10 min de temps de lecture 13 nov. 2019
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Réflexions sur cinq tendances clés en matière de TVA

Les entreprises ont besoin d’un meilleur plan pour faire face aux forces initiatrices des changements dans le monde de la fiscalité indirecte.

Dans un contexte de pressions budgétaires permanentes, les gouvernements du monde entier cherchent de nouvelles sources de revenus. Face à la traditionnelle hausse des taux d’imposition sur les revenus, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) constitue désormais le nouveau levier d’action. Par conséquent, les entreprises mondiales doivent réévaluer leurs approches fondamentales de la conformité à la TVA.

Il est facile d’oublier que les régimes de TVA nationaux sont des nouveaux venus relatifs dans le monde de la fiscalité mondiale. Bien que l’idée d’une taxe basée sur la consommation ait émergé simultanément en Allemagne et en France au cours de la Première Guerre mondiale, la TVA — sous la forme que l’on connaît aujourd’hui — n’a été officiellement introduite qu’au début des années 50. Et, même si les États-Unis représentent un obstacle de taille — du moins pour le moment — plus de 160 pays perçoivent aujourd’hui un certain revenu issu de la TVA.

Les pays du Conseil de coopération du Golfe, par exemple, sont à divers stades de la planification ou de l’instauration de la TVA à l’heure actuelle : l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont mis en place un régime en 2018, Bahreïn en 2019, tandis qu’Oman et le Qatar devraient en initier un en 2020 et que le Koweït imitera très probablement ses voisins en 2021.

(Chapter breaker)
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Chapitre 1

Comprendre les tendances de la TVA

Alors que les régimes de TVA se répandent, il est essentiel de comprendre la volatilité des taux, les problématiques de la fraude, ainsi que les exigences en matière de déclaration numérique.

1. La popularité et l’importance de la TVA s’accentuent

Le pourcentage de la TVA sur la fiscalité mondiale n’a cessé de croître, passant de moins de 5 % dans les années 60 à un pic de près de 20,2 % en 20161, selon les données de l’OCDE. Il s’est stabilisé depuis lors — en grande partie à cause de la crise financière qui a touché le monde entier au début de cette décennie. L’origine de cet essor résidait dans la volonté des États de réduire leurs taux d’imposition sur les revenus des sociétés, une pratique visant à attirer et à conserver des entreprises.

« La plupart des pays ont, durant la majorité de leur histoire, compté sur l’imposition des revenus pour renflouer leurs trésoreries », déclare Gino Dossche, EY Americas Indirect Tax Compliance and Reporting Leader. « L’introduction de la TVA, l’augmentation des taux de TVA, ou la mise en œuvre de mesures d’élargissement de sa base, constituent pour eux des moyens de réduire, ou du moins d’éviter d’augmenter, leurs taux d’imposition sur les revenus des sociétés sans que cela n’engendre une perte nette de recettes fiscales. »

Le pourcentage de la TVA sur la fiscalité mondiale n’a cessé de croître, passant de moins de 5 % dans les années 60 à un pic de près de 20,2 % en 2016.

2. Les États repoussent les limites de la hausse des taux de TVA

Outre la popularité croissante de la TVA, de plus en plus de juridictions ayant mis en œuvre ces types de taxe en augmentent le taux. La crise financière a provoqué une tendance à la hausse des taux de TVA partout dans le monde, selon l’OCDE, avec un pic à 19,3 % en moyenne, en 20152. Ils sont restés stables depuis, bien que l’OCDE affirme que 10 États affichent aujourd’hui des taux supérieurs à 22 %, contre quatre en 2008.

« Chaque fois qu’une TVA est appliquée, quel que soit son taux initial, il y a toujours un risque que ce taux soit augmenté par la suite », déclare Geert Vandenplas, EY Global Indirect Tax Compliance and Reporting Leader.

