La fiscalité devrait-elle suivre le rythme de la transformation ou contribuer à la façonner ?

11 min de temps de lecture 17 mai 2018
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La fiscalité est en pleine mutation. Cette transformation amenée par les évolutions technologiques et politiques pose des difficultés à de nombreuses entreprises qui peinent à suivre la cadence.

Comment se porte votre fiscalité ?

Votre fiscalité est-elle parée à faire face aux changements multiples qui s’opèrent au sein de votre organisation ? La pilotez-vous grâce à des éclairages sur les développements législatifs et à de nouvelles perspectives en matière de stratégies d’entreprises pour optimiser la prise de décision ? Si l’observateur occasionnel peut considérer le département fiscal comme un moteur improbable de la transformation, la réalité est toute autre.

Le rôle que jouent les fiscalistes d’aujourd’hui dans les grandes organisations mondiales n’a plus rien à voir avec l’image qu’on s’en faisait, celle de salariés enfermés entre quatre murs jonglant avec les données, les feuilles de calcul et les formulaires pour veiller au respect des obligations de conformité.

Désormais, le fiscaliste doit plus que jamais être connecté à l’organisation. Il est devenu un acteur clé des décisions stratégiques de l’entreprise au sein de l’organisation et y ajoute une réelle valeur. Mais face à des administrations fiscales qui font peau neuve, investissant massivement dans les outils numériques et des technologies plus avancées pour recueillir les informations des entreprises et les analyser en temps réel, c’est l’ensemble du département fiscal qui est appelé à entrer dans une nouvelle ère. Pour satisfaire les exigences de transparence et les demandes d’informations toujours plus poussées de ces autorités, les départements fiscaux doivent être en mesure de répondre rapidement et proactivement.

Le train de la transformation est en marche. Pour ne pas le rater, la fonction fiscale doit repenser et améliorer ses modèles opérationnels fiscaux en investissant dans les ressources humaines, les processus et les technologies qui établissent une connexion directe avec l’organisation dans son ensemble, mais aussi avec les administrations fiscales. En accédant à ces nouvelles capacités, les directeurs fiscaux seront à même d’exploiter les données en leur possession. Ils pourront générer de nouveaux éclairages et gagner en efficacité grâce à une automatisation à l’échelle de l’entreprise. Ils disposeront des moyens nécessaires pour nouer des relations avec de multiples parties prenantes internes et externes qui les aideront à garder la fiscalité en phase avec l’évolution des dynamiques du marché.

Une fiscalité qui ne prend pas le chemin de la transformation finira par être déconnectée du monde qui l’entoure et dans l’impossibilité ou presque d’atteindre ses objectifs et, par extension, les objectifs de développement de votre entreprise.

Pour mener efficacement sa transformation, la stratégie fiscale numérique nécessite une base solide composée, entre autres, d’approches judicieuses en matière de nouvelles technologies, de palettes de compétences, d’une gestion intelligente du Big Data, de collaborations efficaces et d’une administration de la direction.

Homme travaillant sur une imprimante 3D
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Chapitre 1

Les moteurs de la rupture fiscale

Des marchés et des réglementations qui évoluent

Chez EY, nous observons plusieurs tendances majeures qui poussent les fonctions fiscales vers le numérique :

Des marchés en mutation

Les technologies changent tout. Et lorsque cette onde de changement s’étend jusqu’à la façon dont les entreprises conduisent leurs affaires ou dialoguent avec leurs clients, les implications peuvent être bien plus importantes que prévu, notamment au niveau de la taxation de ces activités.

« Nous constatons un regroupement des biens et des services dans de nombreuses entreprises », indique Nick Muhlemann, EY Asia-Pacific Operating Model Effectiveness Partner. « Au sein de ces nouvelles offres groupées, nous pourrions bientôt recenser des services qui n’étaient pas fournis jusqu’ici, comme les services liés aux analyses et aux diagnostics. Or, ce format de vente donne naissance à un tout nouveau cadre de taxation. »

Les processus n’échappent pas à la transformation induite par les technologies. Ces changements en amènent d’autres dans la fonction fiscale qui doit s’adapter. À titre d’exemple, Edvard O Rink, EY APAC Operating Model Effectiveness Leader, basé à Singapour, pose le problème ainsi : « Comment déterminer la valeur d’un algorithme face à des fonctions humaines ? »

« De l’impression 3D à la robotique en passant par l’intelligence artificielle, les technologies n’ont pas fini de changer le mode de fonctionnement des entreprises jusqu’à la façon dont elles génèrent de la valeur et d’où elles la retirent. Ces évolutions appellent de nouvelles interprétations et applications des règles fiscales », explique Edvard.

