilité de se conformer aux règles fiscales locales incombe souvent aux responsables fiscaux des pays locaux, qui sont censés suivre l’évolution de la fiscalité en plus de toutes leurs autres activités quotidiennes. Par conséquent, bien souvent, les mises à jour passent à travers les mailles du filet. Des problèmes similaires se produisent lorsque les entreprises apprennent un changement substantiel concernant une juridiction, dit-il, car, du fait de ressources limitées, il peut y avoir une tendance à se concentrer exclusivement sur cette juridiction pour être sûr que les processus et les données pertinents restent conformes, tout en passant éventuellement à côté d’un autre changement ailleurs, ce qui pourrait avoir un impact significatif sur l’activité de l’entreprise.

Nous avons aidé un client à déployer un assistant virtuel. Dans le cas présent, une plateforme de chatbot destinée à donner des conseils fiscaux aux équipes financières.
Charles Brayne
Responsable de l’équipe de technologie fiscale et de transformation et Responsable de l’équipe d’innovation fiscale d’EY au Royaume-Uni

« Garder un œil sur cette question dans une perspective mondiale constitue un véritable défi », explique Lewis, « mais l’IA peut fournir des informations mondiales et locales presque en temps réel, permettant ainsi aux entreprises d’identifier les évolutions importantes pour leur activité et de les alerter de façon anticipée tout en leur proposant de façon très accessible une connaissance, une surveillance, une compréhension et une gestion des risques optimisées. »

Les technologies basées sur l’IA sont également utilisées pour gérer bon nombre de questions routinières répétitives que les équipes fiscales reçoivent des parties prenantes commerciales et financières. « Nous avons aidé un client à déployer un assistant virtuel. Il s’agissait dans le cas présent, d’une plateforme de chatbot destinée à donner des conseils fiscaux aux équipes financières sur la façon de coder et de classer les stratégie et transactions d’un point de vue de la fiscalité indirecte », explique Brayne. « Nous avons travaillé avec le client pour générer le contenu et configurer le chatbot de manière appropriée pour donner les bonnes réponses. »

Les parties prenantes peuvent désormais accéder en toute simplicité aux informations en posant une question au chatbot. Il s’agit d’un service à la demande et ils n’ont donc pas à attendre que l’équipe fiscale soit libre de fournir une réponse. Le chatbot peut également poser des questions de clarification en cas de besoin et s’il y a des réponses que le chatbot ne connaît pas, il les transfère aux équipes fiscales. « En fin de compte, les utilisateurs finaux obtiennent la bonne réponse rapidement et cela est possible grâce au remplacement de l’humain par une machine au sein de la fonction fiscale », comme l’explique Brayne.

Pour Channing Flynn, Responsable du secteur de la technologie fiscale mondiale d’EY, les implications futures sont vraiment très fascinantes. « À l’avenir, l’IA permettra une accessibilité et une compréhension sans précédent des données qui transformeront la façon dont les analyses de prix de transfert sont réalisées », dit-il. « Actuellement, les prix de transfert sont plus intuitifs que scientifiques et constituent un défi majeur pour les contribuables et les gouvernements. L’intelligence artificielle changera également radicalement le traitement des contentieux et de la planification, des domaines à la fois chronophages et complexes. L’IA permettra aux entreprises de gérer les risques et d’effectuer des analyses prédictives de manière beaucoup plus rapide et puissante que ce qui est possible aujourd’hui. Les entreprises pourront obtenir rapidement un aperçu de la jurisprudence et des défis procéduraux et de tout ce qui est disponible dans le domaine public pour contribuer à l’élaboration d’une stratégie fiscale ou pour mettre à jour les procédures de conformité fiscale dans le cadre de la nouvelle loi. »

Avec les évolutions rapides de l’apprentissage automatique, de l’exploration des données et de l’informatique cognitive, la prochaine décennie promet de faire d’énormes progrès en matière d’IA. « Aussi puissante soit-elle aujourd’hui, l’IA en est encore à ses balbutiements », précise Flynn.