La Hongrie, par exemple, a élevé son taux à 27 % en 2012. Elle a ainsi enregistré le taux le plus haut de l’UE et l’un des taux les plus élevés au monde. Dans la pratique, la plupart des juridictions considèrent que 20 % constitue la limite supérieure réaliste, en raison du risque de fraude et du caractère régressif perçu de la TVA. « Des taux plus élevés commencent à avoir une incidence trop marquée pour trop de membres de la société », déclare G. Vandenplas.

3. Les règles et les taux de la TVA entrent dans une période de volatilité

Partout dans le monde, les règles de fiscalité sont en pleine mutation, et la TVA ne fait pas exception. Dans les pays où elle est déjà mise en œuvre, par exemple, les autorités fiscales font tout ce qui est en leur pouvoir pour augmenter leurs revenus en élargissant la base. « Plus précisément, elles cherchent des biens et des services disposant d’un taux inférieur au taux standard, pour lesquels elles pourraient donc augmenter la TVA », explique G. Dossche. Généralement, les produits détaxés ou exemptés de TVA comprennent les journaux et les revues, les services financiers, l’immobilier, les médicaments, l’alimentation et les boissons (non alcoolisées), et le transport.

Par ailleurs, de plus en plus de juridictions se tournent vers une source émergente de revenus : le commerce électronique transfrontalier. « Une problématique que nous constatons aujourd’hui concerne la tendance à mettre à jour la législation et la politique relatives à la TVA afin de faire face à la nouvelle ère technologique », indique Aaron Bromley, EY Asia-Pacific Indirect Tax Compliance and Reporting Leader.

Les taux de TVA

19,3 %

Taux de TVA moyen dans le monde en 2015, un chiffre qui est demeuré stable depuis lors.

« En Asie-Pacifique, les autorités examinent de plus près les services numériques d'entreprises du B2C proposés par des prestataires de services étrangers, ainsi que l’importation de biens de faible valeur. Ces derniers, généralement commandés par le biais de plateformes en ligne, ne sont probablement pas soumis à la TVA au moment de leur importation, suivant les seuils en vigueur. Les stratégie et transactions B2C sont souvent passées entre les mailles du filet, la réglementation ciblant uniquement les stratégie et transactions B2B, par le biais d’une “autoliquidation”. » Selon A. Bromley, ces deux types de transaction vont prochainement être confrontés à des changements, tant en matière de taux que de réglementation, en Chine, en Malaisie et à Singapour, entre autres.

4. La fraude à la TVA est bel et bien d’actualité

Alors que les États comptent sur la TVA pour représenter une part toujours plus importante de leurs recettes fiscales, la fraude à la TVA — lorsqu’une entreprise demande un remboursement pour une TVA qu’elle n’a jamais payée, ou ne rembourse pas à l'Etat la TVA collectée auprès de ses clients — se retrouve de plus en plus sous le feu des projecteurs.

Cette problématique est courante dans les pays en développement. La Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) affirme3 que la fraude à la TVA a considérablement augmenté en Amérique latine, représentant 120 milliards de dollars de recettes manquées rien qu’en 2015.

Les économies plus développées ont obtenu des résultats encourageants dans la réduction de la fraude à la TVA. La Commission européenne, par exemple, estime avoir réduit son écart de TVA — la différence entre les recettes de TVA attendues et le montant effectivement perçu — de 161 milliards de dollars en 2016 à 150 milliards de dollars en 2017.

Par conséquent, les gouvernements concentrent davantage de temps et d’efforts à réduire la fraude à la TVA, au moyen d’un remaniement de leurs systèmes. Cette prise de position oblige les entreprises à suivre le rythme des changements apportés aux systèmes des autorités fiscales et à rester informées des dernières technologies.

5. Les exigences en matière d'obligations déclaratives informatisées et de conformité ne cessent d'augmenter

Principalement en réponse à la hausse de la fraude à la TVA, mais aussi en raison de l’essor de l’économie numérique et de la volonté générale des autorités fiscales de réduire leurs coûts opérationnels et d’améliorer leur efficacité, la TVA « passe au numérique ».