Albert Lee, EY Asia-Pacific Tax Technology & Transformation and Digital Tax Leader à Hong Kong, estime que les systèmes fiscaux tentent de s’adapter. « Beaucoup de systèmes fiscaux ont été établis pour taxer des choses tangibles, dans un monde où les populations se déplaçaient peu et l’économie reposait encore sur des mécanismes séculaires », précise-t-il. « Mais depuis l’avènement du virtuel, avec la difficulté d’associer les entités et les individus à une résidence bien définie, les questions de juridiction fiscale sont devenues un vrai casse-tête. »

L’arrivée de nouveaux produits et pratiques pose des difficultés aux administrations et aux fonctions fiscales des entreprises. Elles ont besoin d’étoffer leurs capacités actuelles pour les évaluer et les déclarer, ce qui signifier prioriser l’adoption de nouveaux processus et technologies.

Le paysage réglementaire

Les tendances politiques et réglementaires découlant de l’évolution des marchés peuvent également avoir une incidence sur la fonction fiscale.

Les entreprises ne sont pas les seules entités qui repensent leurs modèles économiques et leurs activités pour s’adapter aux technologies émergentes. Les administrations fiscales ont également de nouvelles cartes en main. En accédant aux ressources dont elles ont besoin pour transformer leurs approches de recouvrement, elles modifient les règles et obligent les autres joueurs à les respecter. « Les administrations fiscales ont la capacité de gérer le Big Data et elles en attendent autant des contribuables. Nous avons constaté qu’elles multiplient les contrôles et les demandes de vérification », relève Carolyn Bailey, EY Americas Digital Tax Administration Leader à Boston.

Pour Clare Franklin, EY Switzerland Connected Tax Transformation Solution leader à Zurich, cette évolution des administrations fiscales a introduit un changement significatif et probablement permanent dans la vision de la fiscalité, aussi bien sur le plan de la connexion aux activités commerciales que celui de la transparence exigée. « Toute l’entreprise est concernée, de la main-d’œuvre à la supply chain en passant par les échanges commerciaux, dans la mesure où les entreprises doivent s’adapter aux nouvelles modalités fiscales », affirme-t-elle.

Le changement est encore plus visible au niveau mondial. Tout autour du globe, les juridictions se mobilisent pour mettre en œuvre les recommandations de l’OCDE visant à lutter contre l’évasion fiscale basée sur des stratégies d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices (BEPS) qui exploitent des failles et des carences dans les codes fiscaux internationaux. L’Union européenne a également pris un certain nombre de mesures pour renforcer la transparence fiscale et faire en sorte que le commerce numérique soit taxé dans les pays dont il émane plutôt que dans les juridictions où les serveurs sont hébergés.

Nous avons également constaté une régionalisation grandissante de la fiscalité touchant les entreprises. Ainsi, la législation fiscale phare de l’administration Trump a réduit le taux d’imposition des sociétés aux États-Unis en dessous de la moyenne de l’OCDE pour la première fois en 30 ans. Ces types de changements peuvent influer sur les décisions concernant la localisation des opérations commerciales.

Plus généralement, la méfiance croissante du public vis-à-vis des entreprises, associée à l’amélioration des méthodes de collecte de données, a entraîné un resserrement des règles de déclaration. « Les autorités fiscales et douanières du monde entier demandent des quantités de données sans précédent aux entreprises », souligne Sergio Fontenelle Marquez, EY Assessoria Empresarial Ltda, South America, basé à Sao Paulo. « C’est un tout nouveau monde basé sur les données. »

Professionnel utilisant son téléphone
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Chapitre 2

La forme du changement

Entre fiscalité numérique et analyses de données

Les technologies transforment la fiscalité de différentes manières. Certaines tendances modifient déjà les approches des directeurs fiscaux. Parmi ces tendances majeures qu’il faut et faudra suivre figurent les suivantes :

Notre récente étude « Tax Technology and Transformation » révèle que 84 % des organisations interrogées considèrent les technologies comme le paramètre le plus important pour améliorer l’efficacité de la fonction fiscale. Cernées par les changements qui ont lieu autour d’elles, les fonctions fiscales doivent évoluer pour s’ajuster à leur environnement. Les fiscalistes eux-mêmes sont amenés à gagner en assurance au sein de leurs organisations pour conduire ces changements dans leurs fonctions.

