La question du pouvoir d'achat est aujourd'hui au cœur de toutes les préoccupations, ce qui entraîne, chez les employeurs, une réflexion quant aux outils disponibles pour donner un coup de pouce à leurs salariés, en dehors des seules augmentations salariales.
A cet égard, la mesure phare au bénéfice des salariés est sans nul doute la prime de pouvoir d'achat (ou « PPV ») instaurée de manière pérenne par la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat (loi n°2022-1158 du 16 août 2022, publiée au Journal Officiel du 17 août 2022).
La PPV prend ainsi le relais de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, ou prime PEPA, qui dans sa dernière version a pu être versée jusqu'au 31 mars 2022.
Contrairement à son prédécesseur la prime PEPA, le dispositif de la prime de partage de la valeur, applicable depuis le 1er juillet 2022, est durable.
Une instruction a été diffusée en date du 10 octobre 2022 au Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale¹, sous forme de 55 questions/réponses venant préciser le régime de la prime de pouvoir d'achat (l'« Instruction »).
C'est l'occasion de faire un point rapide sur les conditions de ladite PPV.
Modalités de conclusion
La prime de partage de la valeur reste facultative et les entreprises ont une vraie marge de liberté dans son instauration : elles peuvent ne pas l'instituer, ou le faire ponctuellement pour une année, ou l'établir chaque année le cas échéant avec des conditions différentes, ou encore l'instaurer pour une durée supérieure à un an.
Sa mise en place s'effectue soit par accord conclu selon les modalités d'un accord d'intéressement, soit par décision unilatérale après consultation du Comité Social et Economique lorsqu'il existe.
Les employeurs de moins de 11 salariés informent, par tout moyen, leurs salariés de leur décision de verser une prime de partage de la valeur.
L'accord doit être déposé auprès de la Direction Départementale de l'Emploi, du Travail et des Solidarités sur la plateforme de téléprocédure du ministère du travail. A noter qu'il n'y a pas d'obligation légale de déposer la décision unilatérale (mais ceci peut quand même être envisagé afin de documenter les conditions retenues).
Bénéficiaires
Sont éligibles tous les salariés titulaires d'un contrat de travail :
- A la date de versement de la prime (date de mise en paiement des salaires figurant sur le bulletin de paie)
- A la date de dépôt auprès de l'Administration de l'accord- ou à la date de signature de la décision unilatérale en cas de mise en place par ce biais
- Etant précisé que l'acte fondateur de la prime doit spécifier la date d'appréciation de la présence des salariés qui est retenue parmi ces deux options
A défaut de contrat de travail (cas des stagiaires par exemple), le versement de la prime n'ouvre pas droit à l'exonération.
Il convient également d'avoir à l'esprit que les intérimaires en mission bénéficient de la prime de partage de la valeur dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l'entreprise utilisatrice. La condition de présence rappelée précédemment s'apprécie alors au niveau de l'entreprise utilisatrice.
Ainsi, l'entreprise utilisatrice qui attribue une PPV doit en informer sans délai l'entreprise de travail temporaire dont relève le salarié intérimaire, à qui elle communique l'accord ou décision unilatérale afférente, le montant de la prime attribué à l'intérimaire concerné ainsi que la date de versement de la PPV à ses propres salariés.
Critère d'attribution
Le seul critère d'attribution admis est la rémunération – c'est-à-dire qu'il est envisageable de réserver la PPV aux salariés dont la rémunération est inférieure à un certain montant. En revanche et en toute logique, il n'est pas possible de limiter son attribution à ceux dont la rémunération est supérieure à un certain montant.
En outre, il est interdit d'exclure des salariés sur la base d'un autre critère que la rémunération, y compris l'ancienneté qui n'est pas un critère valable. De même, le versement de la prime de partage de la valeur ne peut être conditionné à la présence dans l'entreprise à une date différente de celle prévue par la loi.
Modulation du montant
Le montant de la PPV est quant à lui modulable sur la base de certains critères prévus par la loi, à savoir :
- La rémunération,
- Le niveau de classification,
- L'ancienneté dans l'entreprise (ce qui n'était pas autorisé pour la PEPA),
- La durée de présence effective pendant l'année écoulée (la prime ne pouvant toutefois pas être réduite du fait de certaines absences assimilées à du travail effectif, telles que le congé maternité, paternité ou adoption et éducation des enfants), et
- La durée du travail prévue au contrat en cas de temps partiel.
L'Instruction précise que ces critères de modulation s'apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la prime. Ce faisant, elle va au-delà de la loi, qui ne prévoit cette période d'appréciation de 12 mois que s'agissant de la durée de présence, et pose de plus une difficulté pratique particulière s'agissant de l'ancienneté (dont on voit mal comment elle pourrait s'apprécier sur 12 mois).
Les conditions de modulation de la prime selon tout ou partie de ces critères autorisés doivent figurer dans l'accord ou la décision unilatérale instituant la PPV et l'employeur ne pourra pas procéder à une modulation qui n'aurait pas été prévue.
Principe de non-substitution
La PPV ne peut se substituer à des éléments de rémunération (à moins qu'un délai de 12 mois ne se soit écoulé entre le versement de l'élément remplacé et le versement de la PPV).
L'Instruction considère que contreviendrait à ce principe le versement de la PPV sous forme de supplément d'intéressement ou de participation volontaire, qui n'est donc pas admis.
Régime social et fiscal
La prime de partage de la valeur est susceptible d'être exonérée de cotisations sociales dans la limite maximale de 3.000 euros par an et par bénéficiaire.
Cette limite est portée à 6.000 euros dans certains cas, en particulier pour les entreprises dotées d'un dispositif d'intéressement, les entreprises appliquant un dispositif de participation à titre volontaire, ainsi que les ESAT et les associations et fondations reconnues d'utilité publique ou d'intérêt général².
Il est à souligner que l'accord d'intéressement ou de participation doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la prime (donc avoir été conclu avant ledit versement). Cette condition doit être remplie pendant toute la durée de l'accord ou de la décision unilatérale mettant en place la PPV³.
Dans cette limite de 3.000 € ou 6.000 € par an et par bénéficiaire, la prime est exonérée de toutes cotisations sociales, sans aucune condition de plafond de rémunération (à la différence du dispositif précédant de la PEPA qui était soumis à une rémunération maximum).
La fraction excédentaire à cette limite est, quant à elle, soumise à cotisations.
Bien qu'exonérée de cotisations sociales dans les limites rappelées précédemment, la prime est néanmoins assujettie :
- à la CSG-CRDS au taux de 9,7%,
- à la taxe sur les salaires le cas échéant
- ainsi qu'au forfait social de 20% sur la fraction exonérée de cotisations sociales dans les entreprises de 250 salariés et plus.
Elle est également soumise à l'impôt sur le revenu.
Régime temporaire plus favorable sous condition de rémunération
A titre temporaire, la PPV est exonérée de cotisations sociales, mais également d'impôt sur le revenu, de CSG-CRDS, de taxe sur les salaires et de forfait social jusqu'au 31 décembre 2023, lorsqu'elle est versée à des salariés ayant perçu une rémunération inférieure à 3 SMIC annuel au cours des 12 mois précédent le versement. A partir de 2024, la prime sera imposable et soumise à CSG-CRDS, taxe sur les salaires et forfait social, quelle que soit la rémunération du salarié.