2 déc. 2022

De la liberté fondamentale de ne pas être fun

Par Marie Ballenghien

Avocate, Droit social – Senior Manager, France

Avocate en droit social, assistant avec pugnacité les employeurs français et internationaux depuis plus de 15 ans dans l’ensemble de leurs problématiques. Et globetrotter passionnée de découvertes !

2 déc. 2022
Expertises associées Capital humain

Un salarié est licencié pour insuffisance professionnelle, fondée en partie sur « un désalignement culturel profond ». Il conteste son licenciement, sollicitant son annulation sur le fondement d'une violation de sa liberté d'expression. Il estimait en effet que son refus d'accepter d'adhérer aux valeurs « fun and pro » de l'entreprise relevait de sa liberté d'opinion et d'expression.

Pour la Cour de cassation (Cass.soc, 9 novembre 2022 n°21-15.208), le licenciement était en partie fondé sur le comportement critique du salarié et son refus d'accepter la politique de l'entreprise, ce qui, pour elle, participait effectivement de sa liberté d'expression et d'opinion, sans qu'un abus dans l'exercice de cette liberté ne soit caractérisé. Dès lors, devait être cassé l'arrêt de Cour d'appel ayant débouté le salarié de ses demandes en nullité de son licenciement.

Au regard des faits de l'espèce, où le « fun and pro » se caractérisait en particulier par une « culture de l'apéro », l'obligation de participer à des séminaires et pots de fin de semaine fortement alcoolisés, ainsi que des pratiques prônées liant promiscuité, brimades et incitations à dérapages, la cassation de l'arrêt d'appel ayant débouté le salarié de la contestation de son licenciement n'est guère surprenante.

L'est sans doute davantage le fondement de la liberté d'expression retenu pour invalider le licenciement intervenu dans ce contexte, où les excès étaient manifestes et relevés par la Cour d'appel – licenciement au demeurant prononcé pour insuffisance sur la base de raisons essentiellement comportementales.

Cette « culture de l'apéro » est en tout cas susceptible de coûter cher à l'entreprise, le salarié ayant réclamé au fond plus de 460.000 euros au titre de la nullité de son licenciement, outre sa réintégration.

Rappel, s'il en était besoin, que reprocher à un salarié un manque d'adhésion aux valeurs de l'entreprise est un terrain pour le moins glissant – et ce, même quand lesdites valeurs sont moins équivoques qu'en l'espèce…

Ce qu'il faut retenir

A propos de cet article

Par Marie Ballenghien

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