Force est de constater que les administrations avancent rapidement sur le terrain de la fiscalité numérique. Encore récemment, les déclarations fiscales exigeaient des vérifications internes laborieuses conclues par la remise de toute la paperasserie indispensable aux administrations fiscales pour traitement. Mais la conversion numérique des actifs financiers des entreprises promet une relation beaucoup plus étroite avec les administrations fiscales dans un avenir proche. Le numérique étant déjà une réalité dans de nombreuses administrations fiscales, le basculement des actifs pertinents de l’entreprise vers le numérique signifie pour ces autorités la possibilité d’accéder directement aux données dont elles ont besoin et de les recueillir. On comprend alors pourquoi les administrations fiscales engagent les contribuables à passer au numérique.

« Nous constatons que les administrations disposent de plus en plus d’informations au point qu’elles n’ont plus réellement besoin de s’appuyer sur des déclarations », révèle Albert Lee. « Elles ont créé des règles leur permettant de demander d’énormes quantités d’informations aux contribuables, d’échanger des informations avec d’autres administrations fiscales et d’exécuter leurs propres analyses pour déterminer le montant de l’imposition. »

L'analyse des données

Carolyn Bailey note une autre tendance majeure porteuse de transformations dans le secteur, à savoir l’émergence de plateformes d’analyse des données fiscales à l’exemple de notre plateforme EYKeySpace.

Daren Campbell, EY Americas Tax Technology and Data Analytics Leader, rappelle la puissance de ces plateformes qui ont permis à une entreprise de gérer 350 entités disséminées dans 70 pays.

Chez EY, nous avons déployé un outil de Data Blending qui accélère les opérations du client en récupérant les données issues de différentes sources, en les transformant et en les consolidant au sein d’un même entrepôt de données.

« Cet outil a non seulement simplifié et accéléré le processus de déclaration fiscale, mais il a aussi permis à l’entreprise de mettre en place des analyses grâce auxquelles elle a pu générer des visualisations détaillées qui l’ont aidée à déceler les problèmes d’efficacité dans les processus, à identifier des opportunités de planification fiscale et à gérer le risque fiscal », explique Daren Campbell. « L’entreprise dispose aujourd’hui de capacités analytiques suffisantes pour suivre la cadence de n’importe quelle administration fiscale dopant ses analyses de données. »

L’automatisation robotisée ou RPA (Robotic Process Automation)

Le RPA, qui consiste à remplacer les opérations humaines (répétitives et chronophages, en général) par un processus numérique, peut avoir un impact significatif sur la façon dont les fonctions fiscales exécutent leurs tâches.

Sharda Cherwoo, EY Americas Tax Intelligent Automation and Robotic Process Automation Leader à New York, garde à l’esprit l’efficacité avec laquelle des robots ont aidé un client à moderniser ses ventes ainsi qu’à gagner du temps et de l’argent à travers l’utilisation d’un logiciel fiscal.

« Grâce au RPA, nous avons automatisé l’ensemble du processus, jusqu’à l’impression des déclarations. Avec cette simple automatisation du processus, l’entreprise a gagné 60 % de temps, une amélioration considérable. Elle a pu consacrer le temps gagné à un travail d’analyse, afin de se pencher véritablement sur les ventes et les taxes en pensant à la planification fiscale. Ce regard nouveau lui a permis d’ajouter de la valeur au client dans le processus. »

En Chine, l’équipe fiscales d’EY à Shanghai a proposé une solution de RPA pour automatiser le processus de déclaration fiscale d’un client. 

Femme parlant à sa montre connectée
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Chapitre 3

Le nouveau visage du fiscaliste

Des professionnels aux profils qui évoluent

Depuis toujours, la fonction fiscale est un corps conservateur qui se positionne dans la réaction plutôt que dans l’anticipation lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre l’innovation. Susan Pitter, EY Global Deputy-Tax estime que cet état d’esprit doit évoluer et qu’une nouvelle approche est désormais nécessaire.