Traditionnellement, la conformité à la TVA était une formalité relativement souple. « La déclaration était toujours sommaire, sans trop de détails », déclare G. Dossche. « Vous pouviez clôturer les comptes de votre entreprise la première semaine du mois suivant, et disposer d’un délai de 10 à 20 jours pour effectuer des corrections avant de déclarer votre TVA. »

Cette époque est désormais révolue. « Nous constatons aujourd’hui — et cela va s’accélérer — un passage à la déclaration de TVA entièrement numérique et en temps réel », indique G. Vandenplas. « Vous n’aurez plus le temps d’apporter des corrections avant de déposer votre déclaration digitale. Chaque pays mettra en œuvre ses propres règles concernant les erreurs et les mises à jour — les amendes et les évaluations relatives aux erreurs seront probablement plus fréquentes. »

Nous constatons aujourd’hui — et cela va s’accélérer — un passage à la déclaration de TVA entièrement numérique et en temps réel.

La déclaration de TVA numérique a été initiée en Amérique latine, principalement en réponse à la fraude. Le Brésil a été le premier pays à introduire de nouvelles mesures radicales en 2008, obligeant les entreprises à déclarer leurs stratégie et transactions de TVA numériquement. Toute vente intra-entreprise, B2B ou B2C doit désormais être accompagnée d’une facture numérique, ce qui améliore considérablement la capacité des autorités fiscales brésiliennes à surveiller les stratégie et transactions.

Des mesures similaires ont été mises en œuvre au Mexique, qui a lancé en 2011 un protocole de facture électronique pour toutes les factures. Plus récemment, la Pologne a mis en place un régime de TVA électronique — initié en 2016, mais destiné à être complètement déployé en janvier 2020 — avec un formulaire principal désormais requis chaque mois, et six formulaires complémentaires devant être disponibles à la demande des autorités.

Aujourd’hui, le Royaume-Uni adopte lui aussi la déclaration de TVA numérique. Making Tax Digital est le nom du programme général du département de la Fiscalité et des Douanes (Her Majesty’s Revenue and Customs - HMRC) visant à numériser l’intégralité de l’administration fiscale. Depuis le mois d’avril 20194, les entreprises dont les ventes s’élèvent à 105 000 dollars ou plus sont tenues de déclarer la TVA et de conserver leurs déclarations dans un format numérique.

En Asie-Pacifique, seuls quelques pays, tels que la Corée du Sud et l’Indonésie, ont mis en place la déclaration numérique pour les stratégie et transactions. Mais l’évolution est en marche. « Pour le moment, la plupart offrent seulement la possibilité de déclarer la TVA de manière électronique — peu la rendent obligatoire », indique A. Bromley. « Toutefois, la déclaration numérique est une tendance amenée à s’accélérer très prochainement. »

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Chapitre 2

L’opportunité représentée par la TVA

Même si les bouleversements liés à la TVA obligent les entreprises à s’adapter, cette disruption offre à ces dernières l’opportunité de repenser la planification et la conformité fiscales.

Ces tendances ouvrent la voie à une liste toujours plus longue de défis à relever pour les entreprises. Nombre d’entre elles sont paralysées par leurs structures organisationnelles actuelles. L’absence de normes mondiales harmonisées a conduit les multinationales à adopter une approche décentralisée de la fiscalité en général, et de la TVA en particulier.

La gestion de la TVA est souvent déléguée à l’équipe financière locale. « Le fait que différentes personnes en interne, souvent non familières de la fiscalité ou de la TVA, préparent les déclarations, l’absence de processus standardisé et le manque de visibilité général, régional aussi bien que mondial, entraîne une augmentation des coûts et des risques », affirme A. Bromley.

Un risque croissant pour les entreprises, à l’heure où les exigences technologiques sont en hausse, est la prolifération de solutions ponctuelles. Pressées de se conformer à un nouveau régime de TVA numérique, les équipes commerciales ou fiscales locales sont susceptibles de passer outre les solutions stratégiques et d’être davantage tentées de faire appel à des fournisseurs locaux. « Cette démarche est non seulement inefficace, mais, en raison des difficultés représentées par la due diligence, elle expose également l’entreprise et son service fiscal aux risques des fournisseurs », déclare A. Bromley.