L’homme et la machine : un binôme parfait ?

Bien que les avantages potentiels de l’IA soient énormes, il y a des craintes bien connues à surmonter. La plus grande inquiétude est que l’IA remplace les humains, mais Flynn tient à rassurer sur le fait qu’une réalité alternative est plus probable. « L’IA permettra aux professionnels de la fiscalité de travailler mieux, plus intelligemment et plus rapidement, ce qui signifie qu’ils pourront passer plus de temps à fournir des informations plus précieuses pour l’organisation, de la gestion des risques au partenariat avec l’entreprise en ce qui concerne ses projets et ses priorités stratégiques », comme il l’affirme.

En outre, l'intelligence artificielle devrait créer de nouveaux rôles qui n’ont jamais existé auparavant, tels que les architectes de solutions qui ont besoin de connaître à la fois la technologie et la fiscalité, et d’améliorer la capacité de la profession fiscale pour attirer et retenir les meilleurs et les plus brillants éléments, selon Fiore. « Le travail de niveau supérieur et de haute technologie que l’IA permet encouragera les meilleurs et les plus brillants à entrer dans la profession, il les aidera à apprendre plus rapidement et offrira une plus grande satisfaction professionnelle », dit-il.

Il est également important de noter qu’il y a certaines choses que l’IA ne peut pas faire, y compris l'analyse critique par l'humain, l’interprétation et le jugement. « L’IA ne supprimera pas le besoin d’expérience humaine et de perspicacité », explique Flynn. « Des professionnels de la fiscalité très compétents et qualifiés, dotés d’un esprit critique, seront toujours nécessaires pour prendre de bonnes décisions concernant ce qu’une machine à base d’IA conclut ou recommande. »

 

Il ne s’agit pas de remplacer les humains, il s’agit de la technologie augmentant le rôle que jouent les humains.
Dr Harvey Lewis
Scientifique des données en chef - Technologie fiscale et transformation d’EY Royaume-Uni et Irlande

Les applications d’IA doivent être configurées par des personnes qui s’y connaissent en fiscalité. « Il ne s’agit pas de remplacer les humains, il s’agit de la technologie augmentant le rôle que jouent les humains », explique Lewis. « Nous ne pouvons pas faire en sorte qu’une machine soit absolument parfaite de la même manière que nous ne pouvons pas faire en sorte que les humains soient absolument parfaits. Les deux font des erreurs, mais ils ont tendance à faire différents types d’erreurs. Cette collaboration permet aux clients de faire des choses qu’ils n’avaient tout simplement pas la possibilité de faire auparavant. »

En fin de compte, tout comme l’IA en est à ses balbutiements, la plupart des organisations sont au début de leur parcours avec la technologie. « Ce qui devrait freiner les entreprises, c’est la rareté des compétences, mais, dans les faits, c’est plutôt la méconnaissance des possibilités offertes qui fait obstacle », comme le précise Lewis.

Points d’action

  1. Identifier à quoi ressemble la feuille de route numérique de la fonction fiscale aujourd’hui et à quoi les parties prenantes souhaiteraient que son parcours numérique ressemble.
  2. Identifier ce en quoi la technologie de l’IA peut apporter de la valeur ajoutée.
  3. Utiliser des alliances pour identifier les outils, les interfaces d’application et les ensembles de données d’apprentissage appropriés.
  4. Acquérir des talents fiscaux, soit en internes soit en externe, ayant l’expertise technologique pour soutenir une initiative s’appuyant sur l’IA.
  5. Concevoir et mettre en œuvre une étude de faisabilité pour expérimenter et évaluer les éventuelles perspectives d’avenir.

Ce qu'il faut retenir

L’intégration de l’IA dans la fonction fiscale peut contribuer à améliorer l’efficacité et à répondre aux exigences numériques croissantes des administrations fiscales.

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