« Les fonctions fiscales recueillent les informations financières en temps réel, rapprochent les revenus et les impôts dus, puis produisent une déclaration, qui est un document historique », explique Susan Pitter. « Jusqu’ici, leur mission était axée sur des éléments passés, ce qui les a inscrites dans une intervention a posteriori plutôt que dans un rôle d’acteur de la transformation. Cette situation doit changer. »

Albert Lee considère que la stagnation numérique actuelle des fonctions fiscales s’explique en partie par le manque d’expérience : « La fiscalité n’est pas habituée à investir dans les infrastructures », remarque-t-il. « Le fiscaliste de demain aura besoin de connaissances et de compétences technologiques. Il devra aussi maîtriser les interactions avec les entreprises », annonce Albert Lee. « Le fiscaliste devra sortir du bureau dans lequel il était cantonné et véhiculer sa vision dans toute l’organisation en mobilisant ses compétences en leadership. »

Les quatre compétences clés du fiscaliste de demain

À la lumière de ces nouvelles pressions et difficultés, quels profils faut-il attendre dans la future génération de fiscalistes ? Ces professionnels de la fiscalité devraient afficher quatre compétences nouvelles :

     
  1. Des compétences technologiques : dans un monde où les technologies façonneront les administrations fiscales et leur donneront les moyens d’agir, la nouvelle génération de fiscalistes devra être composée de professionnels capables d’utiliser ces technologies et d’en faire la promotion, qu’il s’agisse d’outils d’analyse, d’IA ou de RPA. Les fonctions fiscales seront amenées à puiser dans des viviers de talents issus de tous horizons, en ne se limitant pas aux spécialistes traditionnels du droit fiscal et de la comptabilité. Elles se tourneront de plus en plus vers les technophiles et les étudiants dans les filières des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques.
  2. La capacité d’analyser les données en temps réel : autre conséquence du déploiement à grande échelle de technologies fiscales innovantes dans vos opérations fiscales, les administrations fiscales pourront accéder à vos systèmes ERP en temps réel. Votre fiscaliste ne devra plus seulement veiller à la bonne déclaration de vos activités passées auprès des autorités fiscales compétentes, il faudra qu’il soit capable d’analyser les données financières en temps réel, en s’appuyant sur des plateformes et des processus technologiques qui permettent une analyse simultanée, pour soutenir à la fois la gestion des risques et les prises de décisions stratégiques.
  3. Des compétences humaines affûtées : porteurs du renouveau de la fonction fiscale, vos fiscalistes devront sortir de l’ombre et devenir plus incisifs afin d’influencer, de persuader et de promouvoir le changement au sein de vos unités opérationnelles en s’assurant que les paramètres fiscaux soient pris en compte, planifiés et optimisés dans l’économie de votre entreprise. Les fonctions fiscales devront s’aligner sur les business plans de façon à intégrer la valeur d’une fonction fiscale connectée aux principales parties prenantes. Ce rôle nécessitera une approche innovante et tournée vers l’avenir de la part des fiscalistes.
  4. La capacité de surfer sur les nouvelles tendances : la conversion de la fiscalité au numérique ne représente qu’une infime partie des énormes transformations structurelles à l’œuvre dans chaque industrie et secteur sous l’impulsion de la révolution numérique. Comment imposer les actifs de la gig economy ? À quel niveau faut-il taxer les produits élaborés et livrés par le biais des nouveaux canaux numériques ? Quelles tendances réglementaires peuvent potentiellement influer sur la gestion et la collecte des taxes ? Le fiscaliste de demain devra garder un œil sur ces tendances, l’autre sur les transformations et veiller à ce que votre fonction fiscale conserve une longueur d’avance.
 

Nous vivons et travaillons à une époque dynamique. En ces temps de transformation, toutes les composantes de l’entreprise qui bâtit sa réussite doivent s’impliquer pour relever les défis amenés par les changements annoncés et saisir les opportunités sans précédent qu’ils présentent. Les entreprises qui transforment leur fonction fiscale devront revoir leurs processus opérationnels, adopter de nouvelles technologies et développer des compétences professionnelles inédites pour s’adapter à l’évolution des flux de données et des analyses de données, mais aussi pour répondre aux demandes de données devenues incontournables dans cette économie numérique mondiale. En cinq ans, le monde a complètement changé et même les départements fiscaux ont tiré un trait sur leur fonctionnement passé. Plus efficace et plus appréciée, une nouvelle mouture des fonctions fiscales voit le jour et celles qui adoptent les changements et investissent dans le « fiscaliste connecté » seront les mieux placées pour réussir.

L’approche Connected Tax d’EY accompagne le développement d’une nouvelle fonction fiscale vers le rôle de partenaire stratégique du conseil d’administration. Nos équipes EY vous aident à relier votre entreprise, ses parties prenantes, les autorités fiscales et les données et informations qui transforment les modèles économiques. En savoir plus..

Ce qu'il faut retenir

Les entreprises investissent dans les ressources humaines, les technologies et les processus fiscaux pour rapprocher les fonctions fiscales de leurs autres opérations et des administrations.

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