Le passage aux taxes à la consommation offre aux entreprises une opportunité incontournable de repenser fondamentalement leur approche mondiale de la planification et de la conformité fiscales.

Les entreprises sont également confrontées au défi permanent et grandissant de trouver les personnes compétentes qui sauront appliquer efficacement leurs processus de TVA à l’échelle mondiale. « Dans un monde en constante mutation, vous avez besoin d’experts en fiscalité, qui comprennent l’environnement local et s’y adaptent en permanence », indique G. Vandenplas. Dans le même temps, ils doivent également être capables d’adopter une vision mondiale, notamment en contribuant à réduire le risque fiscal et les coûts de mise en conformité, en collaborant afin d’harmoniser les processus au travers d'un réseau mondial. « Il devient de plus en plus cher et difficile de recruter et de fidéliser des professionnels bénéficiant d’une telle expérience », déclare G. Vandenplas.

Saisir l’opportunité

Le passage des administrations fiscales aux taxes à la consommation offre aux entreprises une opportunité incontournable de repenser fondamentalement leur approche mondiale de la planification et de la conformité fiscales. L’objectif final devrait être de parvenir à une standardisation plus étendue des opérations mondiales, en réduisant le nombre d’ajustements à apporter au niveau local. De cette façon, l’expertise est concentrée et exploitée, tandis que les flux de travail et la conformité sont optimisés.

Un facteur essentiel est la capacité d’une entreprise à répondre aux exigences de déclaration en temps réel. « L’investissement technologique requis peut être trop important pour une seule entité ou même un groupe d’entreprises », indique G. Vandenplas. « Par exemple, si vous utilisez une technologie conçue pour servir de nombreuses entreprises, elle est davantage susceptible d’intégrer les derniers outils technologiques et éclairages, qui sont à même de réduire les coûts ainsi que les risques liés au manquement des délais et des informations clés en matière de conformité. »

Le recours à l’externalisation ou au co-sourcing pour la mise en conformité de la TVA à l’échelle mondiale gagne de plus en plus en crédibilité. « Vous avez besoin de la bonne expertise au bon endroit. En outre, vous devez être constamment à jour sur les développements et les changements dans chaque pays », précise G. Vandenplas. « Ce sont des conditions idéales pour un modèle d’externalisation ou de co-sourcing. Vous pouvez réaliser des économies en travaillant avec un fournisseur qui dispose d’une expérience similaire sur d’autres marchés et peut mettre en œuvre des pratiques de pointe. »

  • Les actions à entreprendre dès aujourd’hui

    Pour répondre aux tendances mondiales relatives à la TVA, suivez les étapes suivantes.

    1. Réévaluez votre service fiscal et déterminez si vous allouez suffisamment de ressources à la gestion de la TVA.

    2. Répertoriez les changements liés à la TVA à l’échelle mondiale, afin de comprendre les juridictions, les réglementations, les changements à venir, les risques et les expositions, ainsi que votre responsabilité en matière de conformité.

    3. Évaluez si votre organisation peut se permettre de réaliser les investissements nécessaires en matière d’expertise et de technologies fiscales locales, puis effectuez une comparaison avec les modèles d’externalisation et de co-sourcing.

Ce qu'il faut retenir

Plus de 160 juridictions perçoivent désormais des recettes de TVA, qui représentent environ 20 % de la fiscalité mondiale. Les biens et les services soumis à la TVA, y compris le commerce électronique transfrontalier, sont également en augmentation — tout comme la déclaration de TVA en temps réel. Le fardeau indéniable représenté par la mise en conformité de la TVA peut toutefois se transformer en véritable opportunité si les entreprises parviennent à une standardisation plus étendue de leurs opérations mondiales. Nombre d’entre elles ont recours à l’externalisation ou au co-sourcing afin de résoudre le